Dans l'immense majorité de nos villes, les espaces réservés aux piétons sont chaque jour « colonisés » par un nouvel occupant qui s'ajoute aux dizaines de milliers qui l'ont devancé dans cet expansionnisme d'un genre particulier ! Qu'il s'agisse des trottoirs, des bandes blanches, des rues piétonnes, des bas côtés ou même des petits passages vers une station ou tout simplement vers chez soi, ces « territoires occupés » n'appartiennent plus exclusivement aux piétons mais sont plutôt partagés avec des commerçants de tous genres, des automobilistes en mal de parkings et d'espaces de stationnement, des terrasses de cafés aux parasols géants, des kiosques qui n'arrêtent pas de s'agrandir, des panneaux d'affichage et des présentoirs pas toujours autorisés et des abribus autours desquels s'agglutinent à toute heure de la journée des dizaines de vendeurs à la sauvette !
On se demande s'il reste encore au piéton un quelconque droit sur les parcelles qui en principe lui reviennent prioritairement. Aujourd'hui, certains craignent que les trottoirs ne soient payants à l'avenir et qu'on ne commence bientôt à installer des horodateurs pour piétons ; le projet a des chances de renflouer les caisses des municipalités soucieuses avant tout désormais de rentabilité financière avant de penser au respect des droits de chaque citoyen !
Le « souk » ! Les petites artères commerçantes de Tunis tout comme celles des grandes villes du pays ressemblent depuis un certain temps aux ruelles de la Médina toujours encombrées de monde ! Avec les voitures en plus ; et encore ! A Sousse, la petite ruelle qui traverse la vieille cité vers le marché municipal est ouverte à la circulation bien qu'elle ne soit pas assez spacieuse pour permettre le passage des seuls piétons, il en est de même de la ruelle qui lui est perpendiculaire et qui mène à la petite place appelée Rahba. A Sfax , le même embouteillage est constaté quotidiennement dans les artères étroites de sa Médina. A ce rythme là, toutes nos agglomérations, les anciennes et les modernes, s'appelleront « souks » puisque c'est le « bazar » 7 jours sur 7 et pendant plus de 10 heures quotidiennement !
Sauvage ! Dans cette foire, le piéton doit se battre, pousser des coudes et des épaules, dribbler, zigzaguer, doubler quand il ne peut ni ralentir ni freiner au risque de tamponner un autre citoyen pressé, réaliser des sauts périlleux notamment pour quelqu'un qui a dépassé la soixantaine, et toujours faire attention pour ne pas se trouver au milieu de la chaussée ou sur les rails du métro ! L'autre jour, un vieillard cherchait son chemin sur un trottoir de la rue d'Espagne, quand tout à coup il perdit l'équilibre et se trouva devant une voiture dont l'aile gauche le frôla et le fit tomber ! Bon, plus de peur que de mal diriez-vous ; mais faut-il attendre que des gens meurent pour décongestionner les rues commerçantes de Tunis. Il y a deux ans, un de nos parents, mal entendant, fut percuté par un train qui passait justement par un coin de la ville de Jendouba où il n'y avait ni trottoir, ni rambarde, ni feux de signalisation, mais plutôt un marché « sauvage » grouillant de monde et de véhicules divers si bien que même les bien portants peinent à le traverser et en oublient facilement la voie ferrée qui coupe le lieu en deux rives! Les droits du piéton bafoués Qui aujourd'hui pense au piéton? Que rapporte-t-il à la municipalité, voilà ce qui compte ! Si au moins il payait une taxe intéressante à chaque passage sur les trottoirs, on l'aurait peut-être traité avec plus d'égards ! Et puis que versera -t-il au mieux ? Jamais autant que le cafetier qui a planté partout ses tables, ses chaises et ses parasols monstrueux et dont les clients semblent narguer les passants en empiétant encore plus sur le territoire public ! Nous serons bientôt, si nous ne le sommes déjà, à l'ère des trottoirs privés : demain, un particulier vous interdira peut-être de passer sur la parcelle située devant chez lui, ou devant son commerce ! Les administrations ont déjà depuis longtemps leur chasse-gardée, il y a même une tendance à agrandir les « fiefs » publics en grignotant davantage le domaine du piéton ! Faites comme les autres ! La solution ? Rouler en voiture, à moto, à bicyclette comme tous ceux qui ont compris que chez nous la chaussée et le trottoir ne font qu'un ! Vous pouvez donc en toute impunité si vous êtes un as de la conduite suicidaire ou meurtrière, rejoindre votre lieu de travail, vos amis au café, votre famille à la maison, en moins de temps en empruntant les passages interdits, en bousculant et en menaçant les piétons sur ce qu'ils croient être leur trottoir, en jouant aux flics américains pourchassant un automobiliste fugitif et toujours donc en vous jouant des frontières entre le territoire du piéton et celui des citoyens « motorisés » ! Surtout ne vous plaignez à personne, c'est peine inutile : l'autre jour sur le boulevard du 9 avril, nous nous sommes plaints à l'agent de circulation des automobilistes qui s'arrêtaient sur les bandes blanches et empêchaient le passage en toute sécurité des nombreux piétons qui attendaient leur tour pour traverser l'avenue ! Mais, l'agent ne daigna même pas nous regarder et se tourna vers une file d'autres voitures prêtes toutes à écraser le premier passant du moment que leurs conducteurs étaient dans leur ... droit ! Et le droit du piéton, faut-il le piétiner ?