La vague de froid qui sévit ces derniers jours a au moins l'avantage de réveiller certaines consciences assoupies sur les conditions des familles modestes en hiver. Alors qu'une grande partie des Tunisiens a suffisamment de quoi résister efficacement au froid hivernal, d'autres se chauffent avec des restes de braise et en allumant quelques brindilles pour le ramassage desquelles ils se courbent l'échine durant des heures. Les plus jeunes ne sont pas toujours au chaud chez eux, ni dehors, dans leurs salles de classes par exemple. On serait tenté de leur donner raison quand ils font l'école buissonnière en hiver et préfèrent passer une matinée ou un après-midi dans les cafés ou les pizzérias chauffés. Au début des années 80 et au lycée d'Ain Draham (à l'époque, il n'y en avait qu'un), les enseignants et leurs élèves travaillaient l'hiver dans des conditions vraiment inhumaines. Certains élèves venaient à pied de la petite localité de Babouch, située à 5 kilomètres de leur établissement. On en voyait qui n'avaient sous leurs tabliers qu'une chemise légère ou qu'un semblant de tricot. Aux pieds quelques-uns ne portaient qu'une mule de plage ( !) et parfois sans chaussettes. En somme ni gants, ni manchons, ni capuches, ni blousons en cuir, ni para, ni voiture de papa ! Dans les bureaux de l'administration et à la salle des professeurs, on allumait de vieux poêles de l'époque coloniale qui ne diffusaient leur chaleur que dans un rayon de deux mètres et à condition que l'endroit soit calfeutré. Une fois, les enseignants avaient lancé le mot de grève et menacèrent de passer à l'acte si le lycée ne se dotait pas d'une unité de chauffage efficace. Le directeur régional de l'enseignement promit de faire suite à leur requête et au bout de quelques années, le projet reçut l'aval des autorités. Aujourd'hui, l'établissement est équipé du chauffage central, mais nous ne savons encore pas si les nouveaux établissements de la ville bénéficient d'installations semblables. En tout cas, la plupart des écoles de cette zone à l'hiver rude ne disposent et depuis des décennies maintenant d'aucun système de chauffage efficace. Nous pensons que c'est le cas dans toutes nos villes à climat très froid. Pourquoi continue-t-on à y construire de nouveaux lycées, collèges et écoles primaires sans penser à la saison des gels et des neiges. Toujours cette excuse du budget !
Courants dangereux Quand un parent envoie son enfant à l'école ou au lycée, il aimerait que celui-ci étudie dans des salles salubres, propres, suffisamment aérées et pourquoi pas climatisées. Or, il existe des établissements dont pas une fenêtre, dont pas une vitre, dont pas une porte n'est intacte. Le courant d'air est très...courant dans les classes. Les couloirs de nos bahuts ne sont protégés que très rarement contre les pluies et les vents, ils constituent également des endroits idéaux pour attraper l'angine et la bronchite. Contre l'humidité, on n'adopte généralement pas les bonnes solutions et même le bureau de monsieur le directeur peut en faire les frais. Un proviseur eut une fois l'idée de revêtir les murs intérieurs de son administration avec des carreaux de liège ; mais désagréable surprise l'année suivante : le liège s'était progressivement décollé et les bureaux avaient de l'intérieur un drôle d'aspect ! Pour les tâches d'humidité qu'on cherchait à dissimuler avec ces carreaux, elles refirent surface et envahirent davantage d'espaces.
Médaille ! D'aucuns diront que le chauffage en classe a plus d'inconvénients que de bienfaits sur la santé des élèves et de leurs professeurs. C'est en réalité un faux-fuyant : dans les pays européens, même les plus méditerranéens par leur climat, une école ou un lycée sans chauffage est perçue comme la pire des aberrations. Les habitants se sont certes habitués au chauffage où qu'ils passent, mais ils n'admettent pas de voir leurs têtes blondes suivre convenablement les cours avec des mains et des pieds gelés, avec un corps transi et avec des fuites d'air de partout. Chez nous, on ne réserve pas de place aux porte-manteaux, ni aux parapluies. Devant les salles, on ne voit jamais d'essuie-pieds ni de décrottoirs. Imaginez dès lors l'état d'une classe après le passage de 50, 60, 100, ou 200 élèves ou étudiants, une étable aurait l'air plus propre ! C'est justement pour cela que nous posons le problème : pour que nos enfants soient traités en toutes saisons comme des êtres humains et non comme des bêtes insensibles. Cela est valable également pour les conditions d'études pendant les mois chauds du début et de la fin de l'année scolaire et universitaire. Parce que pouvoir passer deux heures de suite en compagnie de 30 autres camarades dans une salle de quelques mètres carrés qui se transforme du coup en fournaise aux mois de mai, de juin ou de septembre, cela relève de la performance olympique et mérite donc...médaille !