* Les brûlures thermiques figurent parmi les risques les plus fréquemment courus à domicile, mais il peut également s'agir de chutes, de morsures, de blessures graves, de coupures, d'intoxications. Les enfants sont les plus menacés. * Le Professeur Amen Allah Messaâdi (chef du service de réanimation des brûlés au Centre de traumatologie et des grands brûlés de Ben Arous) : « Les accidents domestiques sont le facteur principal des brûlures » Personne n'est à l'abri d'un accident quel qu'il soit. La plupart des Tunisiens redoutent surtout ceux qu'ils peuvent avoir sur la voie publique et ils n'ont pas tort, puisqu'ils représentent 39 % des accidents enregistrés dans le pays. Mais le risque existe qu'ils en connaissent également chez eux. En effet, 19% des accidents en Tunisie sont domestiques. Les brûlures thermiques figurent parmi les risques les plus fréquemment courus à domicile, mais il peut également s'agir de chutes, de morsures, de blessures graves, de coupures, d'intoxications. Tous ces accidents peuvent, même quand ils sont apparemment légers, entraîner des complications graves. Certains d'entre eux sont mortels ou imposent l'amputation d'un membre, ou encore occasionnent une défiguration difficile à dissimuler. Enfants, adolescents, adultes et personnes âgées sont tous exposés à ces risques. Certes, parmi les adultes, les femmes sont plus exposées que les hommes, mais les accidents domestiques ne font pas de distinction de sexe. En revanche, les plus jeunes et les enfants en bas âges doivent faire l'objet de campagnes de sensibilisation et de prévention soutenues. Est-ce à dire que leurs aînés peuvent s'en passer ? Ce n'est pas sûr comme nous le montrerons dans ce dossier conçu pour informer sur les accidents domestiques mais aussi dans le but d'aider à les prévenir. Certains de nos concitoyens ont pris l'habitude, en cas de brûlure d'un membre de la famille, de lui couvrir la partie atteinte avec des produits divers tels que le café, la pâte de dentifrice, le beurre, l'éosine, l'eau de Javel, le savon, le henné. Or, tous les spécialistes recommandent de bannir ces pratiques qui risquent d'aggraver le cas du patient et de compliquer la tâche des médecins.
L'intoxication par le monoxyde de carbone C'est l'un des accidents domestiques les plus fréquents, notamment en hiver, à cause de l'utilisation de moyens de chauffage divers tels que le brasero (kanoun), le poêle à charbon ou à mazout, le chauffe-eau à gaz. En Tunisie, les salles de bain sont, d'après une étude du Centre régional de la prévention contre les accidents domestiques de La Marsa, le théâtre de la moitié des accidents entre décembre et mars. Il est utile de savoir que lorsque la quantité d'oxygène est insuffisante dans une pièce de la maison qui est chauffée au moyen de ces appareils ou ustensiles, la quantité du C.O. (le monoxyde de carbone) augmente dangereusement. Ce gaz incolore, inodore et sans goût se mêle à l'air respiré par les occupants de la pièce, souvent sans qu'ils s'en rendent compte. Il pénètre ainsi dans les poumons où il perturbe le transport de l'oxygène indispensable au corps. Lorsque l'intoxication au C.O. est aiguë, le cerveau est atteint en premier et la victime peut sombrer dans un coma profond. Quelques signes avant-coureurs peuvent néanmoins se manifester : maux de tête par exemple, vertige, fatigue et nausée. La buée qui apparaît sur les vitres de la pièce chauffée peut également signaler une mauvaise évacuation des gaz brûlés. Si la victime n'est pas secourue à temps et convenablement, elle peut en mourir.
Les enfants : une population menacée à domicile En 2004, une étude prospective effectuée par une équipe de médecins de l'hôpital Aziza Othmana de Tunis, montre que la plupart des accidents domestiques surviennent les jours de repos des élèves (dimanche et jours de vacances) et plutôt pendant la journée. Selon la même enquête, la saison estivale est celle de tous les risques pour les enfants (1/3 des urgences), mais l'on constate aussi une légère hausse des cas au mois de décembre. Concernant les agents de l'accident, la brûlure par un liquide chaud et par flamme vient largement en tête avant les autres facteurs. Pour ce qui est des parties du corps les plus touchées, on note dans l'ordre, la cuisse et les jambes, les bras et les avant-bras, la face et le cou, les mains, le tronc et enfin les pieds. Une étude plus récente menée entre janvier et décembre 2006 et qui concerne 134 enfants pris en charge par le service de chirurgie « B » de l'Hôpital d'enfants de Tunis, indique que 99 % des accidents sont survenus à la maison, dans la cuisine plus particulièrement (93 % des cas), suite à une brûlure par un liquide chaud (90% des cas) ou par des flammes (8% des cas seulement). L'âge des patients hospitalisés est en moyenne de 38 mois. La surface de la peau atteinte est de 4 % pour les brûlés légers et de 14 % pour ceux qui ont été retenus à l'hôpital. Trois des patients ont été amputés d'un membre et un décès fut enregistré 48 heures après l'accident, à cause d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë.
Que savent faire les parents en cas d'accident ? L'enquête 2007 menée par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) montre quant à elle que seuls 9 % des parents interrogés connaissent les bons gestes à accomplir en cas d'étouffement du petit ou pour prévenir ce risque ; alors que les chiffres nous apprennent que l'étouffement est la principale cause de décès des enfants de moins d'un an. On apprend également grâce aux mêmes statistiques que les noyades et les brûlures figurent en tête des causes de décès chez les enfants de 1 à 4 ans. D'autre part, 15 % des parents sont incapables de citer la moindre mesure préventive à prendre en cas d'accident, et 12% croient qu'il suffit de surveiller les enfants en bas âge pour éviter les accidents. En ce qui concerne les accessoires conseillés en matière de prévention à la maison, 56 % des interrogés connaissent les cache-prises, 47 % les barrières de sécurité pour escaliers, 21 % les bloque-portes, 17% les bloque-placards et 14 % les coins de protection pour les tables.
Pour une prévention active et continue Dans le cadre d'une campagne de prévention contre les accidents domestiques qui ne soit pas saisonnière, il faut envisager un programme d'éducation sanitaire et de sensibilisation étalé sur une période illimitée et à la diffusion duquel les médias doivent participer de manière régulière et bénévole. Les services de la médecine scolaire sont appelés à davantage d'action en matière d'information sur les risques courus par les enfants à domicile et sur la conduite à observer en cas d'accident domestique. Les adultes peuvent quant à eux, et en plus des programmes audio-visuels les visant sur la question de la prévention contre ce genre d'accidents, consulter sur internet le site que leur proposent le ministère de la Santé publique et l'INPES et qui les renseigne entre autres sur les comportements à adopter chez eux en cas de brûlures, de morsures, coupures, intoxications, électrocution etc. Badreddine BEN HENDA --------------------------------------- Le Professeur Amen Allah Messaâdi (chef du service de réanimation des brûlés au Centre de traumatologie et des grands brûlés de Ben Arous) : « Les accidents domestiques sont le facteur principal des brûlures »
Au Centre de Traumatologie et des Grands Brûlés (C.T.G.B.) de Ben Arous, nous avons rencontré le Professeur Amen Allah Messaadi qui nous a appris que les accidents domestiques sont le facteur principal des brûlures, et que les plus fréquentes parmi celles-ci sont d'origine thermique (90 % des cas). « En général, explique le Professeur, ces accidents sont dus à un manque d'attention. Il faut donc être plus prudent en ces jours d'hiver, période pendant laquelle on enregistre le plus de cas de brûlures profondes. Mais il faut remarquer qu'on admet également d'autres cas de brûlés en été dus principalement à des accidents collectifs (explosion de bouteille de gaz lors d'une cérémonie familiale, brûlures par l'électricité de haut voltage etc.). Au mois de Ramadan, les brûlures à l'huile chaude sont plus nombreuses. Il importe également de souligner que la cuisine et la salle de bain sont les pièces où se produisent la plupart des accidents domestiques. Au Centre et depuis le 4 juillet 2008 (date de sa mise en service), nous avons reçu aux urgences 1333 accidentés, et enregistré 205 admissions de personnes brûlées dans des accidents domestiques. En 2008, et sur les 249 cas d'admission signalés, 56 % d'entre eux sont victimes d'accidents domestiques (environ 160 cas dont 16 sont décédés). Les femmes sont les plus touchées (53% des cas), mais la proportion des hommes reste comme vous le constatez presque aussi importante. Quant à l'âge moyen des victimes, il se situe à 39 ans (nous devons préciser à ce sujet que le Centre n'accueille que des adultes). Celles-ci sont pour le plus souvent issues d'un milieu modeste. Pour la durée moyenne de l'hospitalisation elle est de 15 jours, mais certains brûlés sont retenus pour près de 4 mois. » Le Temps : Envisage-t-on de créer un autre centre identique au vôtre, même de capacité moindre, pour décentraliser ses services ? Pr. Messaadi : « Ce n'est pas du tout possible pour le moment, d'abord parce que le coût d'un tel projet dépasse les moyens actuels de l'Etat, ensuite parce que nous craignons qu'il ne soit pas rentable. Le mieux serait d'optimiser les services rendus par le centre existant et d'en améliorer encore la rentabilité, surtout qu'un nombre croissant de pays africains nous sollicitent. A l'intérieur du pays, nous souhaitons que la prise en charge préliminaire des accidentés dans les services hospitaliers régionaux soit améliorée car l'efficacité des soins que nous administrons ici en dépend dans une large mesure. » Quels conseils faut-il donner aux victimes de brûlures graves ? Evitez surtout de passer l'endroit brûlé au mercurochrome, ou au moyen de n'importe quel autre produit rudimentaire. Utilisez l'eau de robinet pour éteindre la flamme et soulager les premières douleurs. Et dans tous les cas, consultez un spécialiste avant de diagnostiquer seul le degré de la brûlure. En période de traitement, prenez tous vos médicaments et suivez scrupuleusement les conseils de votre médecin !