Les bonnes manières et la politesse sont une affaire de culture. De nos jours, il paraît qu'il n'y a pas trop de place pour « un bonjour » ou « un merci » ou encore « s'il vous plaît » dans les relations entre les gens ; de même le sourire a quitté à jamais les lèvres ; les voisins se croisent dans l'escalier et ne se saluent pas ; on se regarde du coin de l'œil ; sur le trottoir, dans le métro ou le bus, le plus fort bouscule les autres. Tout le monde semble pressé ; il n'y a pas assez de temps pour parler aux autres, rendre visite aux siens, faire de nouvelles connaissances, courir au secours des autres. On ne respecte plus les règles de la bienséance. Serait-ce la faute des parents à qui incombe l'apprentissage des bonnes manières et du savoir faire à leur progéniture dès la toute première enfance ? Serait-ce la faute aux enseignants qui n'accordent plus suffisamment de temps aux leçons de morale à leurs élèves ? La vie moderne serait-elle à l'origine de ce manque de chaleur dans les rapports entre les hommes ? Selon les psychologues, dans la société moderne, on souffre de l'indifférence que les gens manifestent les uns pour les autres. C'est le culte du « moi » et du « je » qui prend progressivement de la valeur. Se montrer dur, avoir l'air méchant sont devenus des caractères très courants surtout chez nos jeunes, comme si on vivait dans la jungle, tels des animaux ! Il n'y a qu'à voir devant les collèges et les lycées, dans tous les moyens de transport public pour remarquer les attitudes agressives et les comportements pervers de nos jeunes. Il est de plus en plus rare d'entendre dire « Pardon ! » ou « Excusez-moi ! » à un vieillard ou à une femme enceinte qu'on vient de bousculer dans le bus ou le métro. Vous n'entendez que de gros mots, que des conversations indiscrètes. Vous ne pouvez voir que des bagarres déclenchées pour le moindre prétexte ; et gare à celui qui s'interpose ! Si vous êtes trop doux, bien poli ou très sensible, ne prenez ni train, ni bus, ni métro ! A pied, évitez de passer devant un lycée ou près de la terrasse d'un café ! Aucun respect pour les passants, aucune considération aux personnes âgées, ni aux femmes ni aux petits enfants ! Souvent les leçons de morale n'évoquent rien pour ces jeunes déchaînés et sans scrupules parce qu'aucun des parents n'a pris le temps de leur enseigner dès leur bas âge comment respecter les aînés : maintenant qu'ils ont déjà grandi dans l'impolitesse et l'effronterie, il est peut-être déjà trop tard.
Responsabilité des parents et des enseignants En effet, la responsabilité des parents est engagée dans la mesure où ils doivent habituer leurs enfants au goût d'une certaine civilité, un certain savoir-vivre dans une société qui se déshumanise chaque jour davantage et où les valeurs de l'amour d'autrui, de la solidarité et du respect semblent céder la place à celles de l'individualisme et de l'égoïsme. Lotfi, enseignant et père de deux enfants nous a confié dans ce sens : « Les enseignants n'épargnent aucun effort pour rappeler aux élèves les principes de la civilité et des bonnes manières, mais dès que le cours est terminé et qu'ils se retrouvent dans la rue, tout s'efface très vite et l'on redevient effronté, cynique, insolent, violent et sans-gêne. L'on se demande si les parents consacrent le temps nécessaire à l'apprentissage des bonnes manières à leurs enfants. Je n'y crois pas vraiment, car ces mêmes parents ne témoignent pas toujours d'une bonne conduite devant leur progéniture. Il ne faut donc pas s'attendre à ce que les enfants s'y prennent autrement ! »
Partout où vous vous trouvez, vous serez victime, du moins témoin, d'une scène d'impolitesse, d'insolence, de violence, de paroles malsaines et d'irrespect. C'est certainement l'effet du stress, du rythme effréné de la vie moderne qui fait que chacun ne pense qu'à soi-même en faisant fi des sentiments des autres, de leurs réactions. Un des enseignants du secondaire m'a raconté il y a quelques jours la scène suivante : « Dans la cour du lycée, un couple d'élèves, une fille et un garçon, marchent bras-dessus-bras-dessous en toute quiétude et sans vergogne, je les ai interpellés pour leur faire la remarque, mais j'ai reçu comme riposte : c'est normal, Monsieur ! de la part de la jeune fille. Ils ont pourtant obtempéré ! Mais sans doute auraient-ils refait le même geste insolent dès que je leur ai tourné le dos ! » Pire que cela, des couples d'élèves font la bise devant l'école au su et au vu de tout le monde !
Mauvaises manières Selon les bonnes mœurs, quand on rentre dans un magasin, chez un coiffeur, dans une pharmacie, ou dans une salle d'attente d'un médecin, on a l'habitude de dire « Bonjour » à tout le monde ; maintenant cela devient de plus en plus rare et on est parfois regardé bizarrement si on le fait et on n'a même pas souvent droit à un « bonjour » réciproque ! Au cinéma, au théâtre, dans une réunion ou même dans la mosquée lors des prières, on vous fait entendre volontiers les sonneries stridentes du téléphone portable, quand bien même il serait interdit d'allumer ces appareils dans ces lieux ! Si un jour, vous êtes invité à un repas, vous serez certainement choqué des manières des gens quant à leur comportement à table : on parle la bouche pleine, on laisse sa fourchette pour manger de ses doigts, des claquements de mâchoires se font entendre, on tend le bras pour prendre du pain à l'autre bout de la table, on déguste son plat ou son verre comme si c'était la première nourriture qu'on mangeait de l'année, on n'arrête pas de renifler et de se moucher devant les convives, et j'en passe. Les bonnes manières se perdent dans notre société. Naceur, un chef de famille nous a donné son opinion à ce propos : « A croire qu'on est toujours bousculé par le temps, ces petits gestes polis du quotidien sont vite oubliés, négligés ou simplement bafoués. Pourtant, ils sont très importants dans les relations humaines, ils adoucissent les mœurs, ils rapprochent les gens et renforcent les liens entre eux ; une belle parole par-ci, un bon geste par-là sont nécessaires de temps en temps, ça rassure, et ça fait plaisir. Sans bonnes manières, l'homme est comparable à l'animal ! Notre rôle en tant que parents est d'inculquer toujours ces bonnes manières à nos enfants ! »
Politesse, savoir-vivre et bonnes manières sont des qualités permanentes, même si aujourd'hui l'homme est envahi de toute part par la technologie : une invitation à un mariage ou à une réception ne doit pas se faire via SMS ou par téléphone, elle doit toujours se faire par écrit en forme papier et ce par respect à la personne invitée. De même, il faut continuer à ouvrir la portière de la voiture à une femme même si l'on dispose de l'ouverture centralisée ! La politesse est et doit rester une question d'empathie et de bon sens. Tenir la porte à ceux qui sont derrière vous, qu'il soit homme, femme, noir, blanc, jeune, vieux, riche ou pauvre ; remercier ceux qui vous ont rendu service, ouvrir la portière à une personne qui a les bras chargés ; céder le passage à une femme pour la laisser entrer avant, ne pas fumer dans les lieux réservés aux non-fumeurs... Tels sont les gestes qui témoignent d'une bonne politesse, chose devenue rare de nos jours !