La polémique soulevée entre les avocats et la télévision suite à l'émission de Tunis 7, " El Hak Maâk " du 12 mars qui a traité du cas d'un avocat qui, semble-t-il, a détourné les fonds revenant à sa cliente, s'est apparemment calmée. Mais ses retombées continuent de faire l'objet de surenchères au sein de l'avocatie. Car cette affaire de l'émission a été, selon les observateurs, gonflée, exagèrée et exploitée par certaines partie du barreau pour des visées électorales. En effet la profession est en éternelle campagne électorale surtout pour le batonnât et même si Me Béchir Essid, l'actuel bâtonnier a assuré lors de son élection en juillet 2007 qu'il ne se représentera pas pour les prochaines élections, tout laisse croire et il y a même une unanimité chez les avocats que Me Essid se prépare et prépare surtout le terrain pour briguer un autre mandat et il considère que l'éventuel candidat qui va certainement entrer en compétition avec lui est Me Abderrazak Kilani l'actuel président de la section de Tunis du conseil de l'ordre des avocats. Une section qui compte les 2/3 du nombre total des avocats inscrits au barreau. Donc entre les deux, le courant a commencé depuis un certain temps à ne pas passer et chacun de son côté s'emploie à se montrer le plus apte à briguer le poste du futur bâtonnier. Me Essid qui a souffert ces derniers temps des attaques de certains de ses adversaires qui selon eux il agit tout seul et gère les finances du conseil de l'ordre et de la caisse de retraite et de prévoyance sociale à sa guise a semble-t-il saisi cette affaire de l'émission pour contre-attaquer et gagner du terrain. Après avoir invité des ex-responsables des structures Me Brahim Berderbala et Mohamed Jemour et reporté les déclarations de Me Essid, nous invitons aujourd'hui, un jeune avocat au courant des remous au sein de la profession et qui se déclare indépendant de tous les courants qui traversent la profession Me Hosni El Béji. Il nous éclaire ainsi sur l'opinion de la majorité silencieuse. Interview
Le Temps : Que pensez-vous de cette polémique soulevée suite à l'émission télévisée d'Al Hak Maâk ? Me Hosni El Béji : Cette polémique est animée par des visées électorales et des convoitises qui ont pour objectif le dénigrement de la section de Tunis du Conseil de l'ordre des avocats en particulier et des instances du barreau en général.
*Mais selon plusieurs avocats elle a été suscitée suite au non respect des procédures légales ? -Non, elle est dénuée de tout fondement légal ou moral. D'une part la présence d'avocats dans les émissions télévisées ou radiophoniques ou dans les autres supports médiatiques est bénéfique à plusieurs égards. Elle contribue à éclairer l'opinion publique et à instaurer une culture juridique. D'autre part, elle contribue aussi à redorer l'image de marque de la profession qui est assez ternie par les divergences et par la politique politicienne. Mais cette présence doit répondre à des principes éthiques et de déontologie et aux constantes de la profession. L'avocat présent dans ces émissions doit avoir une capacité professionnelle remarquable et doit observer strictement l'éthique et la déontologie.
*Certains qualifient cette présence comme étant de la publicité qu'en dites vous ? -Je ne considère pas que la présence de l'avocat dans les émissions télévisées ou radiophoniques comme étant un support publicitaire surtout que cette présence ne date pas d'aujourd'hui et c'est faux d'affirmer que cette présence de l'avocat lui confère du jour au lendemain une notoriété et le dote d'un important portefeuille.
*Mais que pensez vous du cumul de deux fonctions dû à cette présence ? -Je pense que la présence régulière de l'avocat constitue une entorse importante à la loi organisant la profession qui interdit un tel cumul surtout quand l'avocat est rémunéré suite à sa participation à telle ou telle émission ou suite à sa collaboration permanente dans les médias. Je suis donc pour la présence de l'avocat dans les médias. Mais une présence qui répond à certaines règles. La première est le non cumul, la deuxième : une présence crédible qui honore la profession avec surtout la maîtrise de l'outil juridique. Enfin la troisième consiste surtout à éviter les provocations gratuites et les atteintes aux règles déontologiques. Il faut donc légiférer en la matière pour barrer la route aux intrus et aux pratiques malsaines.
*Comment jugez-vous la décision du Conseil de l'ordre et notamment du Bâtonnier qui ont appelé à l'interdiction de ces émissions ? -L'interdiction de telles émissions est non judicieuse et mal venue parce qu'elle obstrue un des piliers de la modernité qui est la liberté d'expression et l'exercice de la liberté d'information.
*Mais les auteurs de l'appel disent que certaines de ces émissions touchent aux institutions et à la vie privée des personnes et prennent comme exemple l'émission du 12 mars. -Cette vision des choses est une vision incomplète car lors de l'émission en question les représentants de la profession étaient présents et ont défendu fermement le barreau en insistant sur le caractère exceptionnel du cas de l'avocat qui n'est pas en aucun cas représentatif de la profession. Donc le travail journalistique d'investigation qui est pour certains choquant du fait que c'est un genre nouveau à la télévision, a été pratiqué lors de cette émission même si on déplore certains dépassements qui ont touché la vie privée du confrère. Des dépassements qui ont été exploités avec arrière-pensée et calculs électoraux surtout, par certaines parties pour dénigrer l'émission et l'accuser de porter atteinte à tous les avocats du pays. Donc malheureusement certains confrères et certains responsables des structures dirigeantes, pour occulter les vrais problèmes des avocats, des problèmes qui minent la profession et qui la paupérisent ont sauté sur cette affaire et l'ont exploité à fond et continuent à le faire. Les uns pour des calculs électoraux, les autres pour des règlements de compte et c'est vraiment malheureux et le vrai perdant dans cette affaire c'est la profession. Interview réalisée par Néjib SASSI