Il y a quelques jours au palais de justice de la rue Bab Benat de Tunis, on jugeait l'affaire d'une jeune lycéenne qui s'introduisit dans l'enceinte de la faculté de droit et y commit quelques larcins. Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'accusée mit en avant les bonnes intentions de sa cliente qui, selon lui, ne cherchait qu'à découvrir l'univers où elle poursuivrait ses études après le baccalauréat, et précisa que l'envie de voler lui était venue par hasard au cours de cette promenade. Le juge alors l'interrompit pour lui rappeler le sacro-saint principe de l'inviolabilité de l'enceinte universitaire. L'évocation de ce principe nous a alors remis en mémoire une drôle d'anecdote sur la virginité : au cours d'une réunion de fonctionnaires avec leur directeur, on eut besoin de feuilles blanches pour rédiger la suite du PV. Alors on appela la secrétaire de rédaction pour qu'elle en rapporte une rame ; la jeune fille demanda alors : « Vous voulez des feuilles vierges, n'est-ce pas ? ». Et la réponse du directeur ne se fit pas attendre : « Vierges ! Vierges ! Oui, s'il en existe encore ! »
Irrévérencieux ! C'est que de nos jours, cette question de l'inviolabilité doit être un peu plus nuancée : qu'est-ce que les sans-scrupules n'ont pas violé encore ! Nous habitions il y a quelque temps en face d'une très belle mosquée dont la construction a coûté près d'un demi-milliard. C'était la fierté de notre quartier et l'endroit le plus illuminé et le plus coloré des environs. Mais la beauté et la sainteté de ce joyau semblaient laisser indifférents quelques individus louches qui prirent pendant quelques jours l'habitude d'organiser leurs soirées arrosées et bruyantes, au pied d'un mur de la mosquée. Au début, les voisins suivaient leurs beuveries la rage au cœur mais après avoir longtemps rongé leur frein, quelques uns d'entre eux parvinrent à chasser les énergumènes irrévérencieux. La même semaine, deux vols de chaussures furent commis à l'entrée de la grande salle de prière et il ne s'agissait nullement de fidèles qui s'étaient trompés de souliers ! Non, les auteurs du délit étaient deux jeunes maçons qui effectuaient quelques derniers travaux sur les lieux.
Le pire des viols Dans les conflits internationaux, plus personne ne tient vraiment compte des conventions qui, par respect des choses sacrées, interdisent l'agression des symboles et des espaces de la sainteté. Où qu'ils se trouvent, les lieux du culte sont bombardés, investis, incendiés, profanés dans l'impunité la plus totale. Les citoyens qui croient encore naïvement être à l'abri des obus meurtriers en se cachant dans une église, une mosquée, un mausolée, une école ou un hôpital, découvrent trop tard que pendant les guerres, on viole plus de conventions et d'accords que de citoyennes vierges. Les mois saints et les fêtes religieuses non plus ne suscitent aucun égard, aucune retenue de la part des assassins de tous bords. Chez nous, Ramadan est l'un des mois où l'on recense le plus d'infractions et de fraudes commerciales. Les femmes âgées et les bébés de quelques mois n'échappent pas aux perversités des criminels. On attaque les tribunaux, on vole dans les musées et dans les cimetières, et dans les universités ! Notre voleuse de la faculté de droit ignorait peut-être le principe de l'inviolabilité de l'université, mais pouvait-t-elle comprendre qu'elle était « violeuse » aussi ! Dans l'esprit de beaucoup de Tunisiens, le viol ne s'entend que comme agression sexuelle. Or les pires viols sont rarement physiques !