Le travail d'un sélectionneur ne consiste pas uniquement à choisir les meilleurs, à les entraîner, à leur expliquer le schéma tactique et à faire la formation. Il est dans ses prérogatives et dans son devoir de se comporter en manager, de soigner l'image de marque de sa sélection et de rétablir ce cordon ombilical avec le public, un cordon cyniquement rompu par Lemerre. On comprend la difficulté de M. Coelho à rassembler les éléments d'un puzzle forcément disparate. Mettre sur pied une équipe composée de joueurs venant d'horizons divers et, donc, imprégnés de cultures tout aussi diverses, pourrait constituer un avantage : la diversité. Mais, parfois aussi, un handicap : pas moyen d'avoir une ossature homogène. Quelle optique adopte, en l'occurrence, M. Coelho ? Ni l'une, ni l'autre. Ecartelé entre l'important vivier que représentent les autochtones et l'avantage de disposer de joueurs opérant à l'étranger, il balbutie, ne s'invente pas de repères, ni ne se forge une logique sélective cohérente. Tantôt c'est le conservatisme dans le choix des hommes. Tantôt, c'est l'aventurisme pour le moins irrationnel.
Module Qu'est-ce qu'il y a eu, avant-hier ? D'abord, un module inadéquat. Et une philosophie de jeu surannée. Presque tous les clubs du monde en ont fini avec un joueur de pointe auquel sont adossés deux soutiens. Or, avant-hier, Allagui est resté isolé. Ghariani et Ben Khalfallah censés le pourvoir en balles et s'infiltrer dans la zone de réparation pour peu que Allagui lui-même s'improvise remiseur (ce qui n'est pas le cas !), étaient comme figés dans leur zone respective, isolés à leur tour, parce qu'un fossé les séparait des trois contristes (Ragued, Korbi et Ben Yahia), dont pas un seul n'est doté de créativité pour conférer la nécessaire géométrie au jeu de la sélection. Et cela fait que notre ligne médiane s'est esseulée dans une frénétique chasse à l'homme, face à des Mozambicains qui flairaient des failles et déployaient même un véritable rouleau compresseur au niveau de la ligne médiane. Voilà ce que répond Coelho : « Nous avons fait exprès de laisser l'adversaire dominer au milieu de terrain, parce que leur attaque n'est pas percutante ». Cela ne les a tout de même pas empêchés de rater (pour notre bonheur !), deux buts tout faits. Belle excuse, sans doute. Coelho, homme honnête, pense vrai et dit vrai. Mais ce choix est, peut-être, à son actif, mais pas à son crédit.
Le syndrome du régisseur En fait, le problème n'est pas là. Le sélectionneur national, en bon Portugais, ne croit pas à une animation de jeu émanant du talent d'un régisseur à la manière classique. Disposât-il d'un Tarek et d'un Agrebi ? Il en aurait fait deux excentrés du milieu de terrain. Combien compte-t-on de régisseurs (ce que les Italiens appellent le Trequartista), de par le monde ? Huit, dix, tout au plus. Mais, sans verser dans la démesure, Darragi fait partie de cette race en voie d'extinction à cause, justement, des approches systémiques basées sur le jeu en bloc, des ailiers travestis en excentrés et la fameuse théorie, selon laquelle une équipe doit fonctionner, selon des articulations automatisées, robotisées même et qu'elle ne saurait rester tributaire de l'inspiration ou de la seule imagination d'un régisseur. Or, on a bien vu combien l'équipe a été métamorphosée avec l'entrée de Darragi. Car, du coup, Ben Yahia et les autres sortaient de leur statisme. Que serait, finalement, le football sans ces touches qui réinventent un match ? Sans la fantaisie ? Sans l'ingéniosité » Le football c'est les jambes et la tête. Des jambes sans tête donneraient des robots. Une tête sans jambes ne ferait qu'illusion.