Considérée pour longtemps comme le projet d'union régionale « modèle », l'Union européenne, aujourd'hui, vieille de plus de 50 ans, ne cesse de rencontrer des embûches de tous genres et semble s'éloigner de ses objectifs et des rêves de Robert Schuman et des pères fondateurs. Cette Union qui s'est distinguée par une approche réaliste consistait à commencer par l'intégration économique progressive entre ses pays membres pour préparer le terrain au partenariat politique, puis à une politique étrangère de sécurité commune pour arriver à l'objectif final, l'Union politique ou à un Etat fédéral, rêve des Européens les plus convaincus. Une démarche théoriquement concevable et qui a donné corps à une certaine Europe qui a, aujourd'hui, des aspects d'une union effective, notamment, une monnaie unique censée être un fer de lance pour achever ce projet, très ambitieux, d'ailleurs. Mais, les choses paraissent beaucoup plus compliquées et le projet européen frappe toujours par cet aspect d'un « goût d'inachevé ». Les élections européennes qui ont eu lieu dans tous les pays membres, du 4 au 7 juin courant, ont de nouveau confirmé le décalage entre les deux volets politique et économique de la construction européenne. Deux constats sont à tirer de ce scrutin. Une abstention record qui a dépassé les 56 %, confirmant le manque d'intérêt de l'électeur européen au fil des consultations électorales européennes, devant un projet qui semble peu visible pour le commun des mortels en Europe. Un niveau d'abstention qui pose même des interrogations sur la légitimité de l'hémicycle de Strasbourg. Ce Parlement reste, d'ailleurs, une institution aux prérogatives « incomplètes » tant que la plupart des décisions politiques majeures lui échapperont et semble réduit à donner de la résonance aux décisions prises dans les capitales européennes. Le deuxième constat, après les élections, c'est la domination confirmée, encore une fois, des courants conservateurs de la droite et une percée des partis de l'extrême droite qui ont réussi, dans la quasi-majorité des pays européens, à envoyer des eurodéputés à Strasbourg. Donc, la seule instance parmi celles de l'Union européenne, qui soit élue au suffrage universel direct, se trouve dominée par les Eurosceptiques. Un handicap de taille qui s'ajoute aux difficultés de l'Union européenne. D'un projet initialement novateur en matière d'intégration, l'UE s'est glissée vers un espace géographique aux frontières indéfinies suscitant des débats sur l'identité même de l'Europe tant que la liste des candidats à l'adhésion s'allonge jusqu'aux confins de l'Oural en passant par la Turquie ! Dans le meilleur cas de figure, ceci créera, à terme, une mosaïque de pays, d'ethnies et de langues qu'il est difficile, voire impossible, à concilier. Des institutions politiques taxées de bureaucratie par une large frange de l'opinion publique européenne. Les capitales ne paraîssent pas prêtes pour des considérations d'ordre interne, à déléguer les prérogatives de pouvoir réelles (sécurité, diplomatie et décision économique) à la Commission européenne. Ainsi, tous les ingrédients sont là pour contribuer à créer une puissance économique négligeable mais, en même temps, un « nain » politique qui peine à faire entendre la voix de l'Europe sur la scène internationale.