" Errare humanum est ", l'erreur est humaine et cela se vérifie à propos de tout ce que les hommes entreprennent. Dans l'enseignement, un professeur peut se tromper dans le calcul ou le versement des notes et moyennes obtenues par l'un de ses élèves. Il lui faut, en principe du moins et comme le veut le règlement, donner la preuve tangible (sur son carnet de notes en particulier) que l'erreur est effective et qu'aucune modification préalable n'a été effectuée sur les résultats à corriger. Mais dans les faits, les administrations des écoles de base, collèges et lycées ne cherchent pas trop à vérifier si les consignes officielles ont été respectées au moment de réparer l'erreur. Cette tolérance, qui parfois donne lieu à d'aberrantes injustices, caractérise-t-elle les mêmes agents à l'occasion d'un important examen national comme le baccalauréat ? Comment se passent les choses si par malheur une erreur est constatée dans les résultats de la première ou de la deuxième session de ces épreuves cruciales ? A l'Université, procède-t-on de la même manière qu'au baccalauréat en cas d'erreur ? La correction des épreuves du CAPES n'expose-t-elle pas au risque de mauvaise appréciation ou d'évaluation erronée préjudiciables à l'avenir professionnel du candidat ? Nous tenterons, dans le présent article, de répondre à ces questions et à d'autres plus ponctuelles, même si, en contactant -cela fait dix jours déjà- l'attaché de presse du ministère de l'Education à la recherche d'informations précises et fiables, nous n'avons pu obtenir que des promesses qui, vous vous en doutez bien, ne nous seront pas d'un grand secours dans la rédaction de ce papier ! Epluchage tous azimuts Nous avons en revanche pris contact avec quelques amis inspecteurs du secondaire qui ont bien voulu nous renseigner sur les procédures suivies d'abord pour éviter que des erreurs se produisent au niveau des résultats définitifs du baccalauréat, ensuite pour réparer un préjudice subi par l'un des candidats. " Ce n'est pas seulement au moment de corriger les épreuves que nous redoublons de vigilance et appliquons avec rigueur les consignes strictes du ministère. Le contrôle méticuleux commence dès l'opération de collecte, de comptage et de compostage des copies effectuée dans les centres désignés pour ces tâches. Les fonctionnaires s'y mettent à plusieurs pour compter et recompter plus d'une fois les feuilles d'examen remises et aussi le nombre de pages rédigées à l'intérieur de chaque cahier. Les enveloppes reçues du responsable du centre où se sont déroulées les épreuves écrites sont systématiquement passées au peigne fin à chaque étape du contrôle et ce, sous l'œil plus attentif que jamais d'un haut responsable pédagogique. Dans le centre de correction, les contrôles sont nombreux et assurés par une hiérarchie de superviseurs qui veillent au grain et anticipent négligences, corrections expéditives, mauvaise application des barèmes, écarts trop flagrants entre les notes d'un même jury etc. Ils réduisent considérablement ainsi les risques de notation erronée ou inéquitable. " Dénouements toujours heureux " Il n'empêche que des erreurs puissent apparaître à un stade ou un autre de la chaîne ; certaines sont réparables sur le lieu même où elles ont été signalées. Par exemple, s'il s'agit d'un décalage dans la saisie des notes ou dans l'édition des résultats, on revérifie tout et la rectification est instantanée par la suite. Il importe, soit dit en passant, d'informer les responsables que cela concerne, de toute l'opération et de ses résultats. Dans le cas d'erreurs plus graves, comme lorsqu'on égare la copie d'un candidat, une série de vérifications est effectuée et à la fin (notamment quand la solution n'est plus possible au niveau des instances inférieures), on soumet le cas au ministre qui peut le trancher par exemple en reportant sur le bulletin du bac la note moyenne obtenue par l'élève au cours de l'année dans la matière concernée par l'erreur. Cela prend peut-être un peu de temps et coûte beaucoup d'angoisses à l'élève victime et à ses parents, mais le dénouement est pratiquement toujours heureux ! " Erreurs humaines et techniques A l'Université, et après chaque proclamation de résultats, les oppositions des candidats lésés ou qui ont le sentiment de l'être pleuvent sur les bureaux des directeurs de départements lesquels transmettent les réclamations reçues aux présidents des jurys concernés. Ces derniers sont des enseignants désignés par le premier responsable de l'établissement parmi les plus probes et les plus aguerris à de telles tâches. Dans la plupart des institutions, l'étudiant désireux de vérifier ses notes dispose d'un délai pour présenter sa demande d'opposition. Passé cette échéance, il perd son droit à la vérification à moins de bénéficier d'une mesure d'exception émanant du chef de l'établissement ou d'une autorité supérieure. Les erreurs les plus récurrentes sont humaines ou techniques : en raison du nombre considérable de copies à corriger ou de moyennes à calculer et notes à saisir, les professeurs et les agents de l'administration appelés à mener à bon port toute l'opération peuvent subir les effets d'un coup de fatigue et, dans un moment de distraction, commettre une erreur ou plus. Au moment de la saisie sur ordinateur des notes et des moyennes, on enregistre aussi quelques fautes notamment dans les résultats des étudiants " créditaires " ( terme désignant les étudiants qui peuvent passer d'une année à une autre sans avoir été reçus à tous les modules et qui repassent les épreuves ratées l'année suivante) et des candidats de 4ème année qui soutiennent des mémoires de fin d'études. Il arrive en effet qu'on ne compte pas toutes leurs notes dans la moyenne globale. " Si la marge d'erreur est plus grande aujourd'hui, nous confie le directeur d'un établissement supérieur de Tunis, c'est parce que le nouveau régime du L.M.D. comporte un nombre élevé d'unités d'enseignement à chaque niveau d'études. De plus, comme ce système induit de nouveaux paramètres dans le calcul des moyennes, les enseignants se trompent d'autant plus fréquemment que c'est un régime encore récent. Ajoutez à tous ces facteurs l'incompatibilité des anciens systèmes informatiques avec lesquels fonctionnaient les universités tunisiennes jusque-là. Actuellement, on en a adopté un nouveau, appelé Salima, et dont on dit qu'il est conçu spécialement pour résoudre tous les problèmes créés par le L.M.D. ! " La " paranoïa " des étudiants " Non, ajoute le même responsable, nous n'avons pas honte de reconnaître les erreurs de correction quand elles sont dûment prouvées et nous nous empressons toujours de les rectifier pour ne léser personne et ne bafouer aucun des droits de l'étudiant. Il nous est arrivé de réparer le préjudice en pleines vacances d'été ; mais jamais nous n'avons attendu la nouvelle rentrée pour le faire. Cela dit, il faut se méfier de certaines réclamations non fondées émanant d'étudiants toujours sceptiques au sujet des notes qui leur sont attribuées et qui ont tendance à se surévaluer en toute occasion. Le phénomène des étudiants victimes de cette sorte de " paranoïa " prend malheureusement de l'ampleur dans nos établissements et il faut savoir sévir pour l'endiguer. D'autres prétextent d'une maladie, d'un contretemps, de n'importe quoi en fait, pour bénéficier de nouvelles chances. Nous faisons le plus souvent preuve de souplesse en traitant leurs cas et tenons compte de la déception qu'ils éprouvent après l'échec. " Plus de transparence Au CAPES, la nature même de l'examen (il s'agit d'un concours) justifie parfois la suspicion qui entoure ses résultats. On a beau expliquer aux candidats soi-disant lésés que la double correction n'est pas une fiction dans cet examen, que les correcteurs sont choisis parmi les plus intègres et les plus compétents, que les copies ne portent pas d'en-têtes au stade de la correction, que la confrontation des notes a bel et bien lieu entre les membres du jury, que toutes ces opérations se déroulent sous les yeux d'inspecteurs pédagogiques et administratifs des plus scrupuleux, rien n'y fait ! Ils mettront toujours en doute les résultats proclamés et traiteront de tous les noms les correcteurs et les organisateurs du concours. En tout cas, le syndicat du secondaire demanda à maintes reprises la transparence en ce qui concerne les résultats du CAPES. N'est-ce pas une bonne solution pour mettre un terme aux rumeurs et aux supputations malveillantes et s'épargner les réclamations et d'éventuels " procès " ?!