"Pas question de céder à la pression de la rue", déclare le Guide suprême Le Temps-Agences - Le guide suprême de l'Iran Ali Khamenei a exigé hier la fin de manifestations sans précédent en 30 ans de République islamique, apportant son soutien à la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad. "Le bras de fer dans la rue est une erreur, je veux qu'il y soit mis fin", a dit le guide, la plus haute autorité de l'Etat, avertissant qu'il "ne cèdera pas à la rue". Dans sa première apparition publique après une semaine de colère populaire depuis la présidentielle du 12 juin, l'ayatollah Khamenei a exclu que toute fraude à grande échelle ait pu fausser le scrutin et a mis en garde l'opposition menée par le principal rival de M. Ahmadinejad, Mir Hossein Moussavi, contre l'"extrémisme" débouchant sur la violence. "Le peuple a choisi celui qu'il voulait", "le président a été élu par 24 millions de voix", a-t-il lancé, confirmant les résultats officiels du scrutin. Celui-ci est contesté par les trois candidats rivaux de M. Ahmadinejad qui ont parlé d'"irrégularités" et réclament une nouvelle élection. Le conservateur Mohsen Rezaï a notamment dénoncé hier une participation de 140% dans certaines circonscriptions. Pour l'ayatollah Khamenei au contraire, "l'élection a témoigné de la confiance du peuple dans le régime" islamique avec une participation exceptionnelle de 85%. Il a seulement réaffirmé que "tout doute sur les résultats doit être examiné par des moyens légaux". Le Conseil des gardiens de la constitution, chargé de valider le résultat des élections et d'en examiner les plaintes, doit rendre au plus tard demain un avis sur un possible nouveau décompte partiel. L'opposition n'avait pas immédiatement réagi au discours de l'ayatollah Khamenei. Les partisans de M. Moussavi ont annulé pour la première fois une manifestation prévue hier à l'Université où l'ayatollah Khamenei s'exprimait. Ils avaient prévu de descendre de nouveau aujourd'hui dans la rue mais les autorités ont interdit ce rassemblement. "Aucune autorisation n'a été délivrée (...) J'espère que (...) que cette manifestation n'aura pas lieu", a déclaré le gouverneur de Téhéran Morteza Tamadone. A Bruxelles, les dirigeants de l'UE ont appelé Téhéran à laisser le peuple "se rassembler et s'exprimer pacifiquement et à s'abstenir d'utiliser la force contre les manifestations pacifiques", alors que le président français Nicolas Sarkozy appelait les dirigeants iraniens à "ne pas commettre l'irréparable". L'avocate iranienne Shirin Ebadi, Prix Nobel de la paix, a appelé de son côté la communauté internationale "à empêcher le gouvernement iranien de tirer sur le peuple". Depuis l'annonce samedi des résultats de la victoire du président Ahmadinejad, les partisans de M. Moussavi ont organisé d'imposantes manifestations quotidiennes, dont l'une avait dégénéré lundi avec la mort, selon une radio officielle, de sept manifestants. Amnesty International a affirmé hier que 15 personnes avaient été tuées lors des différentes manifestations de Téhéran. Face à la colère, le pouvoir a multiplié les arrestations au sein du camp réformateur qui soutient M. Moussavi. Il a également limité le travail de la presse étrangère, lui interdisant depuis mardi la couverture des manifestations "illégales" et d'autres évènements. Hier, les journalistes étrangers ont pu couvrir le discours de l'ayatollah Khamenei. Dans son long prêche devant des milliers de fidèles rassemblés à l'Université de Téhéran, dont M. Ahmadinejad, le guide suprême a aussi dénoncé les critiques des Occidentaux sur la victoire de cet ultraconservateur avec plus de 62% des voix face à M. Moussavi (33,75%), un conservateur modéré. Les pays occidentaux "ont montré leur vrai visage, en premier lieu le gouvernement britannique", a-t-il lancé. Londres a immédiatement convoqué l'ambassadeur d'Iran en signe de protestation et le Premier ministre britannique Gordon Brown a répliqué qu'il était "juste pour nous de défendre les droits de l'Homme, de nous exprimer contre la répression, de condamner la violence". "Le monde entier regarde l'Iran", a-t-il ajouté. A Genève, la Haut commissaire de l'ONU pour les droits de l'Homme, Navi Pillay, s'est inquiétée du "nombre croissant d'arrestations" ainsi que de "la possibilité de recours excessif à la force et d'actes de violence" contre les manifestants.