Partout dans le monde, les journaux sont mis à mal par le choc de la révolution numérique. Avec la récession, le modèle sur lequel reposait la presse écrite a définitivement volé en éclats. Les éditeurs doivent dessiner les contours d'un nouveau monde où le papier et Internet cohabitent. Premier épisode de notre série sur la situation des journaux à travers le monde. Des Etats-Unis à l'Europe en passant par l'Asie, les éditeurs de journaux du monde entier sont confrontés à la même évidence : leur modèle est à bout de souffle, et ils doivent imaginer les contours d'un nouveau monde où le papier et Internet cohabiteront dans une équation financière viable. Mais nulle part dans le monde, la recette salvatrice n'a encore été trouvée. Avec le choc de la récession, le compte à rebours a pourtant démarré. La baisse brutale, en volume comme en valeur, du marché publicitaire a des effets dévastateurs. Longtemps très rentable, le marché américain est aujourd'hui parmi les plus touchés avec des pans entiers de sa presse locale en faillite ou menacés de fermeture. Diminution des coûts partout Ainsi, le groupe Tribune Co., l'éditeur du " LA Times " et du " Chicago Tribune ", s'est placé sous la protection de la loi sur les faillites. Le groupe New York Times, dans le rouge, a dû, lui, faire appel au milliardaire mexicain Carlos Slim pour éviter une asphyxie financière. Même la presse magazine n'échappe pas à ce séisme. Premier éditeur mondial avec des titres comme " Elle ", " Première ", etc., Lagardère a vu ses revenus dans la presse dégringoler de plus de 18 % au premier semestre. Partout, les plans de réduction d'effectifs s'enchaînent, les programmes de diminution de coûts se multiplient, avec parfois des baisses de salaire à la clef comme chez l'espagnol Prisa, l'éditeur d'" El Pais ". Avec la récession publicitaire, la vulnérabilité des journaux gratuits, financés uniquement par les annonceurs, est également apparue au grand jour. Contraint de solliciter massivement ses actionnaires pour être recapitalisé - tout comme son concurrent le Norvégien " Schibsted " -, le Suédois " Metro International " est en voie de démantèlement. Où cela s'arrêtera-t-il ? Comment redonner à la presse écrite un modèle économique et, donc, une perspective d'avenir ? Les éditeurs du monde entier se posent désormais ces questions avec une anxiété non dissimulée. Partout, la résistance commence à s'organiser. En France et aux Pays-Bas, l'Etat tente d'amortir les effets ravageurs de la crise avec des soutiens financiers. Vers la fin de la gratuité en ligne De plus en plus d'éditeurs pensent qu'une solution à leurs problèmes passe par la fin de la gratuité de leurs contenus en ligne. Propriétaire du " Wall Street Journal ", du " Sun " ou encore du " Times ", le magnat australo-américain des médias Rupert Murdoch vient d'annoncer que " l'accès à ses sites d'information deviendrait payant d'ici à juin 2010 ".Pour lui, la cause est désormais entendue : " Une industrie qui donne ses contenus cannibalise ses possibilités de faire du bon journalisme. " Reste à savoir comment faire payer l'internaute ? Parmi les pistes explorées pour faire payer les internautes, le Kindle d'Amazon et l'iPhone d'Apple apparaissent comme des voies d'avenir. Pendant plusieurs jours, " Les Echos " vont analyser comment les grands journaux de la planète tentent de se réinventer pour survivre à la révolution numérique. Seln Les Echos ---------------------------- Chiffres La presse écrite représente un chiffre d'affaire mondial de 190 milliards de dollars. Plus de 550 millions de personnes achètent quotidiennement un journal. Les journaux attirent au moins 1,6 milliards de lecteurs par jour. La diffusion mondiale payante des journaux (exemplaires payés) a progressé de 2,3 % en 2006 (dernières données disponibles). Si l'on ajoute à cela les journaux gratuits, l'augmentation est de 4,6 %. Il s'écoule 41 milliards d'exemplaires de journaux gratuits par jour, dont les deux tiers en Europe. Beaucoup de leurs lecteurs ne lisaient pas le journal auparavant. Là où la pénétration d'Internet et du haut débit est élevée, le lectorat des journaux l'est aussi. La presse payante totalise 11 200 titres dans le monde. Les journaux restent le deuxième support publicitaire, avec environ 30 % du marché, soit plus que le budget de la radio, de l'affichage, du cinéma, de la presse magazine et d'Internet réunis. Si on inclut les magazines, la presse écrite domine nettement le marché de la publicité, avec 42 % du marché. La presse a investi plus de 6 milliards de dollars en technologie dans les 18 derniers mois. C'est un secteur qui emploie plus de deux millions de personnes dans le monde. Selon Forrester Research, 36 % des internautes réguliers ont réduit le temps qu'ils passaient à regarder la télévision, alors que 64 % d'entre eux déclarent ne pas avoir changé leurs habitudes en matière de consommation de journaux, malgré la multiplication de l'offre.