Un mois d'août sanglant Le Temps-Agences - Le président syrien Bachar al Assad a accusé les autorités irakiennes d'allégations "immorales" sur la présumée implication de Damas dans les attentats contre deux ministères irakiens qui ont fait une centaine de morts la semaine dernière en Irak. "Quand la Syrie est accusée de tuer des Irakiens alors qu'elle en accueille environ un million deux cent mille, cela peut être considéré comme une accusation immorale", a dit le chef de l'Etat syrien lors d'une conférence de presse tenue conjointement à Damas avec son homologue chypriote, Demetris Christofias. "Lorsque la Syrie est accusée de soutenir le terrorisme, alors qu'elle l'a combattu durant des décennies, c'est une accusation politique illogique. Et quand elle est accusée de terrorisme sans preuve, c'est hors de toute logique juridique", a ajouté le président syrien. Damas et Bagdad ont rappelé la semaine dernière leurs ambassadeurs à la suite d'une requête irakienne visant à la livraison des deux cerveaux présumés des attentats contre les ministères. Le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, s'est rendu lundi à Bagdad pour tenter de calmer les tensions et, selon un de ses conseillers, le Premier ministre irakien, Nouri al Maliki, a promis de modérer ses propos contre Damas. Pourtant, dans un communiqué publié après la rencontre, Maliki a exigé une nouvelle fois que la Syrie lui remette des suspects recherchés pour des attentats en Irak. "L'Irak a présenté depuis 2004 les noms, les adresses, des renseignements, des documents et des preuves sur les activités de ces terroristes (...) et la manière dont ils entrent en Syrie", déclare Nouri al Maliki, selon lequel 90% des combattants étrangers qui rejoignent l'insurrection en Irak passent par la Syrie. "L'Irak exige que les Nations unies forment un tribunal pénal international pour juger les responsables de ces crimes horribles (...) et il demande que la Syrie lui remette les suspects les plus recherchés." L'Irak a diffusé dimanche un enregistrement vidéo d'un membre d'Al Qaïda reconnaissant s'être entraîné avec d'autres islamistes étrangers dans un camp dirigé par des agents des services de renseignement syriens avant d'être envoyés en Irak. L'enregistrement montre un homme qui dit s'appeler Mohamed Hassan al Chemari, âgé de 29 ans et originaire d'Arabie saoudite, qui a été arrêté dans la province de Diyala. Il était soupçonné d'être un des chefs de file de la mouvance islamiste en Irak. Chemari affirme qu'après son arrivée en Syrie en provenance d'Arabie saoudite, il a été contacté par un militant qui l'a conduit dans un camp d'entraînement d'Al Qaïda. Le chef du camp était un agent présumé des services de renseignement syriens, un homme du nom d'Abou al Kakaa. Une fois entré en Irak, Chemari a suivi un nouvel entraînement avec trente autres combattants étrangers dans la province désertique d'Anbar, proche de la frontière syrienne. Là, il a rencontré le leader prétendu d'Al Qaïda en Irak, Omar al Baghdadi, qui l'a nommé à la tête de la province de Diyala, connue pour ses violences. Il a organisé des attaques à main armée contre des points de contrôle de la police à Diyala, a enlevé des officiers irakiens et réclamé des rançons pour leur libération. Il a exécuté des otages au couteau et organisé des attentats suicides à la bombe. Son témoignage n'a pas pu être confirmé de manière indépendante. ------------------------------- Un mois d'août sanglant Le Temps-Agences - Le mois d'août a été le plus sanglant en Irak depuis plus d'un an, marquant une nette dégradation de la sécurité et un défi pour le Premier ministre Nouri al-Maliki qui se veut le champion du retour au calme. Cette détérioration inquiète également l'armée américaine qui s'est retirée des villes fin juin, prélude au désengagement de ses troupes de combat en août 2010 puis un retrait total fin 2011. Selon les chiffres fournis par les ministères de la Défense, de l'Intérieur et de la Santé, 393 civils, 48 policiers et 15 soldats ont été tués. Par ailleurs, 1.741 personnes ont été blessées. La hausse du bilan des victimes en août est due aux attentats suicide dévastateurs commis le 19 août à Bagdad contre les ministères des Affaires étrangères et des Finances qui ont fait 95 morts et plus de 600 blessés. Ce bilan mensuel est le plus élevé depuis juillet 2008, au cours duquel 465 personnes avaient trouvé la mort. En juillet 2009, il avait nettement diminué avec 275 morts Contrastant avec ces chiffres, le nombre de soldats américains tués en août est le plus bas depuis l'invasion américaine du pays en 2003 avec sept militaires morts, selon le site indépendant icasualties. Ces attaques, au coeur de Bagdad contre des symboles du pouvoir, ont révélé des failles chez les forces armées irakiennes, dont les autorités n'avaient de cesse de louer leur préparation pour protéger le pays depuis fin juin. Après ces attentats, le ministre des Affaires étrangères Hoshyar Zebari avait brisé le consensus général et affirmé que la sécurité s'était gravement détériorée, accusant certains éléments des services de sécurité de collusion avec les insurgés "Nous devons dire la vérité. La sécurité s'est réellement détériorée ces deux derniers mois et se détériorera plus encore", avait indiqué le ministre, prenant le contre-pied des déclarations optimistes de M. Maliki. Selon des aveux de suspects présentés par les autorités irakiennes, les auteurs des attentats étaient parvenus à passer des points de contrôle malgré l'interdiction faite aux camions de plus de deux tonnes de circuler dans la capitale irakienne. Cette détérioration de la sécurité représente un défi pour le Premier ministre, qui avait fait de l'amélioration de la sécurité un de ses principaux arguments de campagne pour les prochaines élections législatives de janvier. Il a joué son va-tout en décidant de rompre l'alliance chiite sacrée qui avait remporté les élections législatives de 2005 et décidé de créer sa propre coalition formée de chefs tribaux sunnites, d'indépendants et de laïcs. L'armée américaine avait elle reconnu une "défaillance du système de sécurité". "Ils cherchent à attaquer le gouvernement", avait expliqué le général Steve Lanza, un porte-parole militaire américain. "Pourquoi? Peut-être pour briser l'unité nationale. Peut-être pour faire en sorte que la population perde confiance dans le gouvernement, et que l'on cherche des responsables (de l'insécurité) afin de créer une cassure dans les forces de sécurité et de favoriser la réémergence des milices", avait-t-il ajouté. Les 500.000 policiers et 250.000 militaires irakiens sont désormais seuls à assumer la sécurité dans les centres urbains alors que la quasi-totalité des 129.000 soldats américains restent cantonnés à l'extérieur dans un rôle d'appui et de formation jusqu'à leur départ fin 2011.