Tournez le dos à la rue Charles de Gaulle, en son milieu. Bifurquez à droite par la rue d'Espagne et vous pouvez ainsi accéder au marché central. Le choix de ce passage n'est pas fortuit. Le marché central est en forme de parallélépipède délimité par quatre rues celles d'Allemagne, de Charles de Gaulle, du Danemark et d'Espagne. Et comme il convient de l'aborder par étapes, pavillon après pavillon, halle après halle, il vaut mieux pour plus de commodité, commencer la randonnée par le pavillon des fruits et légumes et laisser pour la fin celui des poissons. Choix raisonnable : vous reportez à plus tard un mal de tête certain et vous profitez du bradage des prix pratiqué avant la clôture par les poissonniers. D'une pierre deux coups en somme ! Pour pénétrer dans le royaume des fruits et légumes, vous traversez une sorte de couloir où sont alignées des deux côtés, 24 boucheries proposant des viandes ovines, bovines, et même chevalières à des prix homologués qui ne souffrent d'aucune spéculation ou supercherie comme c'est souvent le cas ailleurs, surtout en ce mois de Ramadan. Aux boucheries, succèdent 28 points de vente de volailles et 50 étals spécialisés en fromagerie, variétés et autres produits alimentaires. Ce sont des galeries couvertes qui ceinturent le marché. Chroniqueur Au milieu, donc, la grande halle réservée aux fruits et légumes. C'est une sorte de hangar qui couvre pratiquement les deux tiers des 12.000 m2 de la superficie totale du marché. Sur cet espace aéré et bien aménagé trônent 370 points de ventes. Ce sont des étalages bien juxtaposés qui offrent toutes les sortes et les variétés des fruits et légumes. Ici, le contraste des couleurs est frappant. Le mélange du rouge vif des briques des stands à celles des marchandises exposées vous donnent l'impression que vous êtes dans une galerie d'art. Ajoutez la lumière des rayons du soleil qui filtrent de la charpente en tuiles du plafond et aussi et surtout le calme, la sérénité qui y règne contrairement au brouhaha caractéristique de la plupart des souks et marchés et vous convenez de la réussite totale du réaménagement et de la rénovation du marché, entreprise en 2003 et finalisée en 2007. A l'époque, un chroniqueur commentait l'opération : " Le marché central de Tunis a été rénové et réorganisé de sorte que les visiteurs puissent passer, circuler et conclure leurs affaires en fruits et légumes, poissons, épices, viandes, pains... loin de tout encombrement ou gêne ". N'oublions pas que cette opération a coûté 6,5 millions de dinars. " Ces travaux de restauration ont permis au marché de faire peau neuve et de répondre aux standards modernes ce qui a permis une circulation aisée et ce qui occasionne aux clients une visite agréable sans gêne, ni désordre, ni encombrement ", renchérit un autre commentateur. Qualificatif Certes, le constat est vrai et saisissant pour le site réservé aux fruits et légumes. Mais pour celui des poissons les choses n'ont pas tellement changé. Bien sûr, la halle a été bien réaménagée depuis la charpente restaurée jusqu'aux stands reconstitués et équipés par des chambres froides, bacs à eau et compresseurs, avec un sol revêtu de béton et des étalages habillés en inox. Bref, l'armature a été modernisée. Mais, pour le reste, les vieux réflexes ont la peau dure. Le brouhaha, les bousculades, les disputes et même les injures y demeurent monnaie courante avec le comportement de certains poissonniers qui ne se gênent pas de valser avec les prix et de tricher sur la qualité sans oublier aussi des clients trop exigeants. Mais, tout cela vient de ce que le poisson reste toujours prisé par les Tunisiens surtout et surtout à ce mois saint. Et ceux qui viennent ici ne prennent pas des gants pour prendre d'assaut les 96 points de vente et des fois sans même acheter vu les prix trop élevés, juste pour admirer les crustacés et les dorades dorées... Ainsi, avec ses 568 points de vente, son architecture moderne et imposante et son emplacement au centre de la capitale, le marché central de Tunis demeure le haut lieu du commerce alimentaire et si vous avez l'imagination porteuse, vous pouvez le qualifier comme, jadis, l'avait fait Emile Zola, pour les halls de Paris, de " ventre de Tunis ". Ce qualificatif n'est pas de trop...