Le vent fort et par moments froid qui a soufflé, le week-end dernier, sur la plupart des régions a assurément contribué à la multiplication des cas de grippe et aggravé ceux qui sont déjà enregistrés parmi nos concitoyens. Partout où l'on va ces derniers temps, on rencontre par dizaines les personnes enrhumées qui n'arrêtent pas d'éternuer et de se moucher. A ce propos, les conseils hygiéniques entrant dans la campagne contre les formes de grippe sévissant actuellement doivent à coup sûr profiter aux vendeurs à la sauvette qui, plus honnêtes sinon moins opportunistes que d'autres commerçants, n'ont pas profité de l'aubaine pour augmenter le prix du paquet de mouchoirs. Non, ils le vendent toujours à 100 millimes et proposent la dizaine à un dinar. En pharmacie, on en vend des plus chers parce qu'ils sont fabriqués, nous dit-on, dans un papier de qualité, plus absorbant, arborant plusieurs plis et prévenant certaines allergies. C'est pourquoi on y vend le paquet de 10 à 200 millimes et plus. Nous avons par ailleurs appris que les pharmaciens, ces conseillers de notre santé, n'achètent les mouchoirs que chez certaines marques comme ils le font pour les couches de bébés. En tout cas et d'après nos constatations quotidiennes, la plupart des nez tunisiens se mouchent à bon marché et ne craignent pas tellement d'être écorchés par les mouchoirs à deux sous. Mais plus grave que ces précautions sordides est la tendance chez beaucoup de personnes grippées à interpréter les récents messages du ministère de la Santé comme une incitation à l'automédication. Légèreté et inconscience On croit à tort que toutes les grippes se soignent au paracétamol et que la consultation est superflue. « A quoi bon aller voir un médecin pour un petit coup de fièvre et un nez qui coule ! Un médicament et des tisanes suffiront pour nous remettre sur pied. Cela nous permet en plus d'économiser au moins les 20 dinars de la visite. » C'est en ces termes que raisonne une majorité de malades lorsqu'ils trahissent les premiers signes d'une grippe. Les plus prudents d'entre eux gardent le lit un ou deux jours après quoi, ils reprennent leurs activités habituelles sans s'être vraiment rétablis. Pour se soigner, ils achètent en pharmacie le minimum de médicaments et ne se renseignent que rarement auprès du pharmacien sur les remèdes les plus efficaces pour leur guérison. Chacun de nous se prend aujourd'hui pour son propre toubib, en particulier dans le cas d'affections, selon lui, « légères ». On a beau lui parler de « pandémie », de centaines de milliers de décès causés par la grippe A, le Tunisien moyen se croit le plus souvent « immunisé » contre les virus jusqu'au jour où son cas s'aggrave. Alors, il panique et consulte le médecin, mais tardivement.
Ces pharmaciens d'emprunt En attendant que son cas s'aggrave, il se contente de sa propre ordonnance ou des conseils d'un vendeur de la pharmacie. En effet, comme nos pharmaciens sont la plupart du temps introuvables dans leurs officines, ce sont leurs laborantins qui les suppléent en tout ou presque. Et il semble que leurs employeurs les y autorisent. C'est pourquoi ils se permettent d'indiquer divers antibiotiques et anti-inflammatoires à leurs clients sans présentation de prescriptions médicales. Pour n'importe quel rhume ou symptôme grippal, ils vous recommandent les mêmes médicaments et de préférence les plus chers. Certes, il arrive que certains employés de pharmacie soient suffisamment formés ou assez expérimentés pour prescrire de bons remèdes, mais les pharmacies qui embauchent de tels techniciens supérieurs qualifiés se comptent maintenant sur le bout des doigts. Bon nombre d' « apothicaires » emploient surtout des « vendeuses », au physique plutôt agréable, qui mettent des années pour apprendre les noms des médicaments et leurs prix. Quant à savoir les maladies pour lesquelles ils sont indiqués, cela demande un stage plus long qu'elles n'auront peut-être pas le temps d'achever : leurs employeurs respectifs les auront remplacées entre temps par d'autres filles pour ne pas avoir à les titulariser et donc à les rétribuer plus cher ! Conseils d'« amis » La prudence est donc plus que jamais de mise ces derniers jours. Les médecins des spots télévisés soulignent bien la nécessité de consulter avant toute prise de médicament. S'ils citent quelques noms de médicaments légers indiqués dans le traitement du nouveau virus, c'est pour atténuer ou du moins prévenir la psychose que la grippe A (H1N1) a provoquée ou risque de provoquer au sein de la population. D'autre part, en cette période de campagne contre ladite grippe, les visites sont gratuites dans les établissements sanitaires publics lorsqu'il s'agit de symptômes apparentés à ceux de ce mal ravageur. L'obstacle financier étant écarté, n'hésitons donc pas à solliciter le conseil des services hospitaliers. Pour les assurés sociaux, il ne leur coûtera pas grand-chose de frapper à la porte d'un cabinet médical.