* Y a-t-il adéquation entre les revenus d'un cadre moyen tunisien, et les exigences inhérentes à l'acquisition d'un logement ? Vous faites partie des statistiques ? Vous êtes un veinard. Né sous une bonne étoile, et vous ne mesurez sans doute pas votre chance. Si, si, car, donnée pour évidente, la chose en soi ne l'est pas du tout. Il faut se lever tôt, et de bon pied encore, pour pouvoir faire partie des "élus ". Tant que ça ? Il semble en tout cas que pour les petites bourses, et même pour les cadres moyens, intégrer ces 83% de ménages tunisiens, qui sont propriétaires de leur logement, relève d'une gageure. Voire même d'un miracle. A se demander en tout cas comment sont calculées ces statistiques. Pour pouvoir prétendre à l'achat d'un logement aujourd'hui, il faut consentir à un véritable parcours de combattant et se donner les moyens de son ambition. Ce n'est pas chose aisée...
Il faut être contorsionniste N. est chauffeur de taxi. Il n'est pas établi à son compte, et gagne à peu près vingt dinars par jour. Père de deux enfants, habitant à la périphérie du quartier populaire Ibn-Sina, moyennant un loyer de 280 dinars, il escomptait acheter un petit deux pièces, histoire de laisser quelque chose à ses enfants : " Mon père m'a légué un bout de terre du côté de ma ville d'origine, le Kef, que mon grand-père lui avait laissé. A mon tour, je veux absolument laisser quelque chose à mes enfants, car c'est ma responsabilité de père. D'autant plus que ma femme ne travaille pas. Je me suis donc adressé à la SNIT, où on m'a proposé un petit S+2, de 60 mètres carrés, vraiment basique, contre la somme de 63 mille dinars que je n'avais pas évidemment. Moi je pensais aux facilités accordées par le système de crédit -logements tel que ça existait auparavant, et qui permettait aux familles, à revenu modeste, de pouvoir acquérir un logement, en payant par mensualités, avec l'assurance que ça ne ferait pas l'effet d'un trou dans l'eau comme avec la location, puisque l'on devient, à long terme, le propriétaire de ce logement en question. Et c'est une satisfaction personnelle que de savoir qu'on n'a pas travaillé toute sa vie pour rien. Sauf qu'il semble que les choses ont changé et que j'avais bâti sur des chimères. On m'a demandé un auto -financement de 20%, et une attestation annuelle de revenus. Le taxi n'étant pas à moi, mes revenus sont forcément modestes. Pas de patente pour pouvoir exiger l'attestation demandée, sachant que dans ma catégorie, on paie annuellement entre 120 et 250 dinars par an. On ne peut pas faire plus. Résultat, j'ai dû renoncer à ce rêve. Ce qui n'est pas normal à mon sens. Dans la mesure où, puisque je suis capable de payer mon loyer tous les mois, je suis également capable d'honorer des traites. Je ne m'exprime pas seulement en mon nom propre, mais au nom de tous ceux qui comme moi, n'ont pas le droit de posséder une maison qui soit à eux. Dire que je suis revenu de Genève, où j'avais passé huit ans de ma vie, lorsque j'étais jeune, parce que je ne voulais pas que mes enfants naissent ailleurs que dans la patrie de leurs aïeux. J'ai beaucoup de regrets aujourd'hui... ". Et effectivement, la crise aidant, ce qui était possible hier ne l'est plus aujourd'hui, lors même que le seuil minimal pour l'acquisition d'un logement social, équivaut à 50, voire 55 mille dinars, et encore. Il faut se lever tôt pour en dénicher un. Partant du fait que le SMIG d'un tunisien est de 260 dinars pour un régime de 48 heures, et sachant qu'un cadre moyen, touchant dans les 500 dinars, peut difficilement économiser les 20% d'auto -financement exigés par tout le monde, et encore moins prétendre à un crédit qui soit solvable, il n'est donc pas étonnant que les statistiques, telles qu'établies actuellement, ne manquent pas de nous intriguer. Dans tous les cas de figure, le fait est qu'aujourd'hui, le logement social tel qu'il est défini actuellement, ne répond plus à notre réalité. C'était peut-être le cas lors de la création du FOPROLOS (Fonds de Promotion du Logement Social), qui a été mis en place à la fin des années 70, pour permettre au plus grand nombre de bénéficier d'un logement neuf, mais ça ne l'est plus aujourd'hui. A moins d'être contorsionniste. Cela, en tenant compte des nouvelles dispositions dont a fait état le nouveau décret daté du 2 décembre 2009. Et qui fixe le plafond des prix des logements sociaux, selon trois catégories : 39 mille dinars pour un logement social individuel, d'une superficie couverte de 50 mètre carré, 50 mille dinars pour un logement social collectif d'une surface couverte de 75 mètre carré, et entre 54 mille et 67 mille cinq cent dinars pour un logement collectif vertical, d'une superficie de 80 et 100 mètres carrés. La question qui s'impose : y-a-t-il adéquation entre les revenus d'un cadre moyen tunisien, et les exigences inhérentes à l'acquisition d'un logement ? Dans les faits, pas dans les chiffres... Ne parlons pas de celui d'un simple employé.