« Petits rêves » (Ahlem Saghira) produite par la société Z Production et mise en scène par Hassen Mouadhen, dont la première représentation a été organisée samedi dernier à la Maison de la culture Ibn Rachiq devant une salle pleine, est une adaptation de la première pièce de Tennessee Williams, écrite en 1944, « La ménagerie de verre » et adaptée au cinéma par Paul Newman. C'est une pièce autobiographique dans laquelle Tennessee Williams met en scène sa propre famille. Hassen Mouadhen n'est pas resté fidèle à l'esprit du texte initial. Il a choisi le comique et la dérision pour raconter le drame qui arrive à Lamis, atteinte d'une infirmité physique et d'un handicap mental imprécis (en réalité, elle était schizophrène), fille de Rafiaâ, désespérément volubile, hystérique à force d'angoisse étouffée et sœur de Farouk, initialement le narrateur de cette histoire conçue comme des réminiscences intimes mais gommé ici par le dramaturge. La pièce tourne, donc, autour de la sœur, boiteuse, timide à l'excès, qui se réfugie dans l'écoute de vieux disques ou dans la contemplation de son bestiaire de verre. Farouk reste à la maison par devoir moral, par affection pour les siens, mais il étouffe et sort tous les soirs se soûler la gueule tout en rêvant d'immigrer en Europe. Un digne fils de son père qui les a abandonnés pour aller courir le monde, dit la mère. Rafiaâ qui n'a qu'une obsession, marier sa fille. Pour rendre service, Farouk amène à dîner un copain, dans la perspective qu'il sera séduit par Lamis. La scène clé : la rencontre entre le prétendant et Lamis est tout juste ratée en raison du jeu mièvre des acteurs. Et pourtant, la pièce repose sur l'interprétation censée faire passer des émotions. Ce qui n'est malheureusement pas le cas. Le travail sur la gestuelle est intéressant dans la mesure où le parti- pris comique prime mais il devient complètement inutile dans la mesure où le metteur en scène survole rapidement cette séquence en n'accordant pas le temps suffisant aux deux protagonistes de s'apprivoiser. Et l'objet en verre dans lequel Lamis élève ses vers à soie dont les fils si fragiles, s'effilochent lorsque le bestiaire en question se brise, ne renvoie pas au sens que Tennessee Williams a voulu exprimer, celui de la fragilité des choses et des êtres. Et la scène se fige dans un réalisme primaire. Le metteur en scène a fait une adaptation très libre de « La ménagerie de verre » en l'actualisant (grippe AH1N1, immigration…) et en ajoutant un cinquième personnage assez pathétique, celui de la belle-mère muette et délaissée, qui rythme la pièce par certaines de ses apparitions. En optant pour la comédie, il a effectué un travail intéressant sur la gestuelle et la mimique. Malheureusement, les comédiens n'ont pas tous été à la hauteur. L'actrice ayant campé le rôle de la mère est assez remarquable dans sa manière d'agacer et d'exaspérer les siens et de les asphyxier à force d'inquiétude. Elle a su communiquer la tendresse, l'agacement et par moment, la joie. Par contre, la comédienne qui incarne le personnage de Lamis n'arrive pas à renvoyer ce côté fragile et enfantin en marquant sa différence par rapport aux autres, ce qui lui permettra de faire éclater la bulle dans laquelle elle s'est enfermée. Farouk avec son physique d'athlète, donne l'impression d'avoir les pieds sur terre, mais en même temps, la tête dans les étoiles. La mise en scène manque de poésie et d'onirisme auxquels nous a habitués Hassen Mouadhen dans ses précédentes créations. Toutefois, son mérite est d'avoir adapté cette pièce qui est un morceau de bravoure de Tennessse Williams. Mais ceci étant dit, « Petits rêves » est, faut-il le souligner, un spectacle qu'on ne doit pas rater.