« Jeunes Virtuoses » est devenu, depuis sa création en 2005, un rendez-vous annuel incontournable, qui offre à des dizaines de mélomanes, la possibilité de rencontrer les étoiles de demain dans la sphère classique. Avec le concours respectivement de l'Ambassade de Turquie et du Goethe Institut, la plus jeune violoniste de la sixième édition de Jeunes Virtuoses, Berfin Aksu s'est produite en première partie du concert qui l'a réunie, le dimanche 21 février, à Anna Buchberger qui, au son du piano, a revisité certaines pièces de Robert Schumann… Lorsque les lumières se tamisèrent, plongeant la salle des concerts dans le confort du clair-obscur, c'est une silhouette frêle d'une fillette de douze ans qui prit place sur la scène. A droite, trônait le piano qui accompagnera pendant près d'une heure, Berfin Aksu, la jeune violoniste turque. Quelques notes d'accord, puis un flot de phrasés harmonieux, a plongé les convives dans un bien-être teinté de surprise. En effet, du haut de ses douze ans, Berfin Aksu a maintenu le public en haleine tant par sa maîtrise de l'instrument que par la sensibilité dans l'exécution des pièces. Le programme proposé était varié. De Mendelssohn à Paganini, en passant par Tura, Wieniawski, Korsakov et Enescu ; la violoniste est passée d'une variation tonale à une autre avec aisance et justesse. Et si parfois la montée dans les aigus était quelque peu ratée, cela était à peine perceptible tant la sensibilité et la virtuosité de Berfin Aksu étaient à fleur de peau. Pendant près d'une heure, la jeune violoniste a conféré à l'espace, une volupté incommensurable avec une interprétation impeccable laissant percevoir, au détour d'un jeu d'archet ou d'un pizzicato, l'étoffe d'une grande artiste en herbe.
Avec sérieux, non dénué d'un zest d'espièglerie, Berfin Aksu a entraîné les spectateurs dans la magie de l'instant. Avec une appropriation de la partition, la jeune violoniste turque a déployé sa virtuosité. Son génie émeut et déconcerte, fait quelques envieux et beaucoup d'admirateurs et l'on ne peut que prédire un avenir radieux pour Berfin Aksu et son violon dans le monde de la musique.
Après une pause de dix minutes, les touches du piano se mirent à fredonner sous les doigts d'Anna Buchberger. Le moment était solennel car la deuxième partie de la soirée était placée sous le signe de l'hommage. Un hommage rendu à Robert Schumann dont l'univers classique fête le 200ème anniversaire de sa naissance.
Les pièces choisies étaient denses. Force et tendresse s'alternaient, notes et silence se mêlaient donnant un rythme binaire et une intensité d'un mouvement à un autre. Attelée à son instrument, la pianiste revisitait l'univers schumannien avec une justesse et un savoir-faire implacables. Sa maîtrise de l'instrument et sa technique avaient capté l'attention des convives et happé l'ouie fine des férus de Schumann et du piano. Même si le jeu était saisissant et la technique irréprochable, la sensibilité venait quelque peu à manquer. En dépit de cette quasi-absence, le moment était chargé d'une puissance dans l'exécution et le temps de l'interprétation imposait le silence parmi les convives.
Sous le signe du double jeu de Berfin Aksu et d'Anna Buchberger, une nouvelle page de « Jeunes Virtuoses » s'est écrite. Le palais d'Ennejma Ezzahra a brillé de mille notes sous les doigts des deux artistes. Qu'elles hèlent les étoiles ou réinvestissent le passé, les deux jeunes virtuoses ont offert un moment de volupté aux mélomanes venus par dizaines s'abreuver de notes éternelles…