Non il ne s'agit pas d'un film sur la vie de Marlon Brando. Oui Brando est bien partie prenante du film, pas seulement à titre posthume, mais parce que qu'il aura marqué le projet de son empreinte, avant de partir, à trois semaines du tournage, laissant le metteur en scène, complètement désemparé, et autrement secoué par une nouvelle, certes prévisible parce que le monstre sacré était déjà très malade, mais parce qu'un départ n'est jamais anodin, qui scelle une absence dont on ne revient pas. Sans oublier, cela qui est important, que Brando est tout de même le symbole de ceux qui n'ont pas hésité, et ils ne sont pas légion aux Sates, et surtout pas parmi les « professionnels de la profession », à dénoncer le sionisme manipulateur et outrancier d'Israël, et à déplorer le silence généralisé et coupable, sur le calvaire que vivent les palestiniens au quotidien. Au point de se retrouver banni par cette profession, dont les rouages sont tenus, d'une main de fer, par tout un lobbying, qui pardonne tout, sauf le fait de toucher à l'intouchable : à savoir l'Etat hébreu.
Sauf que Ridha Béhi est de ceux qui savent s'accrocher à leurs rêves, de préférence pour les mener à terme, et qu'après avoir passé deux semaines avec Marlon Brando, à discuter, détail après détail du scénario, à changer certaines choses, à en écrire d'autres, à nuancer, dévier le sens de l'histoire, et à l'enrichir, il ne pouvait admettre que la seule alternative qui lui reste c'est de baisser les bras. Ce n'était donc que partie remise. Et le projet du film, abandonné un temps, la productrice anglaise s'étant défilée après la mort de Brando, sans compter d'autres paramètres qui sont entrés en ligne de compte, Ridha Béhi, comme il l'expliquera lors de la rencontre avec les journalistes, à trois semaines avant le début du tournage qui aura lieu à partir du 15 du mois prochain à Oudhna, focalisera toute son énergie sur la réalisation d'une série de documentaires, sur le cinéma tunisien, entre hier et aujourd'hui notamment, en se basant sur les témoignages de ceux qui eurent à cœur de le faire émerger, contre vents et marées, et qui bifurquèrent de la fiction au documentaire, ou vice-versa, ne pouvant faire abstraction de ce qui constitue la réalité même, dont il ne faut surtout pas se détourner ou feindre d'ignorer, parce qu'elle nourrit la fiction, comme la fiction sait s'en emparer pour créer du vivant.
En tous les cas, les deux parties projetées au CinémAfricArt, avant que le réalisateur de la « Boîte magique » ne vienne parler de son nouveau film, ont charrié dans leurs sillages beaucoup d'émotion, en pointant du doigt les failles de notre cinématographie qui a du mal à se faire, les faiblesses ou la quasi inexistence d'un système de distribution efficient, les difficultés rencontrées par les gens du métier, face à une situation qui semble kafkaïenne, pour ne pas dire sans issue.
C'est donc presque miraculeux qu'un film tunisien arrive à voir le jour, ce qui n'est pas pour décourager un cinéaste de la trempe de Béhi, lequel, aux côtés du comédien Anis Raâch, le « sosie tunisien » de Brando, pugnace et passionné, racontera l'histoire de ce film qui pourrait commencer par « il était une fois… »
Où il est question d'une productrice anglaise, de Elisabeth Taylor –non vous ne rêvez pas- qui ont fait parvenir le scénario de Ridha Béhi à l'inoubliable « Padrino » de Coppola. Peu importe le temps que cela a pris, mais un jour le cinéaste de « Champagne Amer » a reçu un coup de fil de Brando, l'invitant à le rejoindre au plus vite à Los Angeles, pour discuter du projet. Trois jours plus tard, Ridha Béhi se retrouvait à discuter à bâtons rompus avec le « monstre sacré », qui lui dira tout de go : « votre scénario ne me plaît pas ». Une façon de lui faire comprendre que dans l'Amérique de Bush, celle de l'après 11 septembre, la descente en enfer n'est pas une alternative parmi d'autres, mais la seule qui vaille.
Ne déflorons tout de même pas l'intrigue d'un film, attendu par tout le monde, sur des charbons ardents, mais précisons qu'un jeune Tunisien, qui va sur les traces de son idole en Amérique, qui n'a aucun appui, aucune chance, sauf l'argument de son étonnante ressemblance avec Marlon Brando, et des promesses du genre qu'on ne tient pas, ne peut pas parvenir, -les temps ayant changé- fut-ce à force d'y croire et de persévérer, en travaillant très dur, d'arracher une place au soleil. Dans la nouvelle version du scénario, qui constitue en fait le dernier projet de Brando puisqu'il s'y est impliqué avec toutes ses dernières forces, le jeune Tunisien, pris dans un imbroglio inextricable, achève sa course à la gloire dans le tristement célèbre « Guantanamo ». Il n'en pouvait pas être autrement.
Maintenant, il faut attendre que le film aboutisse, en croisant les doigts pour qu'il arrive à bon port, sachant que l'aventure est passionnante, et non dénuée d'embûches. Mais l'âme de Brando doit veiller au grain. « Quand tombent les étoiles » sera probablement le titre définitif du film. E la navé va…