En Tunisie, l'espérance de vie à la naissance est de 74 ans actuellement. Cette nette progression réalisée en trois décennies est due à plusieurs facteurs dont bien évidemment la multiplication et l'amélioration des infrastructures sanitaires et des équipements médicaux du pays. Mais l'implication des individus et des familles y est également pour beaucoup. En effet, parmi les comportements que nous relevons depuis une vingtaine d'années au sein des nouveaux couples, on doit souligner les sacrifices financiers consentis par ces derniers pour la santé de leurs enfants dès avant leur venue au monde (avant et pendant la grossesse) et durant au moins leurs 6 premières années. D'autre part, les personnes âgées de chez nous se font de plus en plus soigner contre des maladies autrefois mortelles. Ce sont eux-mêmes qui prennent en charge leurs traitements, sinon ce sont de proches parents qui s'en occupent. En d'autres termes, nous pouvons affirmer que si le Tunisien a aujourd'hui plus de chances de vivre longtemps, c'est en particulier grâce à l'effort collectif et individuel visant à préserver les deux catégories de population les plus vulnérables, à savoir les enfants et les personnes âgées. Précautions coûteuses Pour s'en convaincre, il faut voir ce que les jeunes couples dépensent comme argent pour avoir une progéniture saine et viable. Avant même que l'épouse ne tombe enceinte, celle-ci et son mari effectuent certains contrôles médicaux plus ou moins coûteux de crainte d'avoir des affections susceptibles de nuire à leur santé reproductive. Certes, ce n'est pas encore systématique chez les nouveaux mariés, mais cette précaution est de nos jours prise par un nombre croissant de couples. Lorsque la grossesse a lieu, le suivi médical est en revanche beaucoup plus scrupuleux et est assuré selon une fréquence plus régulière. Les contrôles prénataux sont de plus en plus effectués chez des praticiens libres. Ce qui suppose un coût plus élevé des consultations ; dépenses que même les couples de condition moyenne ou modeste acceptent aujourd'hui de supporter, surtout lorsqu'il s'agit de leur premier bébé. Les accouchements en clinique sont aujourd'hui largement plus nombreux que dans les années 70 et 80. Et ce n'est pas seulement par snobisme que la tendance se généralise : peu confiants dans les services du secteur sanitaire public autour duquel circulent parfois les rumeurs les plus terrifiantes, les patientes sont plus rassurées en se faisant accoucher dans des établissements hospitaliers privés. Cette nouvelle précaution visant à préserver davantage la santé et la vie du bébé et de sa mère ne va pas sans nouveaux frais. Cela dépasse très souvent les 1000 dinars. Aubaine pour les pédiatres et les pharmaciens Après l'accouchement pour le paiement duquel certains couples contractent un prêt, commence une nouvelle étape encore plus éprouvante, puisque quasi quotidienne, pour le budget du couple. Un second prêt s'impose dans certains foyers pour pouvoir s'acquitter des dépenses de la première et de la deuxième années qui suivent la naissance de l'enfant. Sur ce plan, les plus lourdes des charges sont d'ordre sanitaire ou hygiénique : quelquefois, il faut payer un ou deux mois de couveuse pour permettre d'achever la croissance du nouveau-né. Sinon, ce sont les frais des « petits » soins à apporter à l'accouchée et à son bébé. Il arrive aussi que la vie de l'une ou de l'autre nécessite une opération chirurgicale urgente à l'intérieur du pays ou à l'étranger. Il faut compter aussi le coût des vaccins successifs dont il faut inoculer petit bébé. A ce propos, nous avons constaté que les couples relativement aisés ne se contentent pas des vaccinations obligatoires et en paient d'autres jugées par tous les médecins comme facultatives mais dont chacune revient à 150 dinars. D'autre part, et pour le moindre bobo, les parents emmènent l'enfant chez le médecin lequel prescrit des médicaments plus ou moins indispensables, mais que le pharmacien se fait un plaisir de vous fournir à des prix toujours plus élevés. En effet, vous devez avoir sans doute constaté qu'en pharmacie, tout ce qui touche à la santé et à l'hygiène du bébé coûte cher. L'autre jour, un nouveau papa dut payer plus de 10 dinars pour deux minuscules tétines. Nous ne parlerons pas des tarifs exorbitants des biberons, des pots de chambres et des produits de toilettes pour bébé. C'est parfois à vous faire renoncer à la procréation ! La santé du « vieux » Concernant les seniors, on remarque que beaucoup d'entre eux sont des retraités du service public ou privé et que par conséquent cette population compte de plus en plus d'assurés sociaux. Ce qui allège considérablement le poids de leur prise en charge sanitaire en cas de maladie. Mais tous les retraités ne sont pas logés à la même enseigne ni ne bénéficient de la même couverture de la part de leurs caisses respectives. De plus, certains soins ne sont pas pris en charge par celles-ci ou bien le sont partiellement. Ce qui signifie pour le malade âgé l'obligation de s'acquitter lui-même de la totalité ou d'une partie de ses frais médicaux. Le montant à payer est dans de tels cas assez lourd pour la pension du malade lequel sollicite alors le soutien financier de l'un de ses proches. On constate à ce sujet, que les enfants des personnes âgées se comportent de manière plutôt responsable dans ce genre de situations et quelquefois rivalisent d'amour filial pour offrir à leurs parents les meilleurs soins et les plus coûteux. Il suffit de faire un tour dans toutes les cliniques du pays pour se rendre compte que la moitié de leurs patients a dépassé la soixantaine. Ces malades y sont soit hospitalisés pour des maladies de la vieillesse (cataractes, hypertension, diabète, affections cardio-vasculaires, arthrose, cancer de la prostate etc.) soit seulement pour des examens et des radioscopies préventifs. Mais dans un cas comme dans l'autre, les montants à payer sont la plupart du temps excessifs. Dans la famille du malade, on se met souvent à plusieurs pour s'en acquitter et quelquefois on contracte un emprunt à cet effet. Deux dernières remarques sont encore à faire concernant la santé des seniors : d'abord, ils se surveillent trois fois plus qu'avant. Et plus spécialement contre la grippe saisonnière. Un ami pharmacien nous a rapporté que tous les plus âgés de 60 ans du quartier où il exerce se font vacciner régulièrement chez lui et dans une autre officine du coin. L'autre constatation touche aux prix des médicaments pris par les « vieux » : là aussi, il y a comme un réflexe profiteur et mercantile qui se déclenche chez les fabricants et les fournisseurs de médicaments dès qu'il s'agit de traitement gériatrique. Le même pharmacien nous a cité une liste de 10 remèdes à forte demande et dont le coût varie entre 25 dinars et 118 dinars ! Badreddine BEN HENDA *** Quelques chiffres sur la santé de la mère et de l'enfant en Tunisie *Concernant les accouchements en milieu assisté, ils sont plus élevés en milieu urbain (97 % vs 78,5 % p 0,001 en 2000) : 100 % dans les villes de Tunis, Ben Arous, Zaghouan, Sousse et Monastir. Mais à Kasserine, les accouchements à domicile sont encore nombreux : près de 50 % des femmes accouchent en milieu non assisté. A l'échelle nationale, la proportion est beaucoup plus faible : à peine 11 % en 2000. Cependant, il y a lieu de reconnaître que la mortalité maternelle n'a baissé que de 70 pour cent dans l'ensemble du pays. *Les consultations prénatales ont augmenté significativement à l'échelle nationale : par exemple la couverture par au moins une consultation prénatale varie entre 60 % (à Kasserine, Sidi Bouzid et Tataouine) et 95 % (par exemple dans le Grand Tunis, à Bizerte, Nabeul, Zaghouan, Béja, Sousse, Monastir et Sfax) *La prévalence du retard de croissance chez les enfants de moins de 5 ans est de 12,3 % à l'échelle nationale. Le taux de couverture vaccinale par le BCG chez les enfants âgés de 12 à 23 mois est de 97,4%. Le taux de couverture vaccinale par le DTCP3 chez les enfants âgés de 12 à 23 mois est de plus de 96 %. La couverture vaccinale par HBV3 chez les enfants âgés de 1 à 23 mois est de 87,6 %. Le taux de couverture vaccinale par le rappel DTCP chez les enfants âgés de 24 à 35 mois est de 89,7 %. *C'est surtout au niveau de la couverture post-natale que notre pays a beaucoup de progrès à faire. En effet, en l'an 2000 les pourcentages restent souvent en deçà de 50 % qu'il s'agisse de la consultation post-natale du 8ème jour ou de celle du 40ème jour.