La rencontre a eu lieu entre les 8 et 11 Avril 2008 dans le cadre des “Actes de la XI ème rencontre Internationale de Carthage” et regroupait autour du thème de “La violence” une vingtaine de spécialistes en la matière. C'est le professeur Abdelwahab Bouhdiba, président de l'Académie Tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts (Beït Al –Hikma) qui en a ouvert les travaux. Dans son allocution, on peut retenir ces quelques phrases simples et effroyables à la fois et qui proposent une vision quasi-fataliste du rapport de l'Homme à la violence. “Je sais que la violence est innée en nous. Elle est comme une malédiction qui colle à notre peau. Nous naissons à la violence. Nous-nous développons avec elle. Elle nous défie. Elle nous tente”. Et puis le voilà qui place l'éducation comme arme basique pour socialiser la violence, apaiser les tensions et réduire ses méfaits dévastateurs sur les individus et les sociétés, avant de se demander si les raisons de cet élan qu'on doit constamment réprimer chez nous et chez les autres, ne viendraient pas de plus loin, de plus profond. Nos sociétés actuelles produisent une violence généralisée, marchandisée, industrialisée et « La torture, devenue aujourd'hui dans tant de pays instrument de gouvernement, est-elle autre chose que la grimace diabolique de notre complaisance vis-à-vis de la violence? » Georges Guille – Escuret ouvre le bal des intervenants avec “l'analyse de la violence meurtrière des sociétés” entre tendance, crise et structure. Il démontre que, traditionnellement, celui qui définit la violence ce n'est pas celui qui la commet mais celui qui la subit, qu'elle soit physique, psychologique, mortelle ou aliénante. Ainsi la violence d'un assassinat ne peut être proclamée dans la littérature policière, ou la rubrique journalistique des faits divers qu'à partir des constats réalisés sur le cadavre. Georges Labica enchaîne avec “violence et Mondialisation” (l'idéologie de la lutte contre le terrorisme) “qu'est-ce que traiter de la violence si toutes les formes de violence sont mises dans le même sac ?” se demande-t-il. Y avait-il plusieurs degrés pour apprécier si tel genre de violence est plus répréhensible que tel autre. Avec la globalisation, est apparue une forme de violence qui existait auparavant mais qui a évolué grâce aux progrès technologiques vers un terrorisme jugé comme menace extrême et indifférencié dans la mesure où il est censé frapper partout. Toutes les familles politiques (surtout occidentales) se sont accordées pour une même réprobation de cette forme de violence. Reste que ceux qui y ont recours doivent sûrement avoir foi dans de telles pratiques. Qui pourra juger de ce qui est acte légitime ou illégitime. L'histoire nous a appris que c'est le vainqueur. Mais qui pourrait sortir indemne d'une telle violence ? En tout état de cause, ni la terre ni les peuples ! Lidia Tarantini, quant à elle, tente de développer dans “Le Royaume des cieux” ses réflexions sur le concept de “violence” en partant de trois thèmes : le mot violence vient du latin “vis” qui signifie force ; agressivité vient du verbe “ad-gradior” qui veut dire “aller vers” ; destructivité vient de “de-struère” dé-construire. La violence est donc une force au service de la destructivité sans aucune contrepartie liée à la créativité et à la pulsion de vie. Ahmed A. Ounaïes poursuit avec “Résistance nationale et terrorisme”, ces deux termes qui constituent une source de divergence dans le dialogue difficile que le monde arabe cherche à nouer avec l'Occident. D'où la confusion entretenue entre terrorisme et résistance qui rejaillit sur le mouvement national palestinien. L'exploitation réactionnaire au nom de l'Islam, la répression sociale et politique, la corruption, l'oppression et l'occupation étrangère sont les leitmotivs de l'intervention de A. Ounaïes. “Dans la nature, la survie des uns est conditionnée par la mise à mort des autres” déclare Jean Delumeau dès l'introduction à “Violence et religion”. La violence est donc antérieure à l'homme et à la morale. Les animaux se dévorent les uns les autres et les différents écosystèmes n'auraient pu fonctionner sans l'omniprésence de cette loi d'airain. H'mida Ben Romdhane parle de “la violence au nom de Dieu” entre hier et aujourd'hui ; Fatma Haddad – Chamakh de ““Pouvoir et violence” ; Jean Baechler de “La violence et la politique” ; Monique Castillo de “La peur de la violence” comme unique politique future éventuelle ; Riadh Ben Rejeb se demande “pourquoi la violence ?” ; Salah Hadji traite de “la violence entre trous dans l'histoire” et “trou dans le cœur” et – enfin – Abdelwalid Mansour Massabi clôt les interventions en langue française avec “Violence et agressivité”, les aspects, les motifs et les moyens d'y faire face. Une petite partie en arabe rassemble Thabet Tahar avec “la culture de la violence et le défi de la globalisation” ; Abdellah Khlaïfi avec “Prophétie et violence ; Abdallah Mansour Massabi avec “Violence et animosité” et Abdelwahab Mahjoub et autres, avec “La violence à l'école”. Des approches variées et solidement fondées de ce phénomène qui mène le monde, univers, hommes et animaux mêlés. Des solutions ? On voit mal comment y parvenir car la violence est comme le signifie Camus à propos de la Peste. Elle n'est jamais définitivement éradiquée. Elle s'absente, elle hiverne mais tôt ou tard elle va revenir à la charge. Elle revient toujours comme si elle était le rythme réel de toute vie.