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Cinéma Ezzouhour (1)
L'Art du voyage : Mahdia, Borj Erras
Publié dans Le Temps le 18 - 04 - 2010

Pour la grande majorité des enfants et des adultes habitant en dehors des remparts, la première rencontre avec le cinéma s'est faite sur le mur du vieux marché colonial aujourd'hui disparu.
Ces habitants extra-muros venaient des quartiers qui pendant des siècles n'avaient pratiquement aucun rapport avec les habitants de la vieille cité.
Ces derniers vivaient en autarcie et n'imaginaient pas qu'il puisse y avoir une autre vie civilisée digne de ce nom par delà La skifa el Kahla “le vestibule noir”, la principale porte d'entrée à la capitale des Fatimides. Pour les femmes, surtout, il était hors de question que leurs enfants - garçons ou filles - soient mariés à quelqu'un qui n'appartienne pas à la presqu'île, encore moins quelqu'un d'une autre ville ou d'un des quartiers - généralement paysans - qui se trouve à quelques centaines de mètres de Borj Erras.
Les femmes – quand un tel malheur arrivait – hochaient tristement la tête et disaient “La pauvre ! Elle a épousé un étranger !” peu importe que cet étranger soit de Sfax ou de Tunis. Le plus tragiquement comique c'est cette maman dont le fils a épousé une européenne et qui pour la gratifier d'une bonne parole disait “inchallah farhtek” phrase qu'on peut traduire par “j'espère que te tu mariera bientôt et que je serai là”. Et son fils s'écrait “mais maman je suis marié et j'ai des grands enfants”. Alors débutative et malicieuse à la fois, elle répondait “Mais je ne t'ai rien dit de mal. J'ai juste souhaité être là le jour de ta grande fête. Pas forcement ton mariage”.
Les habitants de la cité contrairement à ceux des faubourgs avaient leur cinéma depuis l'époque coloniale, à peu près depuis les années trente. Le Raïs Khalifa Bey, quant à lui, a donné pour nom à son premier petit bateau motorisé le nom de “Rabha” (La gagnante) qui est le titre d'un fameux film égyptien racontant l'histoire d'amour d'un seigneur citadin avec une paysanne. Le Raïs nous racontait souvent qu'il avait emmené sa jeune épouse voir ce film avec lui vers l'année 1933 à peu près.
C'est inimaginable comment un Tunisien, qui n'a jamais été à l'école, pouvait-il avoir autant d'ouverture d'esprit pour amener sa jeune épouse voir un spectacle où il y avait sûrement beaucoup plus d'hommes que des femmes.
Pour le Raïs c'était tout à fait dans l'ordre des choses et tout ce qu'il a regretté, sa vie durant, c'est de n'avoir jamais appris à lire et à écrire. Il fallut donc que tous ses enfants - garçons et filles - aillent à l'école et ceci bien avant l'Indépendance.
Le petit bateau “Rabha” finit ses jours tranquillement vers le début des années soixante dans le vieux port punique de Mahdia. A La même époque où le cinéma “Ezzouhour” nouvellement transformé projetait un film qui a drainé des foules et des foules pendant des semaines entières. C'était le film relatant la vie de la militante “Jamila Bouhaïred”. C'était pendant la guerre d'Algérie et je me rappèle que - encadrés par nos grands frères - nous manifestons notre haine du colon français en scandant des slogans contre de Gaulle sur la route qui conduisait au cinéma.
La salle était souvent comble et pour calmer les foules ses propriétaires ont eu la géniale idée d'installer deux baffles à l'extérieur. Il y avait toujours quelqu'un qui avait vu le film auparavant et qui nous racontait les scènes alors que nous ne faisons que les écouter. C'était surréaliste ces séances de cinéma sans écrans et sans images. L'émotion était tellement forte que ceux qui ont assisté à de telles scènes s'en rappellent encore aujourd'hui.
Au-dessus de la salle il y avait, modernité exige - un bar restaurant avec des portes vitrées. Enfants, ayant acquis notre billet d'entrée et en attendant que les portes s'ouvrent, nous allions regarder en secret ces drôle d'énergumènes - exclusivement des hommes – siroter des étranges boissons vertes ou rosées. Nous les regardions comme s'ils étaient, à la fois, des bannis de la société, des mauvais garçons qui ont pris le mauvais chemin mais aussi comme des jeunes qui s'amusent en toute liberté.
Quand ils sont sur terre, les marins ont souvent du vague à l'âme et c'est tout à fait normal de les voir boire quelques petits verres pour retrouver leur équilibre. Voir un marin en train de rafistoler ses filets avec sa petite bonbonne contenant un liquide vert et mousseux était chose très courante sur les quais du grand port de Mahdia et les passants “hommes ou femmes” ne s'en offusquaient guère. Tant qu'ils étaient célibataires, les marins s'amusaient à leur guise sur la terre ferme. Jamais au grand jamais sur une barque ou un bateau ! C'était complètement banni. La société blâmait aussi les pères de familles qui n'entretenaient pas bien épouse et enfants pour s'adonner sans limite à la dive bouteille.
“Hassan de La petite Ogresse” était célibataire malgré son âgé avancé. C'était une caricature de l'alcoolique du cinéma français à ses débuts. Yeux globuleux, pantalon tirebouchonnant, lèvre inférieure tombante et une démarche désarçonnée. Il ne parlait à personne et pourtant il avait une vie professionnelle tout à fait normale. C'était un bon matelot de la pêche au lamparo (lambara : sardines, maquereaux, bonites, etc.)
Il avait pour seul compagnon un mouton qui ne le quittait jamais. Beaucoup d'histoire circulaient à propos de cette drôle d'amitié. On disait, par exemple, qu'il versait de sa boisson fermentée dans le repas de l'ovin. N'empêche que comme beaucoup de mahdois, Hassan était féru de cinéma et il était hors de question que son ami le quitte pendant la séance de projection. Il avait donc trouvé un arrangement avec l'administration de la salle. Il devait acheter deux billets au lieu d'un pour pouvoir assister à la projection du film en compagnie de son mouton… à condition qu'il entre en salle quant les lumières sont éteintes et que l'ovin ne se mette pas à bêler. Ce contrat a toujours été respecté et le mouton ne se mettait à bêler que vers la fin du film quand Hercule ou Maciste, ayant vaincu leurs ennemis, galopait vers leurs dulcinée pour la prendre dans les bras et l'embrasser alors que toute la salle applaudissait et hurlait debout (à suivre).


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