La proclamation de la sélection officielle du festival de Cannes a eu lieu le 13 Avril soit un mois avant le début du festival le 12 Mai. Avancée d'une semaine par rapport aux dernières éditions pour « faire monter l'impatience » selon les mots de Thierry Frémaux, la conférence de presse durant laquelle a été annoncée la liste des cinquante films choisis pour faire partie de la sélection officielle toutes sections confondues s'est faite l'écho des difficultés que connaît l'art cinématographique. Pour la première fois en effet depuis des années, le nombre de films proposés aux sélectionneurs est en baisse. Une baisse toute relative (1665 films ayant postulé cette année) mais significative des répercussions différées de la crise économique sur la production de films. Ce recul de la production était néanmoins prévisible, les films de 2010 sont en effet des projets conçus et développés en 2009, au moment où la crise économique se faisait le plus ressentir en Europe et aux Etat-Unis, d'où la baisse quantitative enregistrée cette année. Mais Cannes reste Cannes et la sélection officielle s'annonce prometteuse, plus sobre et moins clinquante que celle de l'année écoulée. Valeurs sûres et sobriété des dispositifs Des trois sections que comporte la sélection officielle, la compétition officielle est la plus convoitée, elle se caractérise cette année par le retour de valeurs sûres comme Abbas Kiarostami, Palme d'or avec « le goût de la cerise », Mike Leigh lui aussi déjà primé à Cannes avec « Secrets et mensonges », et Takeshi Kitanu, le cinéaste japonais, un peu essoufflé ces derniers temps qui se présente avec un film sur les Yakusa japonaises. Tout aussi importants, mais faisant partie d'une autre génération, le thailandais Apichatpong Weerasthakul, et le mexicain « Hollywoodisé » Alejandro Innaritu Gonzalez font partie de la compétition officielle. Le premier est aujourd'hui un cinéaste fétiche du monde de la critique cinématographique française tendance « Cahiers du cinéma ». A travers ses trois premiers longs-métrages, il a fait montre d'un talent d'expérimentateur de nouvelles voies pour la narration et la mise en scène au cinéma. Innaritu, le mexicain fait partie des réalisateurs définitivement adoptés par les majors américaines et par une frange importante des publics européens. Ses scénarios à gigognes, l'amplitude de sa mise en scène en en on fait un cinéaste de premier plan. « Babel » Grand prix du jury à Cannes en 2006 est le film de la consécration, quoique plutôt maniériste et tape à l'œil. Espérons que « Biutiful » en compétition cette année constituera l'occasion pour Innaritu de s'affranchir du systématisme qui mine son cinéma. La présence du continent africain avec deux films est la bonne surprise de cette compétition officielle. Le Tchadien Mahamat Saleh Haroun avec « Un homme qui crie » et le Franco-algérien Rachid Bouchareb avec « Hors la loi » concourent cette année pour la palme d'or. Le film de Bouchareb a bénéficié d'un financement substantiel de l'Etat algérien qui a déroulé le tapis rouge à son enfant prodigue après lui avoir claqué les portes au nez lorsqu'il a sollicité une aide publique pour « Indigènes ». C'est grâce à ce film dont l'importance historique et politique ne doit pas faire oublier les limites artistiques que le réalisateur franco-algérien a pu faire son entrée dans le cénacle des « VIP » de Cannes. Du point de vue du cinéma, c'est plutôt du côté de « London River», sobre et sans pathos que du côté d' « indigènes » au didactisme trop appuyé qu'il faut regarder si on veut apprécier à sa juste valeur la trajectoire de Bouchareb. Avec Mahamat Salah Harun , l'Afrique a accouché d'un de ses cinéastes majeurs de la dernière décennie. Il incarne avec Abderrahmane Cissako, la meilleure relève pour un cinéma africain qui n'a pas su tuer ses pères, les Sembène, Cissé, Mambetty. « Darat » (Saison sèche) l'avant dernier film de Harun est une réflexion majeure sur le pardon, traitée avec une justesse et un dépouillement qui ont propulsé son réalisateur sur les devants de la scène internationale. La présence de Harun en compétition officielle cette année est un signe d'espoir pour un cinéma africain qui se meurt. La section « Un certain regard » : Au confluent des extrêmes Les films de la section « Un certain regard » constituent un volet indispensable de la sélection officielle. Cette section parallèle a depuis toujours accueilli des films moins consensuels que ceux de la compétition officielle, plus radicaux dans leur démarche ou pas encore suffisamment mûrs pour la compétition officielle. On y trouve cette année, le mythe vivant du septième art, Godard qui nous revient avec « Film Socialisme », mais aussi un nouvel arrivé dans le monde du cinéma, la canadien « Xavier Dolan » à peine sorti de l'adolescence, qui du haut de ses vingt ans avait crée l'événement à la quinzaine l'année dernière avec « J'ai tué ma mère ». Dolan côtoiera dans cette compétition, le cinéaste portugais Manoel de Oliveira qui carbure à un ou deux films par an à cent ans dépassés. Il y a lieu de noter par ailleurs la présence dans la section « Un certain regard » du grand réalisateur coréen Hong-Sang Soo, habitué de Cannes, dont les univers déprimés et la densité de ses plans fixes ont fait de lui un des cinéastes les plus en vue du cinéma coréen ces dernières années. Enfin on attendra avec impatience le film du roumain Cristi Puiu dont le premier long-métrage « La mort de Monsieur Lazarescu » incarne la résurgence du cinéma roumain. Une sélection qui promet expurgée des tics de Tarantino, des gros sabots idéologiques de Loach et du « Vérisme » de Mendoza.