L'effet dévastateur pour l'image d'Israël de l'abordage sanglant de la flottille d'aide à Gaza a peu de chance de conduire l'Etat juif à lever le blocus du territoire aux mains du Hamas, mais il le force à faire des gestes. Les dirigeants israéliens se montrent impénitents après cette opération de la marine israélienne contre le convoi, qui a fait neuf morts, tous turcs, lundi dans les eaux internationales. Mais ils n'ont pas manqué de noter que les Etats-Unis, leur principal allié, ont saisi l'occasion pour dénoncer les conséquences humaines du blocus pour le million et demi de Palestiniens entassés dans l'étroite bande côtière. Même s'il a fait en sorte que le Conseil de sécurité s'abstienne de stigmatiser Israël dans sa déclaration condamnant les pertes en vies humaines occasionnées par cette opération commando, le président Barack Obama a évoqué une "tragédie". Sans céder sur le principe du blocus, censé éviter que Gaza devienne une "rampe de lancement de missiles iraniens", Benjamin Netanyahu s'efforce d'identifier les domaines où il pourrait faire des concessions pour soulager la pression internationale qui s'exerce sur lui. Le Premier ministre israélien pourrait ainsi accepter une aide internationale pour contrôler l'embargo sur les armes et autres cargaisons sensibles à destination de la bande de Gaza, a-t-on appris jeudi de source politique israélienne. Mercredi le vice-président Joe Biden a souligné que le sort des Gazaouis préoccupait les Etats-Unis et, le lendemain, George Mitchell, émissaire d'Obama au Proche-Orient, a assuré que son pays continuerait à "oeuvrer énergiquement" à la satisfaction des besoins des Gazaouis. Si les alliés d'Israël ne contestent pas que le Hamas constitue une menace pour la sécurité de l'Etat juif, la plupart estiment désormais que le blocus de Gaza cause un préjudice injustifié à la population du territoire et aurait in fine plus bénéficié que nui au mouvement islamiste. "Une forme d'assouplissement est une possibilité. Mais, pour des raisons politiques, cela ne se fera pas tout de suite. Le gouvernement israélien ne tient pas à être considéré comme ayant cédé immédiatement à la pression", estime un diplomate. Autre domaine où le gouvernement israélien pourrait faire des concessions, l'enquête "impartiale et crédible" réclamée par le Conseil de sécurité de l'Onu. Les Etats-Unis ont évité à Israël une enquête "indépendante", mais une contribution internationale n'est pas à exclure. Des ministres israéliens ont d'ores et déjà envisagé un rôle pour des observateurs étrangers dans l'enquête à mener sur les circonstances de l'abordage de lundi, dont la tournure sanglante a été imputée par Israël à la résistance inattendue des militants qui se trouvaient à bord de la flottille. Israël tient à ce que toute enquête portant une estampille internationale prenne en considération son droit autoproclamé à soumettre Gaza à un blocus et l'état de "légitime défense" dans lequel se seraient trouvés ses commandos de marine lors de l'abordage. L'Etat juif veut éviter d'être stigmatisé comme dans le rapport remis l'an dernier aux Nations unies par le juge sud-africain indépendant Richard Goldstone concernant les possibles crimes de guerre israéliens lors de l'agression dévastatrice contre Gaza, en décembre 2008 et janvier 2009. En échange de telles concessions, Israël voudra toutefois être conforté par la communauté internationale dans sa politique de neutralisation du Hamas et sa défiance vis-à-vis du programme nucléaire iranien, et ne pas être non plus poussé à céder du terrain dans ses négociations avec l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas.