Le public a assurément raté un beau spectacle, mercredi soir. Le concert de la chanteuse algérienne Nassima Chaabane était très réussi et la centaine d'amateurs qui l'a suivi avait toutes les raisons de réserver une belle ovation à cette authentique musicienne ainsi qu'à sa troupe composée d'excellents instrumentistes tunisiens et algériens dont la talentueuse Khadija Afrit, sur « qanoun » (harpe orientale en quelque sorte). En interprétant les airs de ses maîtres ou bien ses propres compositions, ou encore des chansons classiques tunisiennes, Nassima Chaabène ressuscita par sa voix si pure et si féminine toute une tradition ancrée dans la culture musicale maghrébine et méditerranéenne. Elle tenait par son concert à mettre en lumière la beauté et la richesse de ce répertoire bien conservé en Algérie et qui l'est un peu moins chez nous. Nassima a chanté des airs très poétiques dus pour une bonne partie d'entre eux à de grands noms algériens tels l'Emir Abdelkader, Cheikh Hasnaoui, Cheikh Alaoui et Cheikh Azem. Complaintes d'amoureux, lamentations d'exilé, refrains nostalgiques, hommage tendre aux mamans du monde, rêves brisés, illusions perdues, espérances contrariées : les thèmes de ces chansons étaient en majorité romantiques et traduisaient presque tous des émotions tristes. Mais pas au point d'ôter à la soirée son ambiance festive. Pour prouver le contraire, Nassima Chaabène exécuta sur scène quelques pas de danse très élégants en accompagnant ses quatre dernières chansons, dont la célèbre « Ya Khalila » de notre chère Saliha. Le public (rare) jubila ! Badreddine BEN HENDA ---------------------- Nassima Chaâbane : « Honorer le riche répertoire» A la fin du spectacle, nous avons rejoint Nassima Chaabène dans les coulisses du Théâtre municipal pour la féliciter et lui poser quelques questions. Le Temps : Le Malouf algérien connaît-il encore son succès de naguère, notamment parmi les jeunes? Nassima Chaabène : Ah oui ! L'engouement est le même et la musique traditionnelle, qui se conserve très bien chez nous, séduit toujours le public, tous âges confondus. Je contribue moi-même depuis 30 ans à la conservation et à la transmission de cet authentique art andalou et maghrébin. Certes, je vis à Paris, mais je perpétue la musique des grands maîtres algériens dont je reste la disciple et, en tant qu'enseignante de musique, que chanteuse et qu'auteur compositeur, je tiens toujours à honorer le riche répertoire que ces musiciens glorieux nous ont légué. Le Temps : La thématique des airs que vous avez interprétés ce soir est résolument mélancolique et même triste, est-ce délibéré de votre part ? Nassima Chaabène : En fait, les chansons de mon concert de ce soir figurent pour la plupart dans mon dernier album intitulé «Racines et Chants». Je les ai reprises parce qu'où que je me sois produite, elles ont été très bien reçues. C'est certes une sélection de chansons, mais ce qui me guidait personnellement dans mes choix, c'est le désir de donner la meilleure image du malouf algérien et maghrébin. Je vous dirai aussi que ce qui compte pour moi ce soir, c'est d'avoir contribué à la consolidation des rapports fraternels et séculaires entre l'Algérie et la Tunisie. C'est pour cela que, comme vous l'avez constaté, ma troupe est composée de talents originaires de nos deux pays. Aujourd'hui, on est seulement 5 musiciens ; mais notre orchestre compte habituellement 7 artistes. Le Temps : Avez-vous entendu parler de la jeune Syrine Ben Moussa qui tente elle aussi de réussir le mélange musical arabo-andalou et qui enrichit le malouf des apports du flamenco ? Nassima Chaabène : Oui, c'est une jeune chanteuse qui commence à faire son chemin. Son expérience est à encourager puisqu'elle contribue à perpétuer une tradition commune à nos deux pays.