Les campagnes de sensibilisation à l'économie d'énergie se multiplient. La dernière porte sur les économies à réaliser si nous devions repenser notre manière de nous chauffer en tenant compte de l'apport inépuisable du solaire. La campagne s'appuie sur une projection vers l'avenir qui prévoit d'économiser jusqu'à 22% de la consommation à l'horizon 2016. La même prospective laisse entendre que nous devrions bientôt devenir exportateurs d'énergie, soit 5 gigas Watts sur les 20 devant être produits par un judicieux système de captage photovoltaïque. Cette vision des choses renvoie à un plan solaire établi et convenu pour porter sur la même période, une filiale de la STEG devant en assurer la réalisation sur la base d'une dizaine de projets. Tout se passe donc comme si le transfert de technologie devait s'appuyer sur les structures de production et de distribution actuels de l'énergie. La STEG a un savoir faire lui permettant de concrétiser sur le terrain les acquis en moyens de chauffage, d'électricité et, dans ce cas, de la prise en compte de l'environnement moyennant une transformation des techniques. Vous avez compris quelque chose ? Sur le papier, tout ce dispositif est parfait. On devrait donc remarquer concrètement l'amorce d'une transformation qualitative des constructions. La logique voudrait que la marche forcée de la construction des bâtiments soit accompagnée de la mise à contribution de matériaux et de structures de captation du solaire devant être transformé en énergie domestique et en moteur aidant à faire fonctionner des machines jusque là dévoreuses d'énergie. Tout le monde sait que nous sommes passés de l'habitat traditionnel, passablement adapté aux rigueurs de notre climat, à un habitat qui sacrifie à une esthétique occidentale certainement faite pour d'autres conditions saisonnières. Sans excès de langage, on peut affirmer que les bâtiments les plus massifs des grandes cités deviennent surtout de grandes serres où les climatiseurs en été et les radiateurs en hiver doivent être poussés à fond pour rendre les activités humaines supportables, sinon agréables. Comme par ailleurs, et à vue d'œil, rien n'a été prévu pour mettre à contribution notre soleil « inépuisable », on se dit que le coup est raté, cette fois-ci encore une fois. On se dit aussi qu'il ne doit pas y avoir de contraintes légales suffisantes pour repenser les autorisations de bâtir quand il est clair que l'économie d'énergie n'est pas considérée comme une obligation par les promoteurs habitués à couler du béton et non à fixer des panneaux solaires utiles à la gestion « économe »de l'énergie. Mais la question la plus simple est : sait-on vraiment faire ce genre de travail, et à grande échelle ? Pour n'importe quel citoyen ordinaire, comment procéder pour concrétiser ces idées généreuses et prometteuses sur le long terme ? Le citoyen en question paye de plus en plus cher toutes les formes d'énergie devenues nécessaires au confort quotidien. Les factures de la STEG sont en effet de plus en plus salées, en dehors des différentes taxes qui s'y ajoutent. Il est même prévu d'alourdir la note pour tous les dépassements de consommation, lors même que ces dépassements relèvent des consommations courantes d'un foyer tout à fait normal. L'énergie, gaz et électricité, coûterait aux alentours de 1500 dinars pour le foyer du tunisien ordinaire, soit un budget moyen de plus de 100 dinars par mois. Ce qui n'est pas rien. La facture du laisser-aller Tout le monde s'accorde à dire que ça ne peut pas durer. Sur le plan national, cela fait un bout de temps que la sonnette d'alarme a été tirée. Des campagnes d'affichage et d'annonces télévisuelles ont même insisté sur la participation de chacun à l'effort d'économie. Partout, on trouve maintenant des lampes à basse consommation à des prix abordables. L'éclairage public a généralement baissé d'un cran pour ne s'en tenir qu'au nécessaire. Mais c'est, à proprement parler, des économies de bout de chandelle. Les véritables enjeux sont par exemple ceux de la climatisation pour les longues journées accablantes d'un été parfois torride. Le commerce des climatiseurs marche bien, merci, mais on ne voit presque nulle part comment nous transformerions le solaire en énergie pour faire tourner les ventilateurs. Il n'est pas entré dans nos pratiques de proposer les systèmes qu'il faut pour mettre à profit l'énergie dont nous disposons. D'ailleurs, en termes simples, sait-on vraiment le faire à grande échelle ? Il ne s'agit pas simplement de noter que la technologie existe et que des spécialistes parmi nous sont en mesure d'en faire bénéficier le plus grand nombre, mais de légiférer et de former en nombre suffisant des techniciens pour faire le travail. Pour le moment, ceux qui construisent, et ils sont manifestement très nombreux, ne savent pas à qui s'adresser, quand ils le veulent déjà, pour bâtir et intégrer ces technologies dans les logements en cours. Il faut dire que l'idée la plus courante est que ça coûterait trop cher, argument qui restera valable tant que ces techniques resteront marginales. Comme pour beaucoup d'autres secteurs, tant que le citoyen payeur peut différer la douloureuse, on paie moins aujourd'hui, et le déluge, c'est pour après. Après, tout le monde doit maintenant savoir que la facture dite »STEG » restera constamment à la hausse pour des raisons évidentes de coût mondial de l'énergie. C'est peu dire que, à côté des ressources en eau, l'enjeu énergétique est capital, pour nous comme partout dans le monde. Et il est toujours utile de jouer sur tous les leviers pour en freiner la consommation. La sensibilisation aux questions environnementales, quand ça marche, peut aussi contribuer à prendre conscience. Mais il manque les solutions les plus conséquentes pour inverser les tendances et donner des chances à l'avenir. Pour le moment nous avons le solaire, mais il nous faut des idées pour le mettre vraiment à profit.