* A Sfax dans une entreprise manufacturière on a relevé que 16 % de travailleurs se plaignent de stress Le stress au travail se pose de plus en plus dans les sociétés développées ainsi que celles qui sont en voie de développement. L'émergence de nouvelles méthodes de travail et le changement du fonctionnement du système de production économique, qui se basait sur l'effort physique, ont eu un impact sur la psychologie des travailleurs. Résultats, stress, anxiété, dépression, absentéisme, congés de longues durées, etc. Cette question est préoccupante car, d'après une étude « réalisée dans un centre hospitalier tunisien en 1994, 75 % des agents présentent une souffrance psychique et 61 % une angoisse durant le travail ». Ces chiffres ont été communiqués lors des VIIIèmes assises internationales de l'ISST qui se penchent sur la question et ce en présence des représentants des institutions internationales dont, l'Organisation Mondiale de la Santé, du Bureau International de Travail et de l'Institut National de Recherche et de Sécurité INRS.
Les centres d'appel téléphonique, lieu de risque Dominique Chouanière, représentante de l'INRS nous a déclaré qu'il existe plusieurs façons de présenter les risques de la santé mentale. « Certaines situations de travail représentent en fait un vrai risque pour la santé », selon la spécialiste. En témoignent, les centres d'appel téléphonique. Les professionnels du domaine sont demandés à être concentrés totalement sur leur travail tout en étant contrôlés. « Ils souffrent d'une pression très forte, car on leur demande de s'investir dans un travail contrôlé. Ils ne disposent d'aucune marge de liberté », explique la spécialiste. Et d'ajouter ; « Ce prototype de travail est celui de ce qu'il ne faut pas le faire, car il est responsable de l'altération de la santé physique et mentale ». Mme Chouanière parle ainsi de pathologies, notamment cardiovasculaires. Evoquant les remèdes de cette maladie, la spécialiste considère que les chefs d'entreprises doivent être conscients de l'ampleur de la question. « Il faut vraiment que le chef d'entreprise manifeste une volonté pour résoudre cette question, une fois qu'il l'a compris, le problème sera réglé », toujours d'après la même source. « Il faut en fait le mobiliser car on ne peut pas « manager » avec le stress à long terme », appelle-t-elle.
La négligence de l'impact du stress sur les employés a certes des répercussions négatives sur la rentabilité économique de l'entreprise. L'absentéisme et les congés de longue durée en sont des causes. A cet égard, M. Mohamed Ben Laiba, Directeur Général de l'ISST a précisé que l'institut est largement sollicité par les professionnels afin de leur fournir une assistance dans la résolution du problème de congé de longue durée. « Nous avons remarqué une augmentation de demandes d'assistance de la part des entreprises qui se plaignent des congés de longue durée », précise-t-il. Il a rappelé dans ce cadre que la Tunisie dispose d'outils de prévention de ce problème à travers la législation, les services de prévention médicale dans les locaux ainsi que le potentiel humain. « Nous assurons une formation accrue pour les médecins de travail, afin de mieux écouter les sujets stressés. C'est un encadrement dans le diagnostic du problème, l'assistance, la prise en charge, la sensibilisation », d'après le DG de l'ISST.
M. Ali Chaouech, ministre des Affaires Sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l'Etranger a signalé que ce nouveau phénomène qui s'amplifie coûte cher aux collectivités. Les pays européens dépensent 3 à 4 % de leur PIB sur ce problème. Il a lancé à cette occasion un appel aux différents intervenants afin de multiplier les efforts fournis dans le domaine et protéger ainsi cette frange de la société. Sana FARHAT
**** DR Karim Tabbane, professeur de psychiatrie « Nous ne pouvons pas parler du stress au niveau théorique. Il faut passer à la pratique pour parvenir à diminuer la source de ce problème et le mieux gérer » Le Temps Quel est l'état des lieux du stress au travail en Tunisie ? DR, Karim Tabbane Le stress au travail n'est pas étudié depuis longtemps. C'est en fait un sujet récent. Les enquêtes menées en Europe toutes les cinq ans ont démontré que le un tiers des employés se plaignent de troubles psychiques liés au stress. En Tunisie, nous ne disposons pas de chiffres, car les enquêtes à large échelle n'existent pas. Elles nécessitent la mise en œuvre des moyens. Il n'y a pas des enquêtes ponctuelles qui nécessitent d'être actualisées.
Est-il suffisant d'évoquer le problème du stress théoriquement pour le résoudre ? Nous ne pouvons pas parler du stress au niveau théorique seulement. Il faut passer à la pratique pour parvenir à diminuer la source de ce problème et le mieux gérer. Remettre en cause les logiques de gestion, d'organisation des modalités de communication qui peuvent provoquer des réactions de résistance est important. Passer d'une théorie de gestion de stress à une pratique nécessite une prise de conscience de l'ensemble des acteurs de l'entreprise à tous les niveaux hiérarchiques.
Quels sont les secteurs de travail qui représentent plus de risques de stress en Tunisie ? Aucun milieu n'est épargné par le stress. Il y a des métiers à risque notamment ceux qui sont en contact direct avec le public. Les conditions de travail définissent ce problème. Les facteurs, les sources sont universels ; la charge du travail, le contenu, le milieu physique (bruit, qualité de l'air...). Elles peuvent être en rapport avec le rôle de l'employé dans l'entreprise, l'ambiguïté au niveau des responsabilités confiées ou des attentes demandées, l'insécurité de l'emploi ou les difficultés d'obtenir une promotion. Les relations au travail entre les collègues, les superviseurs sont elles aussi responsables du stress.
Le stress a certainement un impact sur les travailleurs. Les conséquences du stress sont multiples au niveau individuel. Il engendre une réticence de l'état de santé, psychique même physique. Le stress peut favoriser le développement des maladies psychosomatiques. Les résultats au niveau de l'entreprise se manifestent par l'absentéisme, le désintéressement professionnel. Le coût du stress sur l'économie est également lourd.