Il nous sera toujours difficile de comprendre pourquoi, dans les expressions françaises consacrées, la brebis est galeuse tandis que le bouc est émissaire ; mais il paraît que lors des JCC de 2010, l'actrice égyptienne Ilham Chahine fut brebis et bouc en même temps aux yeux de certains journalistes et artistes tunisiens. Ces derniers continuent de la lapider près de 20 jours après la clôture du Festival. Elle aurait, selon eux, pesé de tout son poids pour influencer le jury de la manifestation (dont elle était membre) afin que « Microphone », le film de son compatriote Ahmad Abdalla, obtienne le Tanit d'or. Calomnie ! Une émission culturelle dans une chaîne privée s'appuya, pour dénoncer la comédienne « manœuvrière », sur des propos que celle-ci aurait déclarés à un illustre journal de son pays. Ilham Chahine a beau se disculper en direct dans cette émission, les animateurs dudit programme ne cessèrent point, après la communication venant du Caire, leurs accusations violentes et leurs commentaires dénigrants. Une consœur de la presse écrite relaya quelques cinéastes tunisiens en mal de réussite pour nier à Ilham Chahine son statut de grande actrice et se demanda si celle-ci valait Nadia Lotfi. A en croire que, sur la longue, très longue, liste des « sommités » égyptiennes, notre éminente journaliste et critique cinématographique en soit restée aux vedettes des années 60 et 70. Non, messieurs et mesdames ! Ilham Chahine boîte peut-être en matière de critique cinématographique, et cela il faut le prouver en se mesurant à elle dans le domaine ; mais de là à mettre en doute ses talents d'actrice ; c'est vraiment calomnieux ! On lui préfère Yousra parmi les comédiennes de sa génération ; mais c'est commettre là aussi une injustice criarde. Ilhame Chahine a prouvé dans plusieurs rôles admirablement campés par elle, qu'elle vaut parfois l'immense Faten Hamama et l'inoubliable Majda. Au cinéma comme à la télé, elle s'est maintes fois illustrée en jouant des personnages complexes qu'elle a incarnés avec beaucoup de vérité et de professionnalisme. C'est, sur ce plan du moins, une grande dame du cinéma et de la télévision arabes et égyptiens. Film honteux Pour en revenir à sa participation au jury des JCC de 2010, nous n'en retenons quant à nous que les images projetées sur l'écran du Théâtre municipal de Tunis pendant la soirée de clôture. C'était dans un court-métrage de quelques brèves minutes qui revenait sur les moments mémorables de la 23ème édition du Festival. Qu'y montrait-on au juste ? Essentiellement une soirée dansante pendant laquelle les invités faisaient la bringue autour d'une seule et unique vedette : Ilham Chahine ! Le caméraman ne la lâchait pas de son appareil et zoomait souvent sur son corps généreux pendant qu'il se déhanchait aux sons de toutes les musiques locales et étrangères. Pour nous autres spectateurs médusés, c'était à se demander « naïvement » s'il s'agissait en définitive d'une rétrospective des JCC ou d'un film sur Ilham ? Là, il y avait sérieusement matière à suspicion ! Dorra Bouchoucha peut crier sur les toits du monde que le jury de « son » Festival était impartial ; mais osera-t-elle en dire autant du court-métrage destiné à immortaliser l'édition qu'elle présidait ? Il vaut mieux pour elle et pour tous les cinéphiles que, très vite, ce film disparaisse parmi les archives du Ministère de la culture et de la sauvegarde du patrimoine. Parce que s'il en ressortait, il porterait peut-être le titre de « Caméra » et raflerait le Tanit d'or à « Microphone » !