Mardi 23 novembre, la quatrième soirée des Journées du one man show, a été marquée par la représentation de la pièce de « Mister Mim » réalisée par Ghazi Zaghbani et interprétée par Taoufik El Ayeb. En peu de mots, c'est l'histoire d'un jeune homme qui, faute de moyen de transport, rate sa chance en manquant à un concours qu'il doit passer pour obtenir sa carte professionnelle d'illusionniste. Ce n'est pas drôle comme idée ! Cela relève du vraisemblable, du vécu même : ce n'est pas étonnant chez nous qu'un bus fasse du retard, passe sans s'arrêter ou encore ne vienne jamais ! Imaginez donc les conséquences subies par les usagers du transport public qui n'ont pas pu arriver à l'heure à un rendez-vous important ou atteindre leur poste de travail à temps ! Ce one man show illustre magnifiquement cette idée : le personnage est victime du transport public, puisqu'il n'arrivera jamais à passer son concours ni n'obtiendra son certificat ! Mais l'histoire ne s'arrête pas là ; au contraire, c'est là qu'elle commence ! C'est en attendant dans l'arrêt du bus que le comédien, vexé pour avoir raté son rendez-vous et révolté contre sa malchance, nous entraîne dans des scènes qui ont marqué sa propre vie, racontées à la première personne d'un ton aussi bien humoristique que pathétique qui ne laisse pas le public indifférent ! Ainsi, les souvenirs d'événements et d'expériences vécues par le personnage se succèdent, sous forme d'anecdotes ou d'historiettes en mêlant le comique de parole à celui des gestes avec, au passage, quelques allusions au vécu quotidien des Tunisiens ! Et pour agrémenter ses différentes séquences narratives, le comédien a réussi de temps en temps quelques tours magiques non moins surprenants grâce à une habileté manuelle étonnante suscitant à chaque fois l'ovation du public qui a même eu droit à quelques numéros de claquettes exécutés par le comédien ! L'on se rend compte alors des raisons pour lesquelles le personnage s'est affublé du sobriquet « Mister Mim », cette lettre arabe qui équivaut à la lettre « M » en français et par laquelle débutent pas mal de mots ayant une connotation péjorative et un sens négatif, comme « Malheur », « Mépris », « Mésaventure », « Malchance », « Malédiction » et j'en passe…D'ailleurs, comme par hasard, le dialecte tunisien comporte une bonne gamme de mots de sens dévalorisant commençant par la même lettre « M », comme « Moussiba », « Miskin », « Mzammer », « Mahroum », « Madhloum » et la liste est encore longue. D'ailleurs, la pièce se termine par la citation d'une myriade de mots commençant par « M » annoncés à tue-tête par une voix qui provient du fond de la scène. « Mister Mim » sera-t-il contraint à vivre longtemps avec ce nom fatidique qui l'a accablé de Malheur ? Ou bien servira-t-il d'incarnation de toute personne qui souffre dans la société pour avoir porté un nom commençant par la lettre « M » ? Encore un mot sur les performances du comédien : avec son aisance oratoire et sa maîtrise gestuelle, Taoufik El Ayeb parvint d'accrocher pendant une heure et demie son public ; pas de fausse note dans ce seul-en-scène plein d'humour. Cependant le texte aurait pu être mieux approfondi pour s'éloigner un tant soit peu de la même chanson rabâchée dans presque tous les one man shows jusque-là joués par d'autres acteurs tunisiens, à savoir la narration biographique utilisée comme un tremplin pour faire la satire de la société.