Le mot « genre » est plus que d'actualité et suscite bien des interrogations. L'amalgame le plus déplorable est de croire qu'il s'agit d'une question qui ne concerne et ne touche que la femme. Il convient de considérer les concepts opératoires qui lui sont liés et l'approche qui le sous-tend comme des outils méthodologiques qui doivent être pris en considération dans l'élaboration des programmes et planifications qui ciblent la femme à travers une évaluation et une reconsidération de son rôle sociale et de son statut en corrélation avec celui de l'homme dans toute société. Par son intermédiaire et par sa prise en compte, l'approche genre permet une démarche plus qualitative et plus pointue dans la réduction des écarts qui persistent dans la promotion de la condition des femmes. A la suite du séminaire organisé par le Système des Nations Unies (SNU) et le ministère des Affaires de la Femme, de la Famille de l'Enfance et des Personnes Agées un recadrage et une explicitation de ce concept ont été faits. Concrètement, c'est un engagement conjoint entre le SNU et le ministère qui a été mis en évidence à travers des interventions d'experts de haut niveau. L'adoption de ce concept et de ses outils fait aujourd'hui l'objet d'une stratégie cadre à l'échelle nationale, matérialisée par un plan d'action national d'intégration du genre (PANIG) et un plan d'action qui concerne le ministère et qui se décline en trois plans sectoriels : femme, famille et enfance. Investissements colossaux Le Dr Mohamed Belhocine, Coordonnateur Résident du Système des Nations Unies en Tunisie et Représentant du PNUD a bien souligné l'intérêt et la nécessité d'adopter aujourd'hui en Tunisie cette approche transversale, compte tenu des investissements colossaux qui ont été consentis pour promouvoir les ressources humaines. Il affirme que « partout dans le monde, les sociétés doivent placer les intérêts pratiques et stratégiques des hommes et des femmes en amont du processus de planification pour inventer des formes de développement plus durables, plus efficaces, démocratiques, transparentes, justes et équitables pour les femmes et les hommes, y compris les plus vulnérables. » De son côté, Mme Bebia Bouhnek Chihi explique que l'approche genre est un moyen idoine de changement social, politique et économique. Elle a fait entendre que l'intégration de l'approche genre en Tunisie se doit de répondre à une stratégie d'institutionnalisation, dans le sens d'une démarche globale et d'une méthodologie appropriée mise en place de manière transversale au niveau des différents intervenants, départements ministériels, structures de l'Etat, associations…et c'est au MAFFEPA et au Ministère du Développement et de la Coopération Internationale (MDCI) qu'incombe le rôle d'introduire cette approche au niveau des différents secteurs et donner corps à la politique tunisienne en matière de promotion de la femme. Le processus a déjà été entamé suite à un travail colossal de diagnostic du degré d'implication et d'adoption de cette approche au niveau du MAFFEPA. Mme Dorra Mahfoudh, sociologue a exposé les objectifs, la méthodologie et les résultats d'un audit genre effectué auprès du MAFFEPA sur la base duquel les experts ont pu mesurer et élaborer les stratégies et programmes prenant de manière efficiente les outils et la méthodologie d'une approche genre. Mr Jemaïl Hassainya expert en études stratégique a précisé l'impact direct escompté du cadre stratégique du PANIG à savoir agir pour la promotion de l'égalité, l'équité, et l'habilitation pour que la réalité reflète mieux la volonté et les engagements politiques. Pour ce faire, il convient d'atteindre trois effets indirects : le renforcement de la capacité et la participation des femmes dans la vie publique et associative ; l'intégration de l'approche genre dans les plans et budgets des secteurs cible en retenant les médias ; la formulation, la mise en œuvre et la coordination d'une stratégie et d'un plan d'action national pour la lutte contre la violence fondée sur le genre. Plan d'action Mr Abderrahmen Jmour, expert en genre a de son côté présenté dans sa globalité le plan d'action du MAFFEPA pour l'intégration du Genre. La démarche sera participative. Plusieurs autres structures institutionnelles seront mises à contribution. La phase étant embryonnaire en Tunisie, un énorme travail de sensibilisation est décliné en des rencontres nationales, des formations, des études sont à l'ordre du jour. Par ailleurs, un intérêt particulier sera porté à la collecte et à la production des données statistiques. Les observatoires et les sources de production de données statistiques sont nombreux en Tunisie, il convient juste aujourd'hui de veiller à leur large diffusion et à leur transparence. Mieux encore, leur disponibilité en circuit fermé les rend inefficaces, il est nécessaire d'avoir les compétences requises pour les analyser et œuvrer pour la création d'un système national pour les désagréger par sexe. Le CREDIF a déjà entrepris le travail, une consolidation de son travail l'inscrirait dans une continuité porteuse.