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Le "mayou" : de Cirta A El Kef
Redécouvertes
Publié dans Le Temps le 27 - 05 - 2007

« En Mai, fais ce qu'il te plait ! ». Ce dicton se vérifie au Kef où la fête du « Mayou » pourrait s'appeler aussi la « fête du soleil » parce qu'elle bat son plein, traditionnellement à la mi-mai.
Ces festivités, qui ont traversé les millénaires, seraient des réminiscences de cérémonies dédiées à la déesse « Terre - Mère - Féconde ». Elle assurait, dans la plus lointaine préhistoire, la survie des populations de cette région, - le Haut Tell : la terre du blé ! - qui a toujours été essentiellement agricole. Le premier noyau urbain d'El Kef qui date des IVème - IIIème siècles avant J.C. a été fondé par les numides : les dolmens des alentours le prouvent.
Il y a de très grandes probabilités pour que Cirta / El Kef ait vénéré ensuite une autre déesse féconde Ashtart phénicienne peut-être, ou les déesses orientales : les Cérères, « importées » par les Carthaginois puisque le moraliste romain Maxime Valère fustige au début de notre ère « les matrones puniques de Cirta » qui se livraient, paraît-il, à la prostitution sacrée, symbole de la fécondation. Peut-être, le culte féminin, rendu traditionnellement, à l'emplacement d'Aïn El Kef - « La source de vie » ! - au génie de la source : « Lalla M'na » : la « Dame qui donne », en est-il une survivance. Nous pensons que les Romains ont créé ensuite une Cirta nova, placée sous le patronage de Jules César, dont le nom officiel le plus anciennement connu de l'histoire est : Colonia Julia Cirta nova Sicca veneria. Quelles raisons majeures, politiques et religieuses - à une époque où tout dépend des dieux - justifient la création d'une Cirta nouvelle, du même nom que la capitale de la Numidie de Jugurtha, leur pire ennemi en Afrique, difficilement vaincu quelques années auparavant ?
Pourquoi, comme l'affirme l'Histoire Officielle, la Cirta Nouvelle, qui s'appelait antérieurement Sicca, reviendra plus tard Sicca, numide donc ?
Nous pensons que Cirta est nouvelle - pour l'administration romaine - non seulement parce qu'elle change de statut et devient « colonie » mais surtout parce qu'elle change de culte officiel et qu'elle est consacrée désormais à Venus dont Jules César prétendait descendre. Elle s'appelle « Sicca veneria » durant toute la période romaine et devient « Sicca beneria » : « Sicca benie », en bas latin, que les Arabes transforment en « Chaqbanaria ».
D'ailleurs l'Histoire officielle affirme que le nom numide d'El Kef était Sicca uniquement parce que l'historien grec Polybe a écrit que les mercenaires à qui Carthage marchandait leur solde, à la fin de la première guerre punique, vers 239 avant J.C., avaient été envoyés dans une ville appelée Sicca. Pourquoi affirmer qu'il s'agit de Sicca / El Kef - qui ne deviendra « veneria » que beaucoup plus tard ! - sans prendre la peine de vérifier s'il en existait une autre ? Or, les « doublets » étaient fréquents en Afrique du Nord antique où il existait des Leptis, des Thala, des Thuburbo, etc ...
Les tenants de cette thèse n'expliquent pas non plus pourquoi les Carthaginois ont « offert » aux Berbères hostiles, une armée professionnelle factieuse dans laquelle ils s'enrôlent et à laquelle leurs femmes offrent leurs bijoux pour acheter des armes. Nous ne comprenons pas, pas davantage, pourquoi les Mercenaires acceptent d'aller s'installer à plus de 150 kilomètres de la métropole punique et en dehors du territoire carthaginois. Quels moyens de pressions, sur les gens avec lesquels ils sont en train de négocier, leur restent-ils ?
D'ailleurs l'Histoire officielle suscite plus d'interrogations qu'elle n'apporte de réponses.
A l'aube de l'Histoire, Cirta apparaît pour la première fois en 205 avant J.C. quand Syphax, roi des Numides massaeyles attaque le royaume de Massinissa, prince des Numides Massyles. « Officiellement », les Massaeyles sont installés en Algérie centrale et occidentale tandis que le pays des Massyles s'étend de part et d'autre de la frontière algéro-tunisienne.
Massinissa vaincu, s'enfuit et se réfugie dans des montagnes situées, d'après l'historien romain Tite Live « entre Cirta et Hyppo » qui ne peut être que Hyppo Diarrythus / Bizerte puisque des études récentes tendent à établir qu'Annaba ne s'appelait pas encore Hyppo regius à cette époque.
A partir de son refuge montagnard, Massinissa organise des raids contre le territoire de Carthage. « Les Carthaginois perdirent plus de morts et de prisonniers que souvent dans une guerre ... » raconte encore Tite Live.
Si Cirta était Constantine / Qsentina et que le refuge de Massinissa soit à mi-chemin entre Qsentina et Bizerte, il serait situé dans les Monts de la Medjerda ou Kroumirie, très loin du territoire de Carthage.
Comment, à partir de là, Massinissa peut-il organiser des expéditions militaires contre Carthage et revenir avec du butin et des prisonniers « qu'il vend dans les ports du littoral », ajoute Tite Live, sans que les Carthaginois et les Massaesyles, leurs alliés, ne le poursuivent et ne l'attaquent à son retour ?
Mais si Cirta est El Kef, le refuge de Massinissa est situé vers Sedjenane, à proximité du territoire de Carthage et, sans doute, en pays Massyle nouvellement conquis par Syphax.
Le récit de Tite Live est alors parfaitement compréhensible : Massinissa n'a que très peu de chemin à faire pour attaquer ses ennemis et se replier vers la mer !
Pourquoi en 202 avant J.C., vers la fin de la deuxième guerre punique, Hannibal, qui a reconstitué son armée à Hadrumète / Sousse, s'en va-t-il vers Zama, dans le Nord-Ouest tunisien au lieu d'aller secourir Carthage assiégée par les Romains ?
Pourquoi Scipion, abandonnant la métropole punique, vient-il barrer la route à Hannibal ? Serait-ce parce que Cirta / El Kef, capitale de la Numidie de Massinissa, allié de Scipion n'est plus qu'à deux ou trois jours de marche d'Hannibal ?
« La guerre de Jugurtha » de l'écrivain romain Salluste est pleine d'enseignements pour qui l'étudie, sans préjugés. Salluste est un témoin privilégié et parfaitement informé puisqu'il est, en 46 avant J.C., le premier proconsul de la nouvelle province romaine : l'Africa nova qui recouvre presque complètement le royaume de Jugurtha avec Cirta comme capitale.
Or, il écrit, en racontant le siège de Cirta où s'est réfugié le cousin de Jugurtha : Adherbal, trois phrases totalement incompréhensibles pour tous ceux qui connaissent le site de Constantine, la Cirta officielle. Le site antique de Qsentina, en grande partie bordé par la gorge profonde de l'Oued Rhumel, ne peut ni être « investi », ni « être entouré d'un fossé et d'une palissade », ni « être attaqué de tous côtés » comme l'écrit Salluste.
Certains historiens ont affirmé, avec désinvolture, que Salluste ne connaissait pas le site de la Cirta dont il parlait ! Cela paraît curieux de la part d'un auteur qui écrit pour l'élite romaine « mêlée » aux « affaires africaines » depuis, au moins, la destruction de Carthage en 146 avant J.C. et qui sait que de nombreux romains résident à Cirta depuis longtemps.
Comment expliquer que Jugurtha qui, selon l'Histoire officielle, règne de Béja à la frontière marocaine, aille se réfugier chez les Gétules en bordure du Sahara après la prise de sa capitale en 108 avant J.C. Pourquoi va-t-il leur enseigner « l'art de la guerre » alors que les Numides sont connus pour être de valeureux guerriers » ? Pourquoi ne les mobilise-t-il pas en Kabylie ou en Oran qui font partie de son royaume, paraît-il ? Ne serait-ce pas parce que l'Algérie, dans son ensemble, ne fait pas partie du royaume de Jugurtha et que la Cirta, conquise par les Romains - qui poursuivent leur offensive vers Thala et Gafsa ! - est très certainement El Kef, situé en Tunisie comme toutes les autres villes : Thala, Gafsa, Béja, Grich El Oued / Thisidium, Larès / Lorbeus, etc ... mentionnées par Salluste ?
Pourquoi les vétérans du Consul romain Marius, vainqueur de Jugurtha, ont-ils été installés, sans doute pour « surveiller » une contrée nouvellement conquise, en Tunisie, de Chemtou et Thuburnica à Mustis / El Krib et Assuras / Zanfour, en demi-cercle autour d'El Kef et non autour de Constantine en Algérie ?
Pourquoi Salluste décrit-il avec précision la préparation des raids romains vers Thala ou Gafsa qui mesurent respectivement « 50 miles » : 75 kilomètres environ et « six jours de marche » : 120 - 130 kilomètres à peu près, mais ne donne aucun détail de « l'épopée » qui conduit, d'après l'Histoire Officielle, l'armée romaine de Gafsa à la Moulouya marocaine, à plus de 1000 kilomètres, en territoire ennemi, gouverné par Jugurtha très aimé des Numides et maître en matière de guérilla,, écrit Salluste.
Pourquoi un détachement de cavalerie, commandé par le légat roumain : Sylla, est-il envoyé d'Italie, en renfort à Marius, assiégeant un fort, proche de la Moulouya marocaine, alors que les Romains sont installés en Espagne toute proche ? Comment Sylla parcourt-il, sans embuscade, plus de 1000 kilomètres en pays numide ? Par où est-il passé, ainsi que l'armée de Marius qui traverse l'Algérie d'Est en Ouest et y trouve à boire et à manger alors qu'elle quitte Gafsa à la fin de l'été ? César dans le Sahel, qui est connu et exploité depuis des siècles, aura des problèmes pour nourrir son armée en 46 avant J.C. ! Marius et Sylla, non !
Quelle Cirta peut être « le but initial » de la remontée de l'armée de Marius quittant Gafsa « à la fin de l'été » pour aller s'établir dans les « villes du littoral pour passer l'hiver » ? Quelles villes de quel littoral ? Le littoral algérien n'est pas conquis ! En allant à Constantine, Marius tourne le dos au littoral tunisien et à Utique, sa base ! N'est-ce pas curieux de pouvoir faire plus de 2000 kilomètres : de Gafsa à la Moulouya et retourner à Cirta entre la fin de l'été et l'hiver en plus du long siège difficile d'un fortin numide ?
Il est beaucoup plus aisé de comprendre qu'après la prise de Gafsa, Marius remonte vers Cirta / El Kef et va attaquer un fort où Jugurtha a mis ses trésors, certainement situé sur la Kalaat Esnan, proche du fleuve appelé par les Romains La Muluccha, qui est sûrement le Mellèg dont le nom a conservé la racine consonantique : M - L - K.
D'où sortent les Maures « voisins », d'après l'historien romain Tacite, de la frontière algéro-tunisienne, pays des Musulames alors que l'Histoire officielle les cantonnent au Maroc et en Algérie occidentale ?
Ce sont les alliés du chef des Musulames Tacfarinas en guerre contre Rome. Ils étaient installés, certainement, dans les massifs des Aurès et des Nementchas que les légions romaines surveilleront durant des siècles depuis Haïdra, Tebessa, Timgad et Lambèse, cantonnements du Sud-Est algérien.
Pourquoi est-ce à Cirta / El Kef et non à Constantine, qu'une dame : « Plancina ... première des femmes numides ... d'origine royale ... est inhumée ici ... », comme le mentionne l'épitaphe d'une stèle trouvée à quelques centaines de mètres d'El Kef. N'est-ce pas dans le « berceau de sa famille » qu'on fait établir sa sépulture, surtout quand on fait partie d'une famille royale ?
El Kef, berceau des rois Numides, « Bled El Korsi » : ville du trône beylicale, centre militaire : « Je suis tranquille, a dit un Bey, j'ai marié ma fille Tunis à El Kef ! », pôle intellectuel et religieux : de grandes confréries musulmans y étaient installées, centre économique : troisième ville de Tunisie après Tunis et Kairouan en 1881, foyer actif du militantisme politique et syndical au cours de la lutte pour l'Indépendance, et sanctuaire de la résistance algérienne, El Kef a intégré, en plus de 24 siècles d'histoire, les influences de toutes les grandes civilisations méditerranéennes.
En ces jours où le « Mayou » millénaire devrait être fêté, il convient pourtant de se réunir autour d'un « Borzguène » aussi délicieux que célèbre qui vient, sans doute, comme le burnous et la kachabia, de l'époque romaine, au moins, si ce n'est de bien plus loin encore : quand El Kef était une capitale.


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