L'essai de Hakim Karoui fait, depuis sa parution, l'objet d'un engouement médiatique français. L'édition tunisienne de cet auteur, peu connu du public tunisien, revient à l'initiative de Cérès édition. Hakim Karoui est le représentant d'une génération de tunisiens expatriés qui commencent à émerger. La voix originale de ce franco-tunisien est en passe de devenir l'une des plus audibles, grâce à sa vision prospective conjuguée à une bonne part de pragmatisme. Spécialiste des marchés émergents et banquier d'affaires, ce normalien agrégé de géographie a été conseiller au cabinet de l'ex-premier ministre Jean Pierre Raffarin. Il est présenté comme un auteur engagé dans les débats publics sur la diversité, la Méditerranée, l'Islam, le protectionnisme européen. En 2006, il publia un premier essai déjà remarqué « l'Avenir d'une exception » aux éditions Flammarion. En partant d'un postulat, qu'il appelle la désoccidentalisation du monde, Hakim Karoui décortique ce concept et le présente comme un processus en cours. Il l'identifie à un phénomène de déperdition interne, d'épuisement solitaire des modèles politiques, économiques et culturels de l'Occident. La désoccidentalisation est en somme une perte de centralité de l'Occident sur l'échiquier mondial. Ce serait un « Occident qui se vide (de lui-même et pas à cause des autres) de sa puissance, de son dynamisme et de sa capacité à réguler le monde. La désoccidentalisation, c'est aussi ce moment où l'Occident devient dangereux pour le monde. La désoccidentalisation, enfin, c'est la fin d'un monde organisé selon les valeurs occidentales. L'auteur développe ses arguments à travers un juste équilibre entre l'argument culturel et la donne économique. C'est dire que ses thèses ne sont pas uniquement des assertions statistiques sur des éventuels développements de marchés économiques qui conditionneraient l'avenir de l'Europe ou des autres continents. Il y a en trame de fond, une explicitation des enjeux géopolitiques tels qu'ils se posent aujourd'hui. Mieux encore, l'auteur, de part sa sensibilité et ses origines, évoque les problématiques identitaires et religieuses et éclaire les crises sociales liées à un faux bouc émissaire, l'Islam. La question de fond est alors comment réinventer l'Occident ? Au fait, même si la réponse prend place dans les derniers chapitres du livre, l'idée est développée tout au long du livre. Les réponses sont structurées à plusieurs niveaux. Le changement du monde, explicité par l'auteur, se traduit par l'invention, notamment au niveau de la France et de l'Europe d'une nouvelle régulation commerciale mondiale qui passerait par une prise en compte incontournable de la Chine. De cette renaissance économique et stratégique, renaitra un Occident qui saura régénérer des discours nouveaux qui apaiseront les nouvelles angoisses de notre monde, de nouvelles pratiques qui favoriseront une cohabitation mondiale – Occident et Orient - mise à mal par des différences de plus en plus stigmatisées. Une réinvention de l'Occident passerait par la création de nouvelles valeurs humaines qui harmoniseraient les simulacres de divergences pour en faire des richesses communes. Faten AOUADI