Le Temps-Agences- Le XIVe congrès du Front national qui s'est ouvert hier a consacré, à la tête du FN, Marine Lepen, fille de Jean-Marie Lepen qui a fondé, dirigé et incarné ce parti depuis près de 40 ans. Au terme d'un scrutin interne sans grande surprise, la vice-présidente du parti et benjamine du clan Le Pen, âgée de 42 ans, l'a emporté durant la nuit face à son rival, Bruno Gollnisch, 60 ans, lieutenant du vieux chef, qui s'apprête à passer la main à 82 ans. Prévue pour être tenue secrète jusqu'à la proclamation officielle des résultats, l'information a finalement fuité tard vendredi soir, confirmée par un haut responsable du Front national. Mais aucun des deux candidats en lice n'avait réagi samedi matin à ces résultats. Jean-Marie Le Pen, sa fille Marine et Bruno Gollnisch ont fait leur arrivée au congrès sans faire de commentaires sur la victoire déjà annoncée de Marine Le Pen. Première à pénétrer dans l'enceinte du palais des congrès de Tours, cette dernière s'est bornée à souhaiter “la bonne année” aux journalistes présents avant de s'éclipser. Elle n'a fait aucun commentaire sur sa victoire, qu'elle a obtenue avec deux tiers des voix des adhérents contre un tiers pour Bruno Gollnisch, selon un membre du bureau politique du FN. Arrivé peu après, le président sortant Jean-Marie Le Pen n'a pas non plus évoqué les résultats. “Je suis président jusqu'à demain midi”, a-t-il déclaré, faisant allusion à l'agenda officiel du congrès. “Moi, j'attends la proclamation officielle des résultats”, a esquivé Bruno Gollnisch. “Je suis dans un état d'esprit serein, zen, j'ai le calme des vieilles troupes, la satisfaction du devoir accompli et l'attente de beaucoup d'espérance pour notre mouvement”, a-t-il expliqué. Selon un membre du bureau politique, environ deux tiers des voix se sont portées sur la fille de Jean-Marie Le Pen, un net échec pour son challenger. “C'est la validation définitive de la stratégie politique de Marine Le Pen et la preuve que celle de Gollnisch était déconnectée de la réalité”, s'enthousiasmait un membre de l'équipe mariniste. “C'est un nouveau départ pour le Front. Nos adhérents veulent gagner, ils ont fait le choix de l'efficacité politique”, déclarait un jeune partisan. Marine Le Pen se veut l'artisan d'une “dédiabolisation” du FN face à un Bruno Gollnisch, plus volontiers tourné vers les valeurs traditionnelles de l'extrême droite. Entre 23 et 24.000 adhérents du parti, selon les chiffres du mouvement, étaient appelés à s'exprimer pour la première fois démocratiquement sur le nom de leur leader, jusqu'à présent réélu à chaque fois par acclamation. Première à réagir à cette élection, l'association SOS Racisme a estimé que l'arrivé de Marine Le Pen ne changerait rien à la nature du FN, où elle resterait “porteuse d'un discours de haine”. Jean-Marie Le Pen, qui voulait ardemment voir la benjamine de ses trois filles lui succéder, avait prévenu qu'une victoire de Bruno Gollnisch, élu de Rhône-Alpes, serait un “désaveu” et un “échec”, après près de 40 années passées à la tête du parti qu'il a co-fondé en 1972. Après cinq présidentielles, dont l'une en 2002 l'avait vu accéder au second tour, provoquant un séisme politique, M. Le Pen devait prononcer samedi après-midi son dernier discours en tant que président du FN, dans lequel il devait tirer le bilan de plus d'un demi-siècle de vie politique. Après la proclamation des résultats dimanche, sa fille devrait immédiatement mettre le cap sur la présidentielle de 2012, où les sondages la placent pour l'instant en troisième position derrière l'UMP et le PS, mais où elle ambitionne d'accéder en finale, dix ans après son père. Dans un sondage Ifop à paraître dans Sud Ouest Dimanche, Marine Le Pen (FN) a fortement progressé dans les intentions de vote des Français, à 16,5%, pour le premier tour de la présidentielle, troisième derrière Nicolas Sarkozy (26,5%) et Martine Aubry (23%). Elle atteint quasiment le score qui avait permis à Jean-Marie Le Pen de se qualifier en 2002 (16,86%). A Tours, une manifestation se voulant un “contre-congrès” anti-FN était prévue samedi après-midi à l'appel d'un collectif emmené par la section locale de Ligue des droits de l'Homme (LDH) et composé d'une trentaine d'associations, syndicats et partis de gauche. Depuis vendredi, de nombreuses forces de l'ordre ont pris place autour de l'imposant Palais des congrès qui va accueillir le parti, ses cadres et ses militants, afin d'éviter tout débordement.