Un air de liberté souffle sur les rues de la Tunisie depuis le 14 janvier. D'aucuns qui se promènent dans les rues ressent la ferveur populaire mêlée à une légère crainte née de l'instabilité latente qui règne dans le pays. La ferveur nationale semble incontrôlable et continue. Au 23 ans « de silence des palais » s'est substitué un flot de paroles ininterrompues, une « diarrhée » verbale impossible à arrêter. Les discussions, les analyses, les commentaires, qui virent aux dissections chirurgicales des évènements politiques ont pris le pas sur celles sportives, qui il n'y a pas longtemps, alimentaient les débats les plus virulents. D'ailleurs, n'est-ce pas là que tout a commencé ?? Nous en sommes convaincus! Le pseudo liberté, le droit à la parole trompeur accordé machiavéliquement dans le domaine sportif masquaient un despotisme évident. Mais les manifestations qui s'en sont suivies n'étaient aucunement confinées aux seules insatisfactions liées au sport. Déjà les prémices d'un soulèvement populaire cultivaient ses germes et trouvaient un foyer idéal et idyllique dans les stades devenus l'arène favorite d'une jeunesse réprimée. Le défouloir populaire s'est organisé autour de la violence contre les acteurs du monde sportif jusqu'au jour où un martyr appelé Mohamed Bouazizi a choisi le feu pour exprimer son dégoût, pour revendiquer le droit au travail et à la vie pour les autres, en se donnant la mort. «Si mourir pour son roi est une illustre mort, celui qui meurt pour sa patrie, quelle sera sa mort» s'interrogeait Saint-Exupéry. Ce jeune Bouazizi illustre formidablement ce sacrifice suprême, déclencheur d'un mouvement aussi inattendu qu'héroïque de tout un peuple. Des lendemains meilleurs! Le dévouement sans pareil de ce jeune tunisien ne doit pas être un simple feu qui lui a brûlé le corps et enflammé, d'une manière circonstancielle une opinion devenue viscéralement contestataire. La liberté que le peuple tunisien a arrachée au prix du feu, du sang et des larmes doit être jalousement et crânement défendue non pas dans le chaos mais dans l'organisation farouche pour construire des lendemains meilleurs. Le travail un autre genre de militantisme, la préservation des acquis et des infrastructures de l‘Etat autant de biens publics, la libre expression et le choix sage, réfléchi et cérébral de nos prochains dirigeants, sont les prochains défis à relever. Une jeunesse mobilisée pour la défense de ses quartiers sous la menace tangible des tirs de feu, des snipers et du bruit assourdissant des hélicoptères survolant les maisons et les habitations, démontre la capacité du tunisien à surmonter sa peur. Pendant des décennies, le peuple tunisien a été privé de vote ou confiné dans un choix restrictif alors que l'opposition commettait le summum du ridicule en votant pour le parti au pouvoir et en s'en ventant! Cette nouvelle ère ouvre pour nous de nouvelles possibilités d'aller aux urnes et de choisir, au-delà des personnes physiques, un programme, celui qui convient le mieux à nos attentes et à nos ambitions futures. Certes, l'apprentissage de la liberté n'est pas aisé et ne se fera pas en un tour de main. La lutte sera rude et ardue pour se débarrasser définitivement d'un héritage lourd d'asservissement, de se défaire des rouages d'un système et d'un parti qui a tissé minutieusement sa toile d'araignée. Si nous n'arrivons pas, de sitôt, à jouir de la démocratie naissante dans notre pays, nous aurons, au moins, la certitude d'avoir préparé le terrain pour notre descendance. Et alors la révolte, appel fervent du peuple au droit à la liberté, que nous avons semé donnera sa récolte pour les générations à venir. Un ami, joueur d'échecs m'a dit; «quand tu manges un pion, tu n'es pas sûr de gagner la partie et parfois l'adversaire sacrifie un pion pour te tendre un piège ». A méditer avec sérieux !