La Chambre des députés a adopté hier par une majorité confortable le projet de loi qui délègue au Président de la République par intérim, le pouvoir de prendre des décrets lois comme le stipule l'article 58 de la constitution. 16 députés ont voté contre. Ils appartiennent au Parti Social Libéral (PSL) au Parti des Verts pour le Progrès (PVP) et deux à l'Union Démocratique Unioniste (UDU), un seul du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) s'est abstenu, le reste et les députés du Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS) du Parti de l'Unité Populaire (PUP) et d'Ettajdid ont voté pour. Les qualificatifs qui saluent les initiatives «prestigieuses» du président déchu et de son épouse ont été bannis du débat de la séance d'hier. Une séance historique qui a marqué une rupture totale avec la langue de bois utilisé 23 ans durant à la Chambre des députés. Fait significatif aussi l'absence des policiers en civil qui avant se chargeaient de noter toutes les interventions des députés et les envoyaient au ministère de l'Intérieur et à la présidence de la République. La séance d'hier a été donc caractérisée par un débat franc, positif et démocratique. Le président de la séance M. Sahbi Karoui a tenu à ne pas interrompre les intervenants. Au total 25 interventions ont été enregistrées. En voici des extraits : Corruption • M. Hichem Bassi (RCD), a proposé de donner le nom du martyr Mohamed Bouazizi à une avenue dans toutes les villes. Il a aussi appelé à la dissolution de la Chambre des députés et à la constitution d'un conseil pour contrôler le gouvernement de transition. • M. Khlifa Trabelsi (PSL), a jugé que le gouvernement provisoire ne représente pas toutes les forces politiques du pays. • Mme Faten Charkaoui (PSL) a rejeté le projet de loi qui a-t-elle souligné est anticonstitutionnel. • Mme Raoudha Saïbi (PSL) a estimé que le peuple était au courant de la corruption pratiquée par les membres et les proches du président déchu faut-il s'est elle demandé juger le peuple. • M. Boujomaâ Yahyaoui (PSL) a demandé au Premier ministre pourquoi certains partis politiques ne font pas partie de la composition du gouvernement provisoire. Il s'est prononcé aussi avec force contre la dissolution de la Chambre des députés. • M. Brahim Hfaïdya (UDU) a mis l'accent sur les insuffisances dans le secteur de l'information du gouvernement qui a marginalisé l'opposition, a-t-il dit. Concernant le projet de loi en question il a estimé qu'il n'est pas constitutionnel. Changement • M. Lotfi Mbarek (UDU) a appelé à la séparation du législatif et de l'exécutif et il a dénoncé le projet de loi qui va selon lui, donner toutes les prérogatives à l'exécutif au détriment du législatif. Il s'est prononcé aussi contre la dissolution de la Chambre des députés. • Mme Amna Ben Arab (RCD) a souligné que la dissolution de la Chambre des députés entraîne automatiquement le retrait du président par intérim du fait qu'il occupait avant la Révolution, le poste de président de la Chambre. • M. Monem Ahmadi (RCD) a demandé au Premier ministre comment ont été choisis les nouveaux gouverneurs. • M. Tarak Chaâbouni (Ettajdid) a estimé que ce projet de loi entre dans le cadre de la continuité pour asseoir le changement démocratique dans le pays. • Mme Naouel Hmissi (UDU) a jugé qu'il n'y a pas aujourd'hui de confiance entre le peuple et le gouvernement provisoire. Compte rendu de Néjib SASSI ------------------------------ M. Mohamed Ghannouchi Pas de dissolution de la Chambre Voici les grandes lignes de la réponse du Premier ministre aux interventions des députés. • Le Premier ministre a souligné que la mission du gouvernement provisoire est de concrétiser les revendications de la Révolution et d'instaurer la liberté, la démocratie, la stabilité et le progrès et que ce projet de loi va permettre la réalisation rapide de ces objectifs et permettre aussi et surtout le développement régional et l'équilibre entre les régions. • M. Ghannouchi a mis l'accent sur la nécessité d'établir une vraie réconciliation entre tous les Tunisiens. Il a précisé que ceux qui ont commis des actes de corruption ou de crime contre le peuple la justice s'en occupera, une justice responsable et indépendante, en soulignant que plusieurs procédures juridiques vont être adoptées pour garantir l'indépendance de la magistrature. • Concernant la dissolution de la Chambre des députés, il a déclaré que le Président de la République par intérim ne peut pas la dissoudre. Cela entre dans les prérogatives d'un président élu . • Le Premier ministre a appelé à la vigilance pour sauvegarder la Révolution car a-t-il souligné il y a encore des dangers qui peuvent la menacer ce qui s'est passé au Kef, à Kebili et à Sidi Bouzid en est la preuve. • En ce qui concerne la nomination des nouveaux gouverneurs il a dévoilé que les membres du gouvernement ont établi des critères pour choisir ces personnes . Mais s'il s'avère que certains nouveaux gouverneurs n'ont pas les qualités requises nous allons procéder à leurs changement. • Le Premier ministre a indiqué que des monuments en hommage aux martyrs de la Révolution vont être édifiés sur les places publiques. N.S ------------------------------ Les à côtés Manifestation • Des centaines de personnes ont manifesté devant la Chambre des députés qui était gardée par d'importantes forces de l'armée. Les manifestants brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire, « Député dégage ». Immunité • Le député du PUP M. Faouzi Jrad a appelé à la levée de l'immunité parlementaire de Sakher El Materi qui est en fuite. Urgence • Le Premier ministre a révélé que le président déchu a caché aux membres du gouvernement sa fuite, je ne l'ai su qu'à 18 heures vendredi 14 janvier c'est pour cela qu'on a eu recours dans un premier temps à l'article 56 de la constitution. Car en ce moment il fallait palier d'urgence au vide constitutionnel. Certaines parties cet après-midi voulait mettre le pays à feu et à sang. • La séance d'hier a duré de 10 à 16 heures sans interruption. La majorité des députés ont suivi les débats. Même ceux qui sont sortis sont revenus au moment du vote. Courage • Le député du RCD Tahar Lassaoued a demandé des excuses au peuple. Il a dit j'ai manqué de courage j'ai espéré participer à cette révolution et dénoncer la corruption mais je n'avais ni le courage ni l'audace.