Mohamed ABDENNADHER - La Tunisie a entrepris depuis son indépendance et à plusieurs reprises la dévaluation de sa monnaie. La dernière en date est celle entreprise en 1986 et qui constitue la mesure phare du plan d'ajustement structurel. Cette mesure a eu des effets plutôt néfastes sur la détérioration des termes de l'échange de nos exportations en particulier et sur l'économie tunisienne en général. On sait que l'objectif premier de cette dévaluation était de rendre les produits tunisiens destinés à l'exportation moins chers et donc plus compétitifs. Mais, du même coup, la valeur des produits importés ont augmenté en conséquence. Or, l'économie tunisienne est fortement importatrice de biens d'équipement et de biens intermédiaires qui entrent dans le processus de la production industrielle. Ces biens ont la caractéristique d'avoir une propension à augmenter en valeur supérieure à celle des autres produits (matières premières et biens de consommation courante) qui sont l'apanage des exportations tunisiennes. Cela dit, globalement, si on établit un bilan des conséquences de cette dévaluation sur l'économie tunisienne en général et l'industrie en particulier, on va se rendre vite compte que les effets néfastes et pervers de cette dévaluation dépassent de loin les avantages qui peuvent en découler et qui restent, malgré tout, de courte durée. En effet, la dévaluation va avoir des effets qui peuvent être immédiats dans la relance des exportations. Mais, comme la base économique du pays est assez faible et notre industrie peu diversifiée et peu performante et qui porte essentiellement sur la production de produits banalisés et de faible valeur ajoutée et soutiennent peu la concurrence, la courbe ascendante du volume des exportations va vite trouver ses limites puis entamer une chute et les effets positifs de la dévaluation se délayer. Cela dit, la dévaluation est une arme à double tranchant. Certes un dinar fort pénalise, dans une certaine mesure, les exportations sauf pour les produits à fort contenu technologique et à forte valeur ajoutée. Regardons ce qui se passe ailleurs. La France a enregistré en 2010 un déficit commercial de 51,4 milliards d'euros alors que l'Allemagne a enregistré un excédent de 153,3 milliards d'euros la même année. Sans entrer dans le détail des structures d'exportation de chaque pays, on peut simplement dire que, toutes choses égales, (monnaie unique), l'économie allemande est plus compétitive que celle de la France. De cet exemple, on peut déduire que l'effort à entreprendre dans notre pays consiste surtout à rendre nos produits plus compétitifs pouvant supporter la concurrence étrangère sans être obligé à recourir à une mesure technique et somme toute artificielle qui consiste à dévaluer notre monnaie nationale. En fait, la valeur de notre monnaie ne doit être ni trop forte ni trop faible, il faut trouver le juste équilibre. La banque centrale suisse a indiqué dans son rapport que la hausse du franc devient, à partir d'un certain niveau, un poids important et quasiment intenable. Autrement dit, le franc suisse est devenu trop fort (il a enregistré une hausse de 15% face à l'euro sur un an. Cela dit, malgré la hausse du franc, l'industrie horlogère suisse renoue avec la croissance. En 2010, les exportations de la branche se montraient à près de 12,3 milliards d'euros, soit 22,1% de plus qu'en 2009. Ainsi, même avec un franc suisse trop fort, les montres suisses, grâce à leur haute qualité, restent compétitives. Les deux exemples allemand et suisse nous indiquent la feuille de route à suivre. Nous devons nous orienter vers les produits haut de gamme, à fort contenu technologique et à forte valeur ajoutée. Mais, à vrai dire la compétitivité peut aussi s'appuyer sur des produits à bas prix comme le montre la progression vertigineuse des exportations chinoises due en grande partie à la production et l'écoulement de produits très compétitifs grâce à des coûts réduits de production (production à grande échelle et coûts salariaux assez faibles). Ainsi, le recours à la dévaluation d'une façon officielle ou officieuse (glissement vers le bas des taux de change de notre monnaie) n'a plus de raison d'être. De fait, la question de la dévaluation devient secondaire et revêt un caractère conjoncturel sans effet majeur sur les structures de notre économie. A notre avis, il va falloir procéder à la redynamisation de cette dernière en œuvrant pour des solutions profondes (nouvelle stratégie industrielle, innovation technologique, spécialisation et redéploiement industriel…) et ne pas se baser sur des mécanismes monétaires plus faciles à mener qui font la part belle aux pays dominants mais porteront préjudices aux intérêts nationaux.