Les salles de cinéma de la capitale reprennent progressivement du service un mois à peine après la Révolution en programmant un certain nombre de films ayant participé à la dernière session des JCC qui s'est tenue en octobre 2010. Parmi ces films « un homme qui crie » du réalisateur tchadien Mahamat Salah Haroun, prix du jury à Cannes 2010, est actuellement sur les écrans de Tunis. Ce quatrième long métarrge de Mahamat Salah Haroun se caractérise par son engagement en faveur du peuple tchadien opprimé par le régime en place. Il s'agit bien d'une oeuvre de fiction qui met en scène la tragédie d'un pays soumis à un régime autoritaire dont le dessein est de sacrifier la population pour continuer à subsiter. A travers donc le portrait d'un sexagénaire, ancien champion de natation et maître nageur d'un hôtel de luxe à N'Djamena, capitale du Tchad, en proie à la guerre civile, le film raconte la déchéance sociale de cet homme contraint , sous la pression du gouvernement, d'envoyer son fils combattre les rebelles armés qui menacent le pouvoir. Tout en étant omniprésente, la guerre reste en arrière-plan hantant les lieux et contaminant le cours du récit. Dans ce conflit institutionnel apparait la mondialisation et ses effets dévastateurs. Adam, le principal protagoniste du film, est contraint de faire des sacrifices pour garder son emploi et préserver sa dignité d'homme. Son fils, jeune et dynamique prend sa place mais, il sera vite appelé sous les ordres pour défendre le pays contre une guerre civile entre fractions rivales. Une punition ? Si oui, elle vise tout le monde aussi bien le père que le fils et le pays qui sacrifie ses enfants. « Un homme qui crie » ressemble à la réalité du Tchad qui connait une guerre sans merci entre les factions rebelles. De cette réalité, le réalisateur retient les antagonismes qui rongent la société et sèment le trouble dans la population. C'est la violence faite aux hommes dont il s'agit avec toutes les conséquences qu'elle engendre. Les questions religieuses sous-tendent le film et on comprend qu'à travers l'histoire d'Adam qui sacrifie son fils en le livrant à l'armée, c'est l'histoire d'Abraham qui veut sacrifier son fils mais que Dieu sauve en lui offrant un mouton. Cette référence mythologique fait la force de cette fiction filmée simplement et avec beaucoup de réalisme. La question de la transmission est la principale préoccupation du réalisateur qui tente de nous faire comprendre qu'elle ne peut se faire sans douleur et sans rupture. Khalil Gibran disait « Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils viennent à travers vous, mais non de vous ». Mahamat Salah Haroun a choisi des plans d'ensemble lointains pour traduire les sentiments des protagonistes. Les acteurs y sont pour beaucoup dans la réussite de cette tragédie notamment Youssouf Djaoro capable de rendre l'émotion palpable . Sans oublier la musique composée par Wasis Diop. Une musique épurée révélant l'état d'âme des personnages et leur désordre intérieur. Le film se termine par cette phrase explicite d'Aimé Césaire « Gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle (...), car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... »