Dans la plupart des collèges et des lycées, on assiste à un véritable chaos depuis le retour des élèves des vacances supplémentaires accordées par le ministère de l'éducation suite aux événements tragiques vécus par notre pays. Absentéisme flagrant des élèves, irrégularité de certains cours, laisser-aller de l'administration, actes d'indiscipline et de violence parmi les élèves et contre les agents administratifs et le corps enseignant. Des rassemblements d'élèves sont remarqués quotidiennement au sein ou devant les établissements secondaires pour manifester contre tel ou tel enseignant. Dans plusieurs lycées, les directeurs sont obligés de quitter leur bureau sous la menace des élèves ! Depuis quelques semaines, ce sont les élèves qui font la pluie et le beau temps ! Encadrement approximatif C'est dire qu'il y a un grand manque d'ordre et de discipline dans plusieurs établissements où la plupart des élèves refusent d'étudier. Certains directeurs essayent tant bien que mal d'encadrer ces élèves récalcitrants en vue de négocier avec eux et satisfaire leurs revendications qui dépassent souvent l'aspect scolaire ou pédagogique pour devenir politiques, allant jusqu'à protester contre les mesures prises récemment par le Ministère de tutelle relatives à la rectification portée au système du contrôle continu qui consiste en la fusion des deux trimestres en un semestre avec le report des devoirs de contrôle. « Je me demande pourquoi une telle mesure n'est pas acceptée par la plupart des élèves, a fait remarquer un prof de philo, pourtant c'est la meilleure façon d'avancer dans les programmes et les achever à temps ! On n'a pas le choix, tous les élèves sont appelés à regagner les bancs de l'école et se mettre au travail immédiatement. Autrement, l'année scolaire est foutue ! » Une enseignante d'arabe partage le même avis : « Il y a beaucoup d'absentéisme parmi les élèves, on a beau leur montrer que les programmes sont assez longs et qu'il est inutile de perdre davantage de temps. Depuis quelques semaines, le nombre d'élèves présents ne dépasse pas la moitié de la classe, il faut mettre fin à ce désordre et j'appelle les parents à jouer leur rôle pour obliger leurs enfants à suivre leurs cours assidûment. D'ailleurs, tous les enseignants, surtout ceux des classes terminales, sont prêts à donner des cours de rattrapage dans toutes les disciplines pendant les prochaines vacances et je suis sûre qu'on peut sauver l'année scolaire ! » Dans certains établissements secondaires (collèges et lycées), les directeurs passent leur temps à écouter les doléances des élèves qui refusent d'entrer à leurs classes : les uns parlent des relations tendues entre les élèves et les surveillants, d'autres évoquent la situation matérielle dans l'établissement (manque d'outils au laboratoire, ordinateurs en panne, vitres cassées, terrain de sport impraticable…) ; d'autres encore vont jusqu'à refuser carrément d'étudier chez tel ou tel professeur sous prétexte qu'il est trop sévère ou trop permissif ! En effet, lors d'une visite à la délégation régionale d'éducation à Ben Arous, nous avons remarqué des groupes d'élèves représentant leurs lycées respectifs qui étaient venus porter plainte contre des profs jugés indésirables ! Un professeur de français contacté à ce sujet nous a expliqué ce phénomène nouveau en ces termes : « Que les élèves revendiquent leurs droits par des moyens pacifiques et réglementaires en déposant une pétition signée par un groupe d'élèves contestataires à l'administration, c'est un signe de civisme et de bon sens. Mais qu'ils se révoltent contre leur prof ou leur directeur en scandant le fameux « dégage ! », là, nous sommes dans le désordre total car par cet acte nous mettons en danger toute l'institution scolaire et mettons en cause toute la compétence des enseignants. Depuis quand l'élève juge-t-il son prof ? Quelle est donc la tâche des inspecteurs ? » Absents/présents Ce qui est plus grave, c'est que certains élèves de collège, âgés seulement entre 12 et 15 ans, profitant des circonstances actuelles, sèchent les cours à l'insu de leurs parents sous prétexte que tel ou tel prof est absent pour aller participer à des manifestations organisées par des jeunes et adultes sans avoir la moindre idée sur les risques encourus ! C'est alors que les parents sont convoqués pour justifier l'absence de leur enfant, comme cette parente qu'on a rencontrée devant un collège de la banlieue sud en train de rouspéter contre l'administration : « Mon fils est absent pendant une semaine et je n'ai pas reçu d'avis de l'administration dès le premier jour. Pourtant, il sort et rentre chaque jour à l'heure, où peut-il bien être pendant les heures de classe ? Je n'aurais jamais appris son absence si notre voisin ne me l'avait pas dit ! » Et ce n'est pas par hasard qu'on voit à longueur de journée une présence massive de parents qui viennent se rassurer sur la situation des études de leur progéniture ! J'ajouterai que certains élèves meneurs profitent de la récréation pour appeler leurs camarades à boycotter les cours ; dans ce cas, l'administration renvoie tout le monde manifester en dehors de l'établissement pour éviter la casse. Un prof d'arabe nous a déclaré dans ce sens que « ça fait une semaine que les cours s'arrêtent à 10 heures du matin ! A chaque récré, les élèves s'amassent dans la cour et l'administration leur demande de quitter aussitôt les lieux ! Or, ce n'est pas une solution, il faut dialoguer avec ces élèves et essayer de comprendre leurs problèmes !» Voilà donc, l'atmosphère générale dans la plupart des établissements scolaires : effervescence parmi les élèves qui trouvent que la révolution est l'occasion propice pour exprimer leur désenchantement et présenter leurs revendications, mais encore faut-il le faire dans l'ordre et tout en étant conscient de sa responsabilité.