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“Là où il y a un avocat libre, il y a un pays libre”
Tribune - Le projet de loi organisant la profession d'Avocat en Tunisie
Publié dans Le Temps le 20 - 04 - 2011

Par le bâtonnier Abderrazak Kilani - « Notre projet de loi va dans le sens des aspirations de la révolution. Il garantit la liberté de la défense. Ne dit-on pas que là où il y a un avocat libre, il y a un pays libre ?
Le projet de réforme de la loi organisant la profession d'avocat et proposé par le Conseil de l'ordre national des Avocats de Tunisie, a été, récemment déposé sur la table du ministre de la Justice.
Ce projet a été préparé et rédigé par une pléiade de confrères parmi les plus brillants de la profession, représentant ses divers courants de pensée.
La commission avait entamé ses travaux dès la constitution de l'actuel Conseil de l'ordre, dans la foulée de l'élection professionnelle du 30 juin 2010. Il a été plébiscité par 70% des avocats suite à une consultation nationale, faite sans campagne préalable.
Inspiré de législations de pays arabes et européens, il tient également compte des spécificités tuniso-tunisiennes.
Ce projet, qui nous l'espérons, sera retenu par les autorités, répond à une « ardente obligation » : la loi du 7 septembre 1989, qui organisait notre profession était par certaines de ses dispositions, comme celle relative à la liberté outragée de plaidoirie et de parole de l'avocat, caduque dès sa naissance. Par ses autres dispositions, elle était en décalage avec la situation réelle des avocats et des exigences de la profession.
D'abord par l'augmentation du nombre des membres de notre profession : 1200 avocats étaient inscrits au moment de la promulgation de la loi de 1989, l'ordre en compte aujourd'hui 8000. Cet accroissement du nombre d'avocats n'a pas été accompagné – loin s'en faut – par une augmentation proportionnelle du nombre des dossiers, contentieux ou autres. En outre, les entreprises étatiques ou semi-étatiques ne consultaient et ne s'adressaient qu'à des confrères agréés par le pouvoir de Ben Ali. Tout avocat suspecté d'indépendance était inexorablement radié de leurs listes. Le choix des défenseurs était motivé par des considérations de république bananière, sans relation avec les compétences des uns et des autres.
Si nous croyons que le problème de monopole relatif à ces dossiers est aujourd'hui résolu, au bénéfice du plus grand nombre, il fallait également élargir le domaine d'intervention de l'avocat. Partant du postulat que la dignité et l'indépendance de l'avocat supposent un minimum de revenus, nous avons demandé l'élargissement de notre domaine d'intervention et l'exclusivité de la représentation des parties et de la plaidoirie devant les tribunaux. La charte adoptée à Sydney par l'assemblée générale de l'Union internationale des avocats du 27 octobre 2002, avait reconnu à l'avocat le droit à des honoraires justes, fixés soit en fonction des efforts fournis et des résultats réalisés, soit de façon forfaitaire. En conformité avec cette charte, notre proposition de projet introduit la possibilité de fixer les honoraires, dans les actions en paiement, selon un pourcentage égal ou inférieur à15%.
En effet, de nos jours, les honoraires ne sont plus uniquement, comme autrefois, l'expression de la reconnaissance du client, les impératifs de la vie moderne (frais d'organisation et de fonctionnement de l'étude, frais d'assurance professionnelle, impôts) exigent que l'avocat dispose d'un seuil de revenus conséquent. La notion de pourcentage dans la fixation des honoraires permet également au client démuni de choisir son conseil et non pas d'être dirigé vers un conseil imposé en matière d'aide judiciaire, ce qui renforce l'établissement de la relation de qualité entre le client et son conseil.
L'élargissement du champ d'intervention de l'avocat aura également pour effet d'écarter tout intrus dans les rouages de la justice (écrivain public ou autre). Dans la mesure où la constitution d'avocat sera obligatoire, cette disposition contribuera à assurer le sérieux et la sécurité des actes juridiques et des procédures de justice.
C'est cette même exigence de la qualité de la prestation et des garanties accordées à la clientèle qui a conduit à prévoir d'une part l'obligation d'assurance professionnelle pour tous les avocats et l'introduction d'une immunité de plaidoirie réelle.
L'assurance devient obligatoire car le droit moderne n'est plus, comme autrefois, basé uniquement sur les principes ; de synthétique, il est devenu analytique ; il embrasse aujourd'hui un nombre de domaines infini dû à l'apparition de nouvelles techniques qui, elles-mêmes, ne cessent d'évoluer et imposent une adaptation de la législation et sa mise à jour constantes. Nous pensons à l'internet, qui a mis à jour de nouvelles formes de délinquance (escroqueries, espionnage, piratage, terrorisme), et impose également de nouvelles approches et de nouvelles conceptions des droits et des relations entre les personnes (la protection du droit d'auteur notamment, conclusions de contrat, signature électronique, etc…). Cette situation a elle-même créé un changement de culture du législateur : le droit, autrefois, devient un droit de détails, qu'on n'hésite pas à changer d'une année à l'autre. Cela est particulièrement flagrant en matière de législation financière et fiscale.
Dans cette situation, même les avocats spécialisés ne sont pas à l'abri de l'erreur : l'assurance, qui ne les exempte pas de leur obligation classique de diligence, limite en faveur du client et de l'avocat lui-même les conséquences d'éventuelles erreurs d'approche ou d'analyse, voire de procédure.
Quant à l'immunité réelle de l'avocat en cours de plaidoirie, elle est indissociable de la liberté de la défense. A dessein, nous avons précisé « immunité réelle » car l'ancienne de 1989 avait introduit un semblant d'immunité : les conclusions présentées devant les tribunaux et la plaidoirie ne pouvaient donner lieu à des poursuites pénales, « sauf mauvaise foi » ajoutait le texte dans un souci évident de relativisme chargé d'arrière-pensées.
En dehors de ces cas, où l'avocat bénéficiait d'une protection relative, l'article 46 de la loi prévoyait de faire juger pénalement l'avocat « réfractaire » séance tenante selon la procédure des flagrants délits. Une telle disposition, était en réalité une véritable épée de Damoclés : elle avait pour objectif de bâillonner la défense et pesait lourdement sur la liberté et le talent de l'avocat, en particulier dans les procès dans lesquels le pouvoir ou sa police, ou encore les membres de la famille « régnante » étaient directement ou indirectement en cause. Dans cet ordre d'idées, même dans des affaires de droit commun, pour peu que les avocats fissent allusion à l'usage de la torture, ils étaient menacés par les juges. Beaucoup d'entre eux, que nous connaissions tous, étaient à la botte du pouvoir, les autres craignaient pour la suite de leur carrière. Des confrères ont ainsi été arrêtés et condamnés sur la base de cet article 46.
L'immunité pénale des avocats, qui naturellement, ne les exonère pas de leurs obligations déontologiques et de la relation de respect mutuel avec les magistrats, est la seule à pouvoir assurer leur liberté d'écrire et de parler et à leur permettre d'exercer pleinement leur rôle naturel de défenseurs des droits et des libertés et de contribuer à la préservation des acquis de la révolution, et si aujourd'hui Ben Ali a chuté, la plus grande vigilance continue à s'imposer.
Le statut de l'avocat a été également reconsidéré. L'avocat comme d'autres professions, a été dans le passé considéré comme un auxiliaire de la magistrature. Cet abus de langage (auxiliaire de la magistrature et non pas auxiliaire de justice) n'était pas innocent. Il avait pour but non déclaré de créer puis de maintenir entre les magistrats à la botte ou à la merci du pouvoir, d'une part, et les avocats d'autre part, une relation de subordination. Il n'en fut rien. Les avocats de Tunisie, par vocation et par tradition, se sont toujours érigés contre les atteintes aux droits des personnes et ont toujours dénoncé avec vigueur les violations de ces droits. Il m'est important de rappeler ici que l'ordre national des avocats de Tunisie a été le seul ordre professionnel dans lequel les membres du conseil ont toujours été et sont librement et démocratiquement élus. Ces membres représentent les diverses sensibilités de la profession et, malgré ou à cause de cette diversité, ont toujours fait preuve de solidarité face au pouvoir en place. De cette démocratie naissait la force et le rayonnement de notre ordre. Et ce n'est pas un hasard, si les avocats ont été les premiers à accompagner la révolution du 14 janvier 2011 et à organiser les mouvements de grève et les manifestations de soutien, dès le mois de décembre 2010, aux régions intérieures du pays en ébullition.
Notre vocation à défendre les droits, notre histoire depuis l'indépendance de la Tunisie, illustrent notre rôle actif dans l'instauration de la justice, en particulier lorsque les magistrats, par intérêt ou par peur, étaient compromis dans des simulacres de justice. L'article premier de notre proposition définit l'avocat non plus comme un auxiliaire de la magistrature, mais comme le défenseur des droits et des libertés et un partenaire à part entière dans l'administration de la justice et l'instauration de l'Etat de droit. Cela ne constitue pas une exigence de reconnaissance mais bien la consécration d'un état de fait et, surtout , une garantie morale pour le renforcement des droits et des libertés à un moment où les fantômes de l'ancien régime rôdent toujours et où la tentation de les domestiquer représente encore un risque réel dans notre jeune démocratie.
Enfin, dans l'intérêt de la profession, et partant du principe qu'une démocratie réelle exige non seulement la participation du plus grand nombre à la prise de décisions mais également le renouvellement régulier des organes de décision, nous avons opté pour le principe de l'alternance dans l'exercice des responsabilités au sein de notre corporation : le bâtonnier sera dorénavant élu pour un mandat non renouvelable, et , plus qu'avant, consacrera son énergie à la sauvegarde des intérêts objectifs de la profession loin de toute pression due à la campagne électorale nécessitée auparavant par sa candidature au renouvellement du mandat.»


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