On croit savoir que la religion a cessé d'être « l'opium du peuple ». Aujourd'hui le parti « Ennahdha », légalisé sous peu, Révolution oblige, vient tout juste de nous prouver le contraire. Le parti du leader historique Rached Ghannouchi fait du chemin tout comme les autres partis interdits du temps de Ben Ali, qui font leur petit bonhomme de chemin contre vents et marées. Sauf qu' « Ennahdha » avance à pas de géant. Le parti, serait-il devenu l « 'opium du peuple », ou le serait-il au sens que lui donne le sociologue français Régis Debray, « la vitamine du faible » ? Il est vrai qu' « Ennahdha » et les « Nahdhaoui » en ont vu des vertes et des pas mûres. Les 30 000 partisans brimés, malmenés, persécutés par un dictateur sans foi ni loi, étaient la rançon à payer, pour que le parti refasse surface, et retrouve toute sa légitimité dans les cœurs et les esprits, et comment ! Aujourd'hui, le parti a son droit de cité dans les médias et ne fait que drainer les foules à chaque meeting attirant des partisans mais aussi des « anti » qui viennent huer son leader historique Ghannouchi à chaque passage. C'était le cas dimanche dernier lorsqu' « Ennahdha » a organisé une rencontre ayant attiré quasiment 700 personnes à Hammamet. Le but étant de donner un discours apaisant à l'encontre des protagonistes qui ont toujours peur de la religion et de son impact sur des secteurs de l'économie comme le tourisme. Rached Ghannouchi qui choisit, comme à chaque fois, de faire les choses dans la dentelle, donne encore une fois des messages qui rallient les masses d'individus. Bon orateur, il sait louvoyer et se dérober aux questions quand il faut. On a déjà publié dans les colonnes du « Temps » une interview de Rached Ghannouchi, en date du 06 février 2011, où il nous a fait plusieurs confidences du genre « Le code du statut personnel s'inspire de la Chariaâ » ou « La polygamie est rejetée par la loi et il n'est pas question d'y revenir » « le Hijab est une affaire personnelle. » ou encore « La lapidation et les amputations des mains des voleurs : ce sont là des pratiques aujourd'hui, impraticables ». Ce jour-là, « l'Emir des Islamistes » recevait un groupe de jeunes ‘'facebookers'' empressés de de harceler de questions rien que pour percer le secret du retour du leader qui venait tout juste de rentrer de son exil. Duplicité du langage Mais Ghannouchi a donné bien d'autres discours et il n'a pas du tout failli entre-temps à sa qualité de tribun. Dernièrement et lors une rencontre donnée au siège de la Fondation Témimi Ghannouchi a insisté sur le fait que « la politique ne peut en aucun cas être dissociée de la religion » ! « Ennahdha mène un double langage » écrit sur son mur un facebooker. Aujourd'hui les slogans anti-Ennahdha se multiplient. Une page ralliant 22mille internautes autours de l'appel « Je suis Musulman et Ennahdha ne me représente pas » pour inciter les Tunisiens à ne pas se laisser endoctriner par la propagande « Nahdhaoui ». La donne a changé, en fait. Et il serait niais de prendre pour dupes les Tunisiens qui ont décidé de prendre leur destin en main et mener à bien leur Révolution. Le scénario des élections de 1989 ne peut en aucun se reproduire puisque à l'époque, le mouvement « Ennahdha » a usé du vide politique qui régnait et du rôle qu'ont joué les mosquées pour mener une propagande politique. Aujourd'hui, les Tunisiens attendent de véritables programmes politiques des partis politiques qui se sont créés. Et il serait vraiment lamentable de renouer avec les vieux démons du passé pour tenir un langage qui aura fait son temps. Mais que vaut une religion sans conscience morale ? Ce serait certes, un opium pour la conscience qui aurait au final, à diviser, nos compatriotes entre ‘'Croyants'' et adeptes de la religion de la ‘'Non croyance''. Un seul Dieu n'est-il pas tout ? Mona BEN GAMRA
Hizb Ettahrir: le voile levé sur la face intégriste de l'Islam idéologique Le ‘'Hizb Ettahrir'' a fini par pointer le bout du nez, comme la face cachée d'un Islam intégriste longtemps recélé. Le parti islamiste affiche un projet de société régie par la Chariâa. Il prône bien entendu l'adoption du voile intégral pour les femmes. Et puis qu'en est-il de la démocratie et des valeurs de la Révolution ? « La démocratie », est selon le porte parole du parti Ridha Bel Hadj, « une question factice qui ne doit pas susciter l'attention ». Aujourd'hui, le parti fait parler de lui-même, en optant pour des choix qui sont en négation pure et dure de la démocratie. Au diable les acquis de la modernité. Histoire de renouer avec des pages de notre histoire commune où le Califat était le régime adopté par les pays Musulmans. Une machine à remonter le temps nous amènera illico presto au temps de la gloire islamique. Le voyage se fera, on l'espère bien, sur un tapis volant.
L'avis du spécialiste … Fawzi Bouaziz, docteur en sociologie « En Tunisie, on peut facilement assimiler le discours religieux vu le fait que notre société a toujours été dépolitisée. Le parti unique du temps de l'ancienne dictature a légitimé le discours religieux qui a pris de l'ampleur. Si « Ennahdha » aujourd'hui draine la foule, cela s'explique par le fait que ce parti a plus d'expérience que les autres partis à tendance islamiste. En plus les « Nahdhaoui » appellent à un Islam modéré. Et c'est connu en sociologie, plus on est dans la modération, plus on est défendable. Sans oublier le fait que les autres partis non religieux, n'ont pas de véritables programmes politiques. Et du coup « Ennahdha » comble l'espace vide et affiche une entrée fracassante dans le domaine politique grâce à une communication étudiée. J'ai aimé, par ailleurs, l'auto-critique du parti où l'on a évoqué le manque de pragmatisme d' « Ennahdha » de par le passé. Aujourd'hui le parti se veut plus proche du peuple et de ce qui meut son cœur et son esprit. Toujours est-il : est-ce que « Ennahdha » sera capable, de résoudre les problèmes de chômage et toutes les questions qui sont à l'ordre du jour de la Révolution ?