• Des chefs d'entreprises font un peu trop dans la victimisation - Il s'agit en fait de 315 entreprises dont les dégâts sont supérieurs à 10 mille dinars. 35 de ces entreprises sont dans l'industrie, 209 dans le commerce et 71 autres dans le secteur des services. Les dommages que ces entreprises ont subis, varient. Il y en a celles dont les pertes ont dépassé le cap des 2 millions de dinars, elles sont au nombre de 14. 33 entreprises ayant enregistré des pertes, supérieures ou égales à 1 million de dinars, 22 entreprises ont accusé des pertes allant de 500 mille à 1 million de dinars. 60 entreprises ont subi des dégâts estimés entre 100 et 500 mille dinars. La liste est encore longue, 50 autres entreprises ont payé la facture chère d'entre 50 et 100 mille dinars, outre 76 autres ayant fait acte de pertes entre 20 et 50 mille dinars alors que 70 autres entreprises, beaucoup moins touchées font état de pertes variant entre 10 et 20 mille dinars. Il s'agit, là, de chiffres communiqués par l'UTICA, l'Union Tunisienne de l'Industrie du Commerce et de l'Industrie, qui souligne aussi qu'environ 200 entreprises ont signalé des dégâts de moins de 10 mille dinars, et ce à l'occasion de la « Journée des Entreprises sinistrées ». Cette journée a été organisée en présence de quelques dizaines d'hommes d'affaires venus de différentes régions de la Tunisie afin de s'enquérir des nouveautés concernant le plan de relance et d'indemnisation. Bien que les chiffres communiqués par la centrale patronale soient visiblement supérieurs à ceux communiqués par le ministère, un constat est presque identique, à savoir celui des pertes causées. Selon le patronat, il s'agit de près de 140 millions de dinars. Le ministère de l'Industrie et des Technologies parle de 214 entreprises endommagées. Les pertes recensées par ce ministère seraient moins importants par rapport aux chiffres avancés par l'UTICA qui se base sur « des dossiers qui ont été déposés ». Après les différentes présentations des plans de relance, d'ailleurs assez similaires, pour ne pas dire identiques, à ceux qui ont été adoptés suite à la crise de 2008 et de 2009, un débat houleux eut lieu. Les mesures conjoncturelles de soutien aux entreprises économiques ont été présentées par Sadok Bejja, représentant du ministère de l'Industrie et des Technologies, alors que les mesures d'indemnisation des entreprises ont été présentées par le représentant du ministère des Finances, Abdellatif Chaabane. Selon Sadok Bejja, le nombre des chômeurs en Tunisie était, à la fin de 2010, de 520 mille personnes, dont 160 mille diplômés de l'enseignement supérieur. Un chiffre qui devra avoisiner les 700 mille au mois de juin prochain, une fois l'année universitaire terminée et que de nouveaux diplômés feront leur entrée sur le marché de travail. Une situation on ne peut plus difficile. Ajoutons à cela un taux de croissance qui devrait varier entre 0 et 1%, contre 5,4% estimé pour 2011, tout ceci, auquel vient s'adjoindre 2.5 milliard de dinars « d'extra dépenses non attendues subies par le budget de l'Etat ». Le Gouvernement de transition a adopté une série de mesures consistant à « soutenir le tissu industriel tunisien ». Il s'agit d'une série de mesures financières et sociales, dont bénéficieront « les entreprises industrielles et de services qui ont été incendiées, pillées ou saccagées. Celles dont les activités ont régressé, ou qui ont totalement ou partiellement suspendu leurs activités, ce qui leur aurait causé des pertes au niveau de leur chiffre d'affaires, leurs dettes, leurs relations avec les clients, ou tout simplement à cause du contexte général que la Tunisie a connu depuis quelques mois ». Ces mesures, précise-t-on aussi, « sont en train d'être élargies de la part des ministères concernés pour qu'elles englobent d'autres secteurs économiques, à l'instar du commerce, des services, de l'agriculture et autres ». En ce qui concerne le social, ce plan consiste dans la prise en charge par l'Etat de 50% des participations des patrons dans le cadre juridique national de la couverture sociale, et ce, pour les entreprises dont les employés travaillent moins de 8 heures par semaine, et de 100% pour les entreprises dont les employés sont forcés au chômage technique. Pour ce qui est du caractère financier de ce plan, l'Etat prend en charge la différence entre le taux d'intérêt et le taux de marché, de deux points, pour les crédits accordés par les institutions de crédits au profit des entreprises économiques submergées par les pertes. Ce même plan comporte aussi le rééchelonnement des crédits dont la date de remboursement est le mois de décembre 2010, jusqu'à la fin du mois de décembre prochain, à condition que la période de remboursement ne dépasse pas les cinq ans. Débat houleux Ces mesures qui ont été exposées dans leurs détails, n'ont pas vraiment trouvé un écho auprès des chefs d'entreprises présents à cette journée d'information. Une majorité, pour ne pas dire la plupart des présents, des chefs d'entreprises présents se sont acharnés contre ces mesures et contre le gouvernement de transition. Car pour eux « ces mesures ne prennent pas en considération les pertes subies par les entreprises tunisiennes », pour d'autres « on ne sortira pas de la dictature de Ben Ali, pour entrer sous l'ère de dictature de la Révolution », alors que pour d'autres, qui estimaient le plafond de 500 mille dinars de dédommagement « très en deçà des attentes, surtout que les pertes de certaines de ces entreprises se comptent en millions de dinars ». Et même lorsque Abdellatif Chaâbane, le représentant du ministère des Finances a avoué que « les millions de dollars et d'euros dont vous avez entendu parler, comme étant des dons de la part de beaucoup de pays étrangers, n'ont pas encore été versés dans les caisses de l'Etat, et que ce dernier essaye de contourner outre vos problèmes en tant que chefs d'entreprises, au même moment que d'envisager des solutions pour de bonnes autres parties de Tunisiens ». On appréhendait à chaque moment que les choses ne sortent de leur cadre ordinaire dans cette salle de réunion du siège de l'Utica, tellement la tension était à son paroxysme. On critiquait tout, les mesures, les personnes, les prédispositions et les promesses. Une chef d'entreprises a même dit « qu'elle devait fournir un quart de pain avec de l'harissa à son fils qui est étudiant en médecine, comme gouter, puisqu'elle n'a plus d'argent » ! Un témoignage qui a traumatisé l'assistance. Encore une fois, les chefs d'entreprises se montrent, à la limite, égoïstes. Il est vrai que la situation de beaucoup d'entre eux, et cela dépend de beaucoup de facteurs, est difficile. Mais comparée à beaucoup de situations de beaucoup d'autres Tunisiens, la leur n'est pas aussi alarmante. Va-t-on aussi rapidement oublier que beaucoup ont profité plus que d'autres de la situation qui prévalait sous l'ère de Ben Ali, et ce dans pas mal de secteurs et dans de multiples facettes ? Ou est-ce qu'on va omettre qu'une bonne majorité d'entre eux ont profité de la situation qui prévalait pour « exploiter » la main d'œuvre à bon marché, et qui ne leur versait même pas les charges sociales auprès des caisses sociales, ceci sans oublier les contrats renouvelés toutes les quelques années afin d'éviter la titularisation des employés, et ainsi leur payer un peu plus ! Des miettes. Admettons, tous, que la situation actuelle en Tunisie est très spéciale et même délicate, et si, les hommes d'affaires et chefs d'entreprises, sur lesquels on compte pour relancer l'investissement local et procurer ainsi de l'emploi, commencent à simuler des situations de victimes, on se demande qui pourra vraiment prendre les choses en main ! Ceci sans négliger qu'une bonne partie des entreprises a été saccagée et que des pertes considérables ont été enregistrées par un nombre d'entre eux…Mais à quoi bon essayer de remettre le train sur les railles si le sentiment d'appartenance et de sacrifice n'existe pas !?