« Dès l'aéroport, j'ai senti le choc » dirait Nougarou dans son dernier album rock nous communiquant avec ces quelques mots d'une simplicité désarmante, l'effet – New York sur le visiteur. L'action est en branle dès l'ouverture et elle ne va pas s'arrêter avec la dernière note puisque la fin est le début. Il en est ainsi de ce que j'ai ressenti en prenant l'escalier de la Galerie Médina où Nadia Zouari expose en ce moment et ce, jusqu'à fin mai. Première toile et c'est l'incendie. Le feu va embraser toutes les autres œuvres et s'il y a quelques passages d'où il semble absent du paysage, il n'est pas éteint pour autant mais il se terre pour redoubler de violence à l'étape suivante. C'est un feu de haute trahison, vous savez ? Sortie du lourd bleu glacial où elle se mouvait il y a de cela quelques années, le jaune et le rouge ont fait main basse sur l'imaginaire secret de Nadia. Ce que je prenais pour des arbres, des animaux, des parterres d'herbe et de fleurs s'avèrera être en réalité une mégapole aux tours défiant fièrement un ciel fuyant. La peinture insiste pour dire et redire ce que nous devons y voir mais paradoxalement, elle nous invite à chercher la faille par laquelle on peut glisser vers les pâturages clandestins qu'elle ne veut distiller qu'après d'énormes efforts et un jeu de cache-cache où les yeux ne voient pas ce qu'ils voient mais partent plutôt à la recherche des formes et des créatures qui ne sont pas faites pour être vues mais seulement ressenties. Cette peinture est donc de la pure abstraction mais à visages couverts. Cela vient-il de la façon dont Zouari traite l'acrylique qui lui donne cette étrange impression d'être de l'huile ou bien s'amuse-t-elle volontairement à vous inviter dans son monde tout en nous en interdisant l'accès ? Elle dit : « Ce qui m'intéresse, c'est que chacun puisse se raconter sa propre histoire… ma peinture est un espace qui peut bouger, se transformer, évoluer dans l'œil de celui qui la regarde ». Les métropoles sont le prolongement des hommes qui les habitent : ils se dressent, se ratatinent et s'effondrent. Ils sont aussi des morceaux d'arbres investis par une rosée brillante ou plate où se cachent des drôles de nounours qui interpellent tendrement ceux qui s'en aperçoivent pour une balade au clair de lune ou pour admirer un horizon avec, ou sans, soleil couchant. De l'enfonce à l'effritement en passant par l'âge de la force à son apogée, le voyage proposé par « My way… » ne peut être contenu dans aucun catalogue du genre, aucun lexique car après le travail du peintre, il y a celui du voyageur qui s'impose. Chacun y prendra l'itinéraire qui est en lui. Aucun ne ressemble à l'autre et pourtant, l'unité de l'exposition est indéniable qu'elle soit au niveau du facteur temps ou celui de l'action. Il n'y a que les décors qui changent comme au théâtre mais l'espace du jeu reste identique du début à la fin. D'où vient ce doux vertige qui nous envahit dès le premier regard ? De l'entêtement à se maintenir au radeau de l'amour comme seule initiative pour sauver la vie du dépérissement ou d'un trop plein de passion qui malgré la superficielle paix qui domine, finira par nous faire éclater en mille débris de sensualité ? Allez y répondre par vous-mêmes. C'est un conseil de chasseur !