Question: Voilà que vous faites de nouveau l'actualité après vous être éclipsé de la scène. Que s'est-il passé au juste ? Farhat Rajhi: Non, je ne fais pas l'événement. Il y a juste que beaucoup de journalistes m'ont demandé des interviews, mais je ne pouvais les satisfaire compte tenu de mes obligations professionnelles. Mais il se trouve que j'ai cédé devant l'insistance des deux jeunes journalistes m'ayant assuré que l'interview serait publiée sur un site internet et c'est pour cela que je les apostrophais « ne notez pas cela » concernant certaines questions sensibles.
Mais il y avait plus d'une caméra fixe ?
Effectivement. Ils ont placé deux caméras sur le bureau et je pensais que c'était pour prendre des photos, car l'enregistrement par l'image suppose, à mon sens, des appareils bien plus performants…
Sauf que vous parliez en toute aisance et avez fait des déclarations jugées comme étant des révélations véridiques par les uns et de la fiction des attaques et une tentative de semer la discorde par d'autres.
J'ai la conviction que cette Révolution est l'œuvre des jeunes. Et quand de jeunes journalistes se sont adressés à moi j'ai jugé que c'était de mon devoir d'être sincère avec eux convaincu que je suis que l'avenir leur appartient… Cette discussion avec ces jeunes devait dans ma conviction, demeurer comme vous le dites vous autres journalistes « off the recorder ». C'est un principe éthique fondamental dans votre métier et le journaliste doit garder ces affirmations pour lui pour que cela lui serve de repère dans l'analyse des réalités du pays. Ces «déclarations » publiées en violation de ce principe ont dès lors été quelque part perçues comme une violation de mon devoir de réserve, alors que ces affirmations je les avais avancées sans arrière-pensées, ni objectifs haineux. Le seul objectif espéré, du moins par moi, c'était l'information saine et responsable.
Or Kamel Letaïef a déclaré que vous avez choisi le moment de faire ces déclarations et que vous les avez fait « coincider » avec l'arrestation de Mohamed Ali Ganzouî ?
Non, le rendez-vous de l'interview avait été choisi par les journalistes une semaine auparavant. Et puis d'après les médias, Ganzouî que je ne connais pas personnellement avait été arrêté le mercredi en fin d'après-midi alors que l'interview s'était déroulée durant la matinée du même jour.
Oui mais Kamel Letaïef déclare que vos déclarations portent atteinte à l'armée et seraient assimilables à une haute trahison.
C'est grave comme accusation. Car cela me place à la même enseigne que les pratiques du président déchu alors qu'il ne s'agit en réalité que d'une approche personnelle dans l'analyse de la situation dans le pays et ce dans le cadre d'un échange de points de vue avec les journalistes et ce, comme cela se produit dans plusieurs pays, pour le bien de la nation et pour lui éviter d'entrer dans la spirale de la violence.
Comme beaucoup de Tunisiens j'ai écouté votre interview sur Facebook, puis celle de Kamel Letaïef sur ShemsFM, le matin, et encore l'après-midi sur MosaïqueFM, lequel a été précédé par la déclaration du porte-parole du Premier ministère. Je trouve que l'interview de Kamel Letaïef durant la matinée était confuse. Mais l'après-midi le contenu de sa déclaration sur MosaïqueFM est porteur des mêmes accusations que celle de Moez Smaoui (Premier ministère) : à savoir l'atteinte à la loyauté de l'armée et la tentative de semer le trouble… Pensez vous qu'il y a eu au préalable coordination entre les deux parties…
C'est votre conclusion et c'est la même que celles qu'ont tirées et communiquées plusieurs personnes… Est-ce à dire que tout le monde me fera ce même reproche… Quant à ce «régionalisme», ce que j'entendais par Sahéliens ce sont des personnes bien précises géographiquement du Sahel, mais qui ne sont pas représentatives de tous les habitants de cette région. Mais j'insiste encore sur l'Armée : je n'ai eu nulle intention de porter atteinte à l'armée et si c'était le cas, pourquoi n'aurais-je pas évoqué la sécurité nationale ? Je réitère mon respect, donc, à l'Armée nationale et les forces de l'ordre tout en demeurant convaincu qu'il faut certaines réformes fondamentales ce qui leur assurerait un rendement adéquat à la situation actuelle. Quant à cette question de maturité politique, je considère que j'ai été appelé à la rescousse à un certain moment et j'ai accompli mon devoir dans les limites de mes possibilités envers mon pays. J'ai toujours été transparent. Et je vous ai expliqué dans quelles conditions j'ai fait ces déclarations. J'ose espérer que les personnes sages ne feront pas dans l'extrapolation, car, jamais, je ne chercherai à destabiliser le pays. Il faut en effet se méfier des extrapolations. Et surtout, ne jamais oublier que le fondement de l'homme est dans ses bonnes intentions. Réalisée par Hafedh Ghribi pour Assabah (Reproduction en français (pas au mot à mot) de la rédaction du Temps