Depuis le 14 janvier, les mendiants s'adonnent de plus en plus à leur pratique, parasitant la générosité des passants d'une manière avilissante parfois même effrontée. Révolution oblige, chacun a sa manière, pour transgresser la loi, même s'il s'agit de faire la manche aux carrefours des centres commerciaux, d'errer sur les routes dans des lieux de passage stratégiques ... Le nombre des mendiants semble exploser. On parle même de réseaux de mendicité à démanteler au plus vite. Incrimination injustifiée ? Oui et non. La réponse nous a été donnée par Sami Belghith, le directeur de la défense sociale au sein du ministère des Affaires sociales. «Le sujet de la mendicité était, avant l'avènement du 14 janvier, un sujet tabou. Pourtant on réalisait jusque-là des études de terrain authentiques et avérées pour l'analyse des comportements sociaux déviants. L'administration tunisienne était avare pour avancer les résultats des études afin d'éclairer l'opinion publique sur tel ou tel phénomène de société. Aujourd'hui la donne a changé. Le but étant de dénoncer certains comportements qui nuisent à l'image de notre pays, comme la mendicité. » avance Sami Belghith qui continue « Toujours est-il, la mendicité est un phénomène mondial. Aucun pays ne peut prétendre en être prémuni. Sauf que l'ampleur de ce phénomène diffère d'un pays à un autre. En Tunisie on a commencé à réfléchir sérieusement sur la question depuis l'an 2000. On a planché sur ce comportement à travers une étude qui a commencé en 2007 pour aboutir au premier semestre de l'an 2008. »
La mendicité en chiffres
Cette étude restée longtemps dans les étagères du ministère des Affaires sociales commence à avoir son droit de cité. Aujourd'hui on en parle à la lumière de chiffres officiels, même si on l'a toujours fait avec réserve. On a toujours minimisé le phénomène, le réduisant à un cas isolé. « Il s'agit bien d'un phénomène de point de vue sociologique, car il est question d'un fait répétitif qui se refait avec les mêmes personnes. »nous dit Sami Belghith. L'étude menée sur un échantillon de 1204 personnes montre que 97% des mendiants sont des escrocs. Dans le monde, la fausse mendicité est estimée à 80%. Pis encore, en Tunisie, 65% parmi eux ont la couverture sociale et 10% sont des enfants et des handicapés. L'étude a montré également, que 63,% des mendiants pratiquent cette activité avilissante d'une manière continue. En 2010 les résultats montrent que sur les 1217 cas de mendicité, 117 sont des enfants ( soit 9,6%), 425 sont des personnes âgées (35%) et 188 sont des handicapés, soit 15,5% du total des mendiants.« Le ministère agit de manière préventive sur ce phénomène en ce sens où l'on étudie la cause de ce comportement pour y remédier. Cela dit certains parmi les mendiants ont reçu des carnets de santé pour jouir de la gratuité des soins d'autres ont eu accès à des allocations familiales ou encore à des aides pour améliorer leurs lieux de vie. » fait remarquer notre interlocuteur.
Un phénomène en veilleuse
Qu'en est-il de ce phénomène depuis le 14 janvier. D'aucuns considèrent que cela prend de l'ampleur. Une rumeur persistante fait état carrément de réseaux qui conduisent tous les matins les mendiants les déposant chacun dans un lieu stratégique. « On ne peut le confirmer car pour le moment vu la situation sécuritaire dans le pays, la traque aux mendiants est en veilleuse. Les gens sont, en effet, à fleur de peau pour l'instant. Et comme la traque des mendiants se fait en collaboration avec les agents de la sécurité du ministère de l'Intérieur cela peut provoquer des escarmouches. Et on est bien tenu à calmer la situation et non pas à provoquer d'autres affrontements entre les mendiants et les agents de l'ordre qui peuvent dégénérer en graves altercations. » confie Sami Belghith qui conclue « Ce qui est bien est qu'on dispose d'un réseau intranet reliant tous les gouvernorat du pays. Les informations sur les mendiants sont au fur et mesure mises à jour. » Encore est-il il faut les avoir ces informations. On ne va pas quand même les mendier. Mona BEN GAMRA