Est-ce l'Amérique qui a changé le monde, avec Obama, ou est-ce, plutôt, le monde qui a changé l'Amérique. En 61, Kennedy projetait de changer l'Amérique : « Nous avons changé le monde, maintenant, nous devons changer l'Amérique », scandait-il. Mais, aussitôt, il y eut la Baie des cochons, le Mur de Berlin et inévitablement la Guerre froide. L'Amérique ne changeait pas. Car face au péril communiste, Washington soutint et arma les régimes dictatoriaux et bien des régimes militaires, comme celui de Pinochet pour renverser et tuer Allende. N'est-ce pas M. Kissinger ? Et puis, bien sûr, elle découvrit la puissance de l'impact intégriste, pour libérer l'Afghanistan du joug soviétique avant que le monstre ne se retourne contre son « créateur ». Là aussi, l'Amérique ne change pas – malgré les Tours jumelles – et Bush de lancer la sainte croisade et de rallumer les mèches de la guerre des religions. Et aujourd'hui ? Bouazizi - d'ailleurs évoqué par Obama - s'immole et met le feu aux dictatures arabes. Le printemps arabe à l'instar de nos jeunes – les seuls méritants dans ce fantastique basculement de l'Histoire – délégitime, du coup, la thèse longtemps entretenue, dans nos têtes, selon laquelle un régime verrouillé est le seul rempart contre le péril intégriste et terroriste et démythifie en plein l'icône Ben Laden. Obama avait, ainsi, à la fois, son mobile et son alibi : abattre Ben Laden, fut un jeu d'enfants. Le vent avait tourné, en effet... L'Amérique ne change toujours pas. Le monde change, l'exception arabe qu'on croyait fatale, tombe et, l'Amérique prétend avoir réussi tout cela. Et voilà qu'Obama promet 2 milliards de dollars – techniquement on n'a toujours pas compris comment ! – à la Tunisie et l'Egypte en « soutien à la transition démocratique ». L'intérêt américain pour la Tunisie est flatteur. Sauf qu'avec l'Amérique, on n'a rien pour rien ; toute aide est conditionnée fortement assujettie aux pesanteurs géo-stratégiques et, donc, aux intérêts vitaux des Américains. Obama, comme les autres présidents américains, a l'art de l'emphase, du pathétique et de l'angélisme « arrogant ». L'Amérique elle-même a l'art de la récupération. Bienvenue au retour de l'Amérique en Tunisie – jusqu'au 14 janvier, sa diplomatie a travaillé, elle aussi, dans la clandestinité -. Sauf que ce regain d'intérêt ne doit pas exercer une espèce de fascination du diable sur l'imaginaire collectif. Car, en plus, le Maghreb n'est pas vital pour Washington. C'est aussi et, surtout, une question de proximité. Il est vrai qu'il y a des nuages et des brumes entre Tunis et Paris. Mais ça se décantera. Car la Tunisie et la France sont, aujourd'hui, condamnées à dépassionner leurs rapports et à « redevenir » le vieux couple qu'il n'a jamais réussi à être…