Grâce à Qui? La vie d'un club, d'un grand club est faite de constantes et de constances. Les constantes, le club ne peut pas en avoir plusieurs parce que son identité s'y perdrait. Mais si les constances deviennent la règle, le quotidien du club en serait réduit à une succession d'accommodations conjoncturelles, à des alliances contre-nature, à de sordides conflits d'intérêts... Et cela fait que le club dérape, écrase les balises, perd de vue ses repères et, ses hommes, ses vrais, ainsi que ses anges gardiens qui finissent par ne plus s'y reconnaître... Nous ne citerons pas d'exemples spécifiques, mais il se trouve qu'un grand de la capitale navigue à vue parce que le pilote n'est pas aux commandes mais quelque part dans le « cockpit ». Un autre grand club a fait du mercantilisme une règle de survie artificielle au point que tout s'y monnaie : même une seconde place africaine qui rapporterait plus que la première ! Mais ici nous parlons du Club Africain. Ce grand club génétiquement différent de l'Espérance lors des temps héroïques : autarcie à Bab Jedid, forces occultes, mais dont la vie, durant les années 70-80, était suspendue au seul mouvement des lèvres du premier dirigeant de l'époque... Sur l'autre rive, l'Espérance répondait avec une espèce d'excentricité et avec beaucoup plus de transparence et de visibilité : Ali Zouaoui surtout savait toujours remettre le club dans son contexte. Dans les deux cas les mécènes autour des deux clubs étaient animés par une force volontariste. Il y avait, donc, très peu de rapports ou de conflits d'intérêts. Mais c'était, quand même, le temps de l'amateurisme et les joueurs n'étaient pas gourmands... A l'époque, Aznavour criait famine et la Bohème dansait nue. Aujourd'hui, nous sommes en 2007. Durant les années 90, Chiboub d'un côté, Jenayeh de l'autre, faisaient faire à leurs clubs respectifs des bonds de plusieurs décennies d'avance sur les autres. Et par dessus tout, l'Espérance était gérée comme une entreprise : les fonds ne pouvaient pas manquer même s'il n'y en avait jamais assez pour rivaliser avec les géants d'Afrique, les équipes égyptiennes surtout.... Et ces années où l'Espérance raflait tout dans l'ivresse de la gloire, et que l'Etoile, attendait éternellement pour en finir avec l'ogre « Sang et Or », on parlait aisément de bipolarisation du football national... Comment pensez-vous que le Club Africain ait survécu et ait, aujourd'hui, regagné le cercle des grands effectifs après l'éclatement de cette bipolarisation ? Tous les présidents qui se sont succédé à la barre savaient à qui s'adresser pour obtenir les fonds nécessaires... Il y a toujours eu un Hamadi Bousbiï, le plus vieux jeune homme des finances et du mécénat en Tunisie. « Ce que Bousbiï a fait pour promouvoir le sport national (interview de Slim Chiboub au Temps, janvier 2003), est tout simplement fantastique ». Et comment croyez-vous que le club ait survécu aux bourrasques successives ? Il a toujours été là, en grand frère spirituel, sans se prêter au jeu stérile des démonstrations de force (et « de puissance ») pour stabiliser le métabolisme... S'il gère un holding de la taille de la SFBT depuis des décennies, et qu'il inculque aux jeunes la véritable culture entrepreneuriale ; s'il injecte autant dans la Bourse au point que celle-ci prend froid pour peu que la SFBT éternue, pour lui, ce serait un jeu d'enfant que de veiller aux équilibres vitaux de son club. Quand on a la chance d'être parrainé par un tel mécène, il faut s'estimer heureux ... et surtout reconnaissant. Le courage de la gratitude, c'est la moindre des choses...