Un nouveau roman vient de paraître aux éditions Karim Chérif sous le titre « Borj Erroumi : les portes de la mort » de Samir Sassi. Le titre nous rappelle l'une des prisons tunisiennes la plus réputée où s'exerçaient toutes les variétés de la torture inimaginables infligées aux détenus politiques sous l'ancien régime. L'auteur fut l'un de ces prisonniers politiques qui ont connu les cellules de Borj Erroumi et celles de tant d'autres geôles où il a subi toutes sortes de tortures destinées à lui arracher des aveux. De là, on comprend qu'il relate des faits réels, étant victime de violences physiques inouïes et témoin d'actes cruels perpétrés contre ses camarades de cachot dans plusieurs prisons du pays où il fut transféré à plusieurs reprises. Mais peut-être les souvenirs de Borj Erroumi resteront-ils les plus mémorables ! Ce roman est donc essentiellement autobiographique, quoique les expériences vécues par l'auteur soient relatées à travers un autre personnage. Nul doute que le narrateur se cache derrière ce personnage principal qu'est Fakhreddine (la fierté de la religion) et lui fait vivre toutes les péripéties qui ont jalonné sa vie pénitentiaire. Le recours au genre romanesque est sans doute un choix pertinent de l'auteur dans la mesure où il se démarque d'une simple narration des événements tels qu'ils ont été vécus pour plonger le lecteur dans la fiction et joindre par là l'utile à l'agréable. Ce roman qui compte174 pages est divisé en douze chapitres. Il passe pour le premier roman tunisien à dévoiler des tortionnaires et de dénoncer leurs pratiques inhumaines sous l'ancien régime, auxquelles sont soumis les prisonniers du mouvement islamique « Annahdha » qui fut prohibé de la scène politique. Le personnage fut donc emprisonné pendant dix ans par le régime dictatorial de Ben Ali pour son appartenance à un mouvement non autorisé et pour ses activités à l'université en tant que porte-parole d'une faction estudiantine se déclarant d'Annahdha. Nous suivons le personnage dans ses galères pour vivre des moments violents, quoique déplaisants et horribles, pleins d'émotions, d'indignation et de révolte, tant la description des faits est bien détaillée et très précise et rappelle à certains moments les tortures avilissantes déjà vues dans la prison d'Abou Ghrib, en Irak. Bref, c'est un témoin oculaire qui rapporte des supplices abominables, immoraux et révoltants qu'on faisait subir aux opposants du président déchu. C'est un roman qui tombe à pic, à l'heure où la Révolution du 14 janvier est venue mettre fin à toute persécution ou arrestation de personnes ayant exprimé leur opposition au régime en place. A lire absolument ! Hechmi KHALLADI
« Borj Erroumi : les portes de la mort » de Samir Sassi, Editions Karim Chérif, avril 2011.