* La défense soulève le vice de procédure et demande le renvoi de l'affaire Le 20 juin 2011 est une journée historique dans les annales de la justice tunisienne. C'est la première fois, en effet, qu'on assiste à un procès équitable, malgré les difficultés de toute nature attenant tant à la spécificité des affaires jugées qu'à celle de la personnalité des deux accusés : l'ex-président déchu et son épouse, qui, poussés par la cupidité, n'ont pas hésité à commettre des crimes dignes des pires malfrats, sur le compte de tout un peuple. La salle 10, au Palais de Justice, Boulevard Bab Benat, à Tunis, était déjà comble dès 8h30, et ce, malgré un service d'ordre musclé qui n'a laissé pénétrer dans la salle que les avocats et les médias. Les bancs des avocats étaient envahis, par quelques journalistes et photographes qui voulaient être le plus près possible du prétoire. A 10h, l'audience a été ouverte, le président du tribunal a appelé la première affaire, et il avait du mal à se faire entendre malgré les deux baffles disposés de part et d'autre de la barre, mais celle-ci était vide, les deux accusés ayant brillé par leur absence. Il faut dire que leur image ternie depuis belle lurette, ils ne pouvaient briller autrement. Il y avait un brouhaha monstre et un illustre inconnu commença à crier dans la salle : « Où sont les accusés. Il faut aller les chercher là où ils se trouvent ». Le président du tribunal, après beaucoup de patience, a menacé d'expulser le public si le chahut persistait. « Affaire 23004 : - Zine El Abidine Belhaj Hamda Belhaj Hassen Ben Ali. - Leïla Bent Mohamed Ben Rhouma Trabelsi. » Evidemment, personne d'entre eux n'a répondu à l'appel. C'est là que le bâtonnier de l'Ordre des avocats s'est adressé au président du tribunal pour lui dire que les avocats sont prêts à accomplir leur devoir. Ce n'est pas chose aisée, mais ils le feront, sans autre considération que celle d'assurer le droit de la défense, qui est sacré. Le président de l'audience a ensuite fait lecture de l'arrêt de la chambre d'accusation, où il a été fait état du déroulement de la procédure qui a abouti à la mise en accusation de l'ex-président déchu et de son épouse pour détournement de fonds publics en vertu des articles 95 et suivant le code de procédure pénale. (Art. 32, pour la complicité concernant Leïla Trabelsi). Cela a duré une heure de temps environ, et cela a été exténuant pour le président du tribunal et lassant pour l'assistance. Ensuite le représentant du contentieux de l'Etat a déclaré qu'il se maintenait aux conclusions présentées devant le juge d'instruction, et qu'il s'était constitué partie civile. La représentant de la douane est intervenu en demandant le renvoi de l'affaire, mais sa demande a été rejetée par le tribunal étant donné qu'il n'y a d'infractions douanières dans la présente affaire. Puis vint le tour du représentant du ministère public qui a fait un long réquisitoire où il a affirmé que l'accusé et son épouse ont commis des crimes sur le compte d'un peuple spolié de ses biens, 23 ans durant. Ils ne pensaient qu'à accumuler les bijoux et les billets de banques dans des coffres-forts. Cela a été établi, selon des preuves tangibles par des experts et des auxiliaires de justice : Total des sommes détournées : 4.693.000 dinars + 16.480.000 dinars. Il a requis pour cette raison le maximum de peines prévues par les textes pour les deux accusés. Maître Messaoudi, avocat constitué d'office : Défaut de procédure ? Cet avocat consciencieux, a déclaré qu'il avait l'intention d'accomplir son devoir d'avocat de la défense, comme il se devait même s'il était l'avocat du diable, selon certains. Le président du tribunal s'adressant à Me Messaoudi, avocat commis d'office de l'ex-président et son épouse : « Selon l'art 141, du CPP vous ne pouvez plaider en l'absence de vos clients ». La polémique L'art. 141 du code de procédure pénale n'est pas explicite sur ce point selon Me Messaoudi puisqu'il est énoncé : « Le tribunal peut refuser (ou permettre) à l'avocat de plaider en l'absence de l'accusé ». En outre, Me Messaoudi soulève un deuxième point de procédure, le délai pour la convocation à l'audience, au dernier domicile connu. La convocation a été envoyée aux accusés à leur dernier domicile à Sidi Bou-Saïd. Or, tout le monde sait que le président déchu s'est enfui en Arabie-Saoudite, a fait remarquer Me Messaoudi. Auquel cas, le délai est de 30 jours. Me Messaoudi a, en tous les cas, demandé le renvoi de l'affaire afin qu'il puisse rédiger des conclusions dans ce sens. L'affaire a été mise en délibérée. Après une brève interruption, l'audience a repris pour juger la deuxième affaire de détention d'armes et de pièces archéologiques, c'est l'affaire n°2005. C'est dans cette affaire que fut évoqué le désistement de Maître Rached Fray, préalablement commis d'office pour les deux accusés. Me Ben Youssef, président de la section de Tunis au barreau national, a présenté les trois avocats commis d'office en remplacement de Maître Fray. Il s'agit des Maîtres : -Amor Khmila -Béchir Mahfoudhi -et Hosni Béji Les trois avocats étaient unanimes à affirmer que la convocation des accusés à l'audience était contraire à la procédure. Et pour cause, tout le monde sait que l'accusé et son épouse se trouvent en Arabie-Saoudite et non à Sidi Bou-Saïd. Ils ont demandé le renvoi de l'affaire pour préparer les moyens de leur défense. L'un d'eux a même promis d'œuvrer à convaincre l'accusé et sa complice de se présenter à la prochaine audience (sic) ce qui a suscité un brouhaha facétieux dans la salle. L'affaire a été mise en délibéré.