Dans une conférence de presse donnée dernièrement par un responsable du ministère de la défense nationale, le principe du double degré de juridiction en matière criminelle au tribunal militaire a été évoqué avec acuité, étant donné que cette chance n'a pas été donnée aux justiciables de ce tribunal, alors que pour ceux du droit commun, ont commencé à en bénéficier dès l'année 2000 en vertu d'une loi généralisant ce principe à tous les tribunaux. En fait qu'est-ce le double degré de juridiction ? C'est une procédure permettant au justiciable la révision d'un jugement qu'il estime inéquitable. D'où la procédure d'appel de tous les jugements rendus en premier ressort. Cette procédure n'existait pas en matière criminelle. Tout condamné par la chambre criminelle n'avait aucun autre recours à part le pourvoi en cassation. Or le rôle de la cour de cassation est de vérifier la bonne application de la loi, et elle ne peut en aucun cas statuer sur le fonds. Un condamné à une lourde peine devait seulement invoquer un motif de droit devant cette cour. Ce qui amoindrissait ses chances et rendait la condamnation fatale en matière criminelle. Un condamné à mort ne pouvait espérer la révision de son procès et on a même connu des cas, que ce soit en France ou même en Tunisie, où certains condamnés à mort, étaient victimes d'une erreur judiciaire dont on ne s'apercevait qu'après coup, lorsque les dés étaient jetés. En 2000, le principe du double degré de juridiction en matière criminelle a été institué en Tunisie grâce surtout aux militants des droits de l'homme. Cependant au tribunal militaire ce principe n'a pas été appliqué. Qu'est-ce le tribunal militaire ? En fait c'est un tribunal d'exception, héritage du régime colonial qui l'a institué afin de répondre à une conjoncture de l'époque, où les militaires constituaient un corps appartenant aux autorités coloniales, et qui devait de ce fait bénéficier de protection et de privilèges particuliers. A l'avènement de l'indépendance les militaires faisaient désormais partie intégrante du peuple. Avaient-ils besoin d'un traitement particulier ? Certes mais notamment dans le cadre de l'exercice de leur activité. Ils restent toutefois égaux devant la loi comme le reste des citoyens. Ils sont justiciables devant le tribunal militaire pour les délits tant qu'ils restent dans les rangs. Quid cependant au cas où un litige les oppose à des civils. C'est le tribunal militaire qui connaîtra également de ce litige. Cela n'est-il pas de nature à favoriser ce corps qui n'est qu'une partie intégrante du corps de sûreté, dont font partie également la police et la garde nationale ? Le tribunal militaire constitue incontestablement un tribunal d'exception, qu'il importe de penser à remodeler pour une meilleure consolidation de l'indépendance judiciaire. Un juge de droit commun peut bien connaître des infractions commises par un militaire surtout qu'au moment des faits il avait agi en tant que citoyen chargé d'une mission civile. Certaines affaires dans lesquelles le président déchu a été impliqué, ont été transmises au tribunal militaire par le parquet civil, lequel estimait que les infractions dont l'ancien dictateur a été l'auteur, étaient d'ordre militaire, en vertu du code des infractions militaires. Le responsable du ministère de la défense a annoncé que le double degré de juridiction au tribunal militaire sera bientôt institué. Certes tout accusé doit bénéficier de toutes le garanties dont notamment le droit à la défense. Bien que cela soit de nature à prolonger davantage la procédure.