Des organisations de la société civile en Tunisie estiment que la loi électorale numéro 35 de l'année 2011 relative à l'organisation des élections de l'Assemblée constituante le 23 octobre prochain présente des lacunes et des imperfections propres à entacher la crédibilité des élections et du processus électoral. Au cours d'une conférence de presse donnée, ce mercredi 27 juillet, à la maison de la culture Ibn Khaldoun, à Tunis, l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (ATIDE), a déclaré, par la bouche de son président, Moez Bouraoui, avoir dégagé une importante lacune dans cette loi électorale numéro 35 de 2011, et plus exactement, dans son article 61 qui permet aux électeurs analphabètes de choisir une personne les aidant à voter. D'après le recensement officiel de la population de 2004, des experts travaillant pour le compte de l'Association, ont évalué le nombre des électeurs analphabètes à près de deux millions (1,9 million), soit 25% de l'ensemble des électeurs. Le problème, selon les responsables de l'ATIDE, est que cette permission pourrait être exploitée pour recourir à toutes sortes de pratiques déloyales tendant à détourner les voix des électeurs analphabètes au profit de quelques listes de candidats en particulier. L'article 61 peut engendrer des intimidations, des pressions, des violations de la liberté de vote et peut même ouvrir la porte à une corruption matérielle de voix facilitée (du fait de rentrer dans l'isoloir avec la personne qui vote), sur une population vulnérable encore dépourvue d'un minimum de culture politique. Ni les observateurs, ni les membres du bureau de vote ne pourront éviter ce type d'infractions, ont dit les responsables de l'ATIDE qui ont averti officiellement la Commission indépendante pour les élections de ces dangers encourus par le processus électoral. Selon Moez Bouraoui, les membres de son Association disséminés dans l'ensemble du pays, ont constaté déjà des actes de corruption dans ce sens. Certaines parties concernées dans la région de Kasserine font don d'une chèvre et d'un agneau aux analphabètes pour acheter leurs voix. Dans la région de Kairouan, on leur donne des sacs remplis de denrées alimentaires. Plus grave encore, lors de l'inscription des électeurs sur les listes qui doit prendre fin le 2 août, les bureaux d'inscription n'ont pas prévu de mentionner que tel ou tel électeur est analphabète, de sorte qu'il n'y a, ni nombre officiel, ni liste officielle nominative des électeurs analphabètes permettant de suivre et de vérifier leur vote. Ainsi, chaque électeur peut prétendre être un électeur analphabète et se faire aider par une autre personne pour voter. A cet égard, l'ATIDE a émis quelques propositions pour pallier ces difficultés. Elle préconise que des associations intègres assistent, encadrent et sensibilisent les électeurs analphabètes sur leurs droit et devoir électoral tout au long de l'opération d'inscription sur les listes électorales (ce qui n'est plus possible, vu la limite de temps) et durant la campagne électorale, ainsi que l'aide des huissiers notaires qui rentreraient dans l'isoloir avec les dites personnes analphabètes recensées. L'ATIDE suggère, en outre, la changement de l'article 61 en supprimant la mention des analphabètes dans cet article. Seuls les aveugles et handicapés munis de leur carte de handicap peuvent faire rentrer une personne avec elles. L'article 61 permet en effet aux handicapés de se faire aider par une autre personne pour voter. Pourtant l'article 58 de la loi mentionnée a doté chaque liste électorale d'un symbole qui peut être facilement identifié par les analphabètes et s'y référer dans leur choix. Les responsables de l'ATIDE ont dit avoir trouvé d'autres imperfections dans le processus électoral dont ils informeront l'opinion, au moment opportun. On rappelle que l'institution d'une procédure d'élection par procuration avait été à la base de l'effondrement du premier processus électoral démocratique en Algérie, à la fin des années 1980. Salah BEN HAMADI