De Hechmi GHACHEM - Détruire, dit-elle. C'est sûrement un titre de Duras, mais comme vieillesse et cendres me font descendre si bas, que descendre encore plus bas pour moi ne peut être que remonter. A la surface de cette eau trouble dont je viens de m'extirper, s'étale la phrase illuminée par trente-six mille étoiles myopes, du véritable titre de Duras : Ecrire dit-elle… Ecrire ou détruire sont des actions enchaînées. On détruit pour construire, pour écrire une autre page de l'Histoire. On peut aussi construire sur les vieilles villes, les tombeaux antiques, parce qu'ils sont sans voix. Ils ne parlent pas. Mais, les profanateurs des morts sont des coyotes, les plus haïs de l'Histoire, parce qu'ils croient voler ceux qui n'ont plus de raison d'être, ni la force d'être. Ils ne savent pas que ce sont les morts qui gouvernent les vivants. On ne vit que pour honorer les morts auxquels on appartient. Nous ne sommes, après tout, que les biens immobiliers, et immobiles, de la grande faucheuse. Mais la mort est un sujet tabou, un refrain caché pour poètes maudits. Et dans l'école de la poésie, on n'apprend pas, on se bat. Monsieur Richard… un dernier pour la route ? Et va-t-en, va- t-en Monsieur Léo, dégage toi de mon soleil obscur. C'est la mafia qui demande aujourd'hui une justice sans failles car la mafia ne peut pas vivre sans loi, puisque c'est elle qui fait la loi. Il n'y aura donc pas de justice de transition ni de justice provisoire. Il faudrait que la loi s'érige en loi, évitant les simulacres, les procès mal cousus, mal recousus, et très très mal recousus, servis comme sandwichs bourratifs pour une plèbe aux abois. Que venez-vous me chanter ici-bas ? Que la révolution est passée par là ? Mais par où ? Et puis est-elle vraiment passée ? Ou bien est-elle restée-là, coincée entre deux rochers obstruant la trachée artère et les genoux ? La révolution tunisienne n'a pas eu lieu. Ou bien je n'étais pas là quand cela s'est passé. Tout est de la faute de ce Caligula de mes deux poumons. C'est le Capt'aine Ben Ayed, connu comme Alygula, signature impériale pour comédien infini. Cela plut à Bourguiba qui en redemanda. On lui servit un Mourad III, dont il s'est essuyé les mains en déclarant : heureusement que je ne suis pas ce Mourad Bou Bala. La Bala étant l'outil de prédilection de Mourad III pour couper les têtes. Lui, Bourguiba n'a tué personne. Il a toujours respecté l'indépendance de la loi et de ses magistrats. Cela ne l'a pas empêché, le jour du fameux procès du complot contre la sûreté de l'Etat, d'aller inaugurer les nouveaux abattoirs de Tunis. Il n'y avait là, aucun signal donné à son vassal, le tristement célèbre Mohammed Farhat et les membres de la Chambre qu'il présidait. Mais arrêtons de déterrer les morts. Chaque mort a sa raison d'être mort. Pensons à l'avenir, radieux de nos enfants. Et accueillons avec des sourires enflammés, la nouvelle ère qui démarre. Et qui va illuminer le pays. L'ère de la mafia sur la terre de nos ancêtres. Mais nos ancêtres, connus pour être doux comme des agneaux, vont peut-être encore une fois redoubler de violence. Nous ne l'espérons pas. Nous prions tout simplement, pour que tous les saints de ce pays le préservent encore de ces pires ennemis, qui sont l'ignorance, l'errance dans les ténèbres, et l'oubli…